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Quel rôle pour l’épouse du Chef de l’Etat en France ?

Publié le 24 juin 2012 par Vindex @BloggActualite


Qu’elle soit reine, impératrice ou Première Dame, l’épouse du Chef de l’Etat en France a toujours occupée une place privilégiée au sein de la hiérarchie étatique. Néanmoins, il convient de préciser que place privilégiée ne rime pas forcément avec rôle privilégié ou fonctions privilégiées à la tête de l’Etat. Au XIXème siècle, la France est ballotée entre différents régimes politiques, elle est « entre monarchie et république »comme il est de coutume de le lire dans nos manuels scolaires. Cependant, si la stabilité politique est bel et bien battue en brèche, le rôle dévolu à l’épouse du Chef de l’Etat ne change que très peu, au moins officiellement. De quel rôle parlons-nous ? Y a-t-il une différence de rôle entre une épouse de monarque et une épouse de Président de la République ?

Le temps des souveraines :  


Quel rôle pour l’épouse du Chef de l’Etat en France ?
-Anne d'Autriche fut Reine de France et régente durant le 17° siècle-
Entre le Vème siècle et le XIXème siècle, la France a majoritairement connu des régimes monarchiques : royauté (v. 496-499 – 1792) ; Premier Empire (1804 – 1814-1815) ; Restauration (1815 – 1830) ; monarchie de Juillet (1830 – 1848) ; Second Empire (1852 – 1870). Ainsi, durant ces quinze siècles, le Chef de l’Etat[1]en France est un monarque ou souverain qui peut être soit un roi, soit un empereur, même s’il n’y a eu que deux empereurs en France au XIXème siècle (Napoléon Ier et son neveu Napoléon III). A cette époque, le mariage du Chef de l’Etat est une question essentielle dans le jeu politique, au moins pour deux grandes raisons : l’épouse doit assurer la succession dynastique ; les alliances matrimoniales participent à la diplomatie européenne et permettent à des pays de s’allier au moins pour un temps. Prenons un simple exemple : le mariage entre Louis XVI et Marie-Antoinette devait permettre à la France de faire la paix avec son ennemi de toujours, la Maison des Habsbourg (Autriche).  La reine (ou l’impératrice) dans le système monarchique français a toujours été exclue, par la loi salique, de la succession au trône ou de la transmission les droits de la succession au trône. Comme on le disait au Moyen Age, « la France ne tombe point en quenouille ». Il y a là d’ailleurs une des causes du déclenchement de la Guerre de Cent Ans (1337-1453). Forts de cet état de fait, les historiens, confortés par les théoriciens du XVIIème siècle qui cherchaient à écarter les femmes du milieu politique, ont conclu que les souveraines n’avaient aucun pouvoir, au moins officiellement, sauf dans des cas exceptionnels comme la régence. La souveraine est véritablement dans l’ombre de son royal époux, d’ailleurs à partir d’Anne d’Autriche[2], elle n’est même plus sacrée. De plus, son véritable titre n’est pas celui de reine de France mais d’épouse du roi de France. Concernant les impératrices, il s’agit là de leur titre véritable.La souveraine ne peut donc pas accéder au trône de France et ne doit jouer aucun rôle politique officiel à la tête de l’Etat et/ou au sein du gouvernement. En réalité, on peut dire qu’elle a trois « rôles » : elle apporte une dot à la Couronne de France ; elle doit assurer la continuité dynastique en mettant au monde prioritairement des garçons ; de par son mariage, elle peut permettre à la France de sceller une alliance avec un autre pays européen. Officiellement, la reine de France ou l’impératrice n’ont donc aucun mot à dire concernant la direction des affaires de l’Etat et la politique menée par son mari. Bien évidement, il est probable qu’en privé, elle puisse exercer une influence certaine et, d’ailleurs, si ce n’est pas elle qui exerce cette influence, la maîtresse en titre s’en charge très bien (nous pouvons citer l’exemple de Madame de Pompadour sous le règne de Louis XV).[3] La pratique est-elle conforme à la théorie ? Nous pouvons dire que les souveraines en France ont assez fidèlement respecté le rôle qui leur été dévolu au sein de la structure étatique et, de toute façon, elles n’avaient d’autre choix que de respecter ce rôle en présence de leur époux. En certaines occasions, elles ont cependant marqué l’Histoire en exerçant des charges gouvernementales, mais uniquement au cours des périodes de régence. On pourrait citer la régence de Blanche de Castille durant la minorité de Louis IX (saint Louis), celle de Catherine de Médicis qui a largement outrepassée la période de minorité de ses enfants, les rois Charles IX et Henri III, ou encore la régence d’Anne d’Autriche durant la minorité de Louis XIV, régence qui s’est d’ailleurs poursuivie au-delà de la stricte minorité du Roi-Soleil. Ces reines ont certes exercé des pouvoirs étatiques, mais en toute légitimité le plus souvent et avec l’accord du Chef de l’Etat qui était alors dans l’ « incapacité » intellectuelle dirons-nous d’exercer ces pouvoirs (considérons leur bas âge) qui normalement lui revenaient de plein droit. Le cas de Marie-Antoinette est plus complexe à définir : en pleine Révolution, elle a assumé la réelle direction du gouvernement royal tant Louis XVI, indécis bien souvent, avait du mal à prendre des décisions. Ainsi, au cours des dernières années de la monarchie bourbonienne, entre 1790 et 1792, la souveraine mène le jeu de la Contre-révolution et prend des décisions qui en théorie devaient être prises par le roi lui-même en tant que Chef d’Etat. Mais, le plus souvent, les reines de France ont fait « profil bas » et ont davantage joué un rôle de représentation ainsi que de « modèle ». Comment ne pas citer Anne d’Autriche qui, pendant le règne de son mari le roi Louis XIII (1610-1643), exerce une importante activité de charité. Véritablement, l’épouse du Chef de l’Etat doit incarner les vertus morales essentielles (prudence, tempérance, justice et bonté) et doit être un « modèle » à suivre.Quant aux dernières souveraines que la France a connues au XIXème siècle, elles restent assez effacées. Seules les impératrices Joséphine de Beauharnais (l’épouse de Napoléon Ier) et Eugénie de Montijo (l’épouse de Napoléon III) ont exercé une influence certaine auprès de leur mari, au moins dans la sphère privée. Cependant, il est clair que l’impératrice Eugénie, dernière souveraine que la France ait connue, s’est assez largement impliqué en politique : c’est elle par exemple qui est parvenu à convaincre son époux qu’une guerre avec la Prusse en 1870 était inévitable, d’où le déclenchement de la guerre franco-prussienne de 1870 et ses conséquences catastrophiques pour la France, notamment la perte de l’Alsace-Moselle jusqu’au traité de Versailles en 1919 concluant la Première Guerre Mondiale.

