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Le Postier - Charles Bukowski

Par Woland

Le Postier - Charles Bukowski

Post Office Traduction : Philippe Garnier

Extraits Personnages

Pour les gens de ma génération qui, s'ils se sont intéressés aux livres dès leur berceau, y ont assisté en direct, Charles Bukowski, c'est avant tout 'extraordinaire numéro filmé par les caméras d'Antenne 2 le 22 septembre 1978, sur le plateau d'"Apostrophes", en présence d'un Bernard Pivot sidéré, d'une Catherine Paysan très gênée et d'un François Cavanna qui, tenta lui-même, à sa façon bien spéciale ("Ta gueule, Bukowski !"), de raisonner l'écrivain américain. Pour les hommes, Bukowski, c'est aussi un auteur qui, dans ses textes, appelle ... eh ! bien, un félin, un félin

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et qui, visiblement, se complaît à le faire - procédé qui, de tous temps, a soulevé l'admiration des messieurs, avouons-le, et a souvent fidélisé leur clientèle. Pour les femmes, l'effet est en général inverse et dans le sexe dit "faible", nombreuses sont celles qui tiennent Charles Bukowski pour un fameux pervers et un obsédé absolument dégoûtant.

Bien que de nature non bégueule et considérant qu'il faut de tout pour faire un monde, je me tenais jusqu'ici - aurais-je le courage de l'avouer ?

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- plutôt du côté féminin. Mais avec l'âge, on évolue et on se dit - surtout quand on a sur son forum un dénommé "Ignatius"
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, dont l'un des Dieux littéraires est justement Bukowski : "Pourquoi pas ? Essayons." Et bien entendu, j'ai essayé par ce qui fut le premier roman de Bukowski. Tout d'abord parce que je trouvais ça logique pour un auteur que je n'avais jamais lu. Ensuite parce que je me disais que, comme il s'agissait d'un premier opus, il y aurait peut-être dans ses pages un peu moins de félins appelés par leur nom.

Et alors là, mes amis, quelle surprise ! Et même quelle surprise plaisante ! Et quels fous rires aussi car, si vous lisez "Le Postier", vous ne pouvez vous empêcher ni de sourire, ni de rire même si, de temps à autre, notamment quand il évoque le décès de Betty, femme qu'il aima visiblement sincèrement, la tristesse de Bukowski vous atteint d'un trait sûr.

Dès la première page, j'ai eu l'impression - assez déconcertante et des plus rares - que l'auteur s'invitait à ma table et commençait à me raconter son histoire avec la familiarité tranquille de qui vous connaît depuis longtemps. Plus déconcertant encore, si possible : il me semblait avoir toujours connu Bukowski.

Pour réaliser ce tour de force, s'installer chez son lecteur, et un lecteur pas si bien disposé que ça après tout, dès les premières pages d'un livre, et sans lui donner un seul instant l'impression de s'imposer autrement que comme un ami, il faut déjà être un sacré bon écrivain. Pour tenir la route pendant près de deux-cents pages, sans que jamais l'intérêt ne retombe, et tout ça sans avoir écrit un thriller, il faut même être un très grand écrivain - un vrai. D'autant que, dans le cas de Bukowski, il y a, bien sûr, le problème de la traduction - je précise que j'ai trouvé celle de Philippe Garnier très réussie.

Car pour atteindre à cette simplicité si paisible, si évidente, il faut avoir un sens aigu du mot. N'importe qui ne peut pas faire ça : il faut beaucoup de travail pour y arriver même si l'on peut penser que la veine poétique de Bukowski l'a beaucoup favorisé.

"Le Postier" est, pour l'essentiel, le récit, insolite, drôlatique, émouvant, des tribulations de l'auteur, dissimulé sous son avatar d'Henry Chinaski, du temps où il travaillait pour la Poste des Etats-Unis - et il y a quand même bossé douze ans, au bout desquels il se plaignait d'ailleurs d'avoir pris je ne sais combien de kilos. Cela déborde d'un humour si féroce et en même temps si jovial que cela ne se raconte pas - ou alors très mal. Et en filigrane, allant et venant comme un requin rôdant dans les grands fonds, cet "A quoi bon ?" terrible de Bukowski s'interrogeant sur la nécessité même de l'existence, cet "A quoi bon ?" dont, pourvu qu'on sache faire preuve d'honnêteté envers soi-même, on sait bien que, certains soirs ou encore certains petits matins, dans les brumes du réveil sur une journée sans but, on perçoit en son coeur les échos lassés et pleins d'humeur.

Après ça, Bukowski, c'est pour ainsi dire un frère. Un frère souvent mal embouché et qui aurait dû boire un peu moins, un frère exaspérant et désespérant quand il se met à parler sexe, sexe et rien que sexe, mais un frère tout de même. Un frère doté d'un charme plutôt mélancolique mais indéniable qui explique sans doute en partie pourquoi cet homme plaisait tant aux femmes. Je vais peut-être me faire taper sur les doigts par Ignatius mais tant pis : il y a beaucoup de l'enfant, chez Bukowski, un enfant râleur, buté, toujours prêt à inventer la bêtise du jour et à poser les questions qu'il ne faut pas, mais aussi un enfant avide de tendresse et de compréhension. Et qui refuserait à cet enfant de s'asseoir à sa table, surtout quand celle-ci est bien garnie ?

Moi, en tous cas, je ne le ferai pas et désormais, Charles Bukowski aura table ouverte chez moi. Dans son intérêt, je garderai tout de même un oeil sur les bouteilles - il boirait n'importe quoi, ce petit ...

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