Le temps des Premières Dames :   


Quel rôle pour l’épouse du Chef de l’Etat en France ?
-Valérie Trierweiler est l'actuelle Première Dame de France-« Le terme Première Dame désigne historiquement le premier personnage féminin dans l'ordre protocolaire monarchique comme par exemple  la reine, l'impératrice, la régente]. Elle peut avoir des attributions protocolaires, même si elle ne dispose généralement d'aucun titre officiel. »[4]
Aujourd’hui, la Première Dame de France est l’épouse ou la compagne du Président de la République. Il convient de signaler que cette appellation de « Première Dame » est relativement récente et date des années 1950.[5] En effet, auparavant, on appelait l’épouse du Président de la République « Madame la Présidente », mais cet usage a disparu au profit de celui ci-devant évoqué pour deux raisons essentielles : la féminisation des noms de métiers qui attribuerait davantage cette expression à une femme qui exercerait la véritable charge présidentielle ; l’influence américaine sur le monde et le fait qu’aux Etats-Unis, on appelle l’épouse du Président « First Lady »C’est ainsi qu’en France, on est passé de l’expression « Madame la Présidente » à celle de « Première Dame de France », notamment en écho à l’expression américaine de « First Lady ».Il n’en reste pas moins que cette expression est utilisée depuis longtemps en France pour désigner le premier personnage féminin dans l’ordre protocolaire, comme cela a été dit précédemment.

Il existe quelques différences majeures entre les anciennes souveraines de la France (reines ou impératrices) et les épouses ou compagnes de Président de la République. Tout d’abord, il faut savoir que contrairement aux souveraines, le titre de « Première Dame » n’est pas rattaché à un statut officiel, celui-ci n’est en effet défini ni dans aucune des Constitutions républicaines que la France ait connues, ni dans un autre texte législatif et/ou règlementaire. Si la reine de France ou l’impératrice avait une existence légale et officielle à la tête de l’Etat, la Première Dame n’en a aucune. Cela s’explique par le fait qu’elle n’a strictement aucun rôle officiel à jouer auprès du Président. Si au temps des souverains, la souveraine devait au moins assurer la succession dynastique, au temps des Présidents, il n’est bien évidemment plus question de cela. Ainsi, le rôle joué par l’épouse ou la compagne du Président de la République est moindre. Légalement, la Première Dame n’a donc aucune fonction clairement établie dans la République, même si elle occupe une place dans le protocole institutionnel. Tout comme pour les souveraines, il est probable qu’en privé, la Première Dame exerce une influence plus ou moins grande sur son époux. Madame Yvonne de Gaulle par exemple exerçait une influence certaine sur le général durant sa Présidence (1958-1969). Mais, on constate une certaine continuité entre les souveraines et les Premières Dame, notamment dans le domaine des actions caritatives. Nullement besoin d’évoquer le cas de Madame Chirac et de l’affaire des pièces jaunes… D’autres souveraines étaient davantage concentrées sur le domaine des arts, favorisant ainsi l’épanouissement de tel ou tel type d’art. Ce profil correspondrait plus à Madame Bruni-Sarkozy, musicienne.Publiquement, la Première Dame de France n’a donc rien à dire quant à la politique menée par le Président, elle n’a pas non plus à s’impliquer dans les affaires gouvernementales, tout comme les souveraines dans leur temps. Cependant, au cours de la seconde moitié du XXème siècle, le rôle des Premières Dame s’est considérablement accru. « L'épouse du Président de la République est fréquemment présente lors des dîners officiels au palais de l'Élysée et lors de voyages diplomatiques à l'étranger. Yvonne de Gaulle est la marraine, en 1960 du paquebot France. Pour les vœux présidentiels du 31 décembre 1975, le président Valéry Giscard d'Estaing y associe son épouse Anne-Aymone: il y a dans cette action, comme il le fait lors de la campagne présidentielle, une réelle volonté de mettre en avant son épouse, notamment comme un atout en termes de communication ; stratégie que le président emprunte, sans s'en cacher, à son modèle en la matière, le président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy et sa médiatique épouse Jacqueline Kennedy. Si chaque Première dame a fondé une association caritative, c'est réellement Danielle Mitterrand qui est la première à s'impliquer en matière de politique, en faisant part aux médias de ses vues sur le monde. Le rôle de Première dame, s'il n'est en rien défini, est finalement adopté par chacune, en fonction de sa personnalité. »[6]

En conclusion, nous pourrions affirmer que traditionnellement, en France, l’épouse du Chef de l’Etat n’a aucun rôle officiel à jouer dans la conduite les affaires du pays. Elle peut cependant exercer une influence dans le domaine de la sphère privée. Mais, concernant son rôle public, il s’arrête à une sorte de rôle de représentation, plus encore pour les Premières Dames que pour nos anciennes souveraines.
Emmanuel ECKER.



[1]  Le terme Chef d’ « Etat » est ici employé pour évoquer le fait que le souverain dirige toute la France, mais c’est anachronique pour une partie de la période médiévale (haut Moyen Age) dans la mesure où on ne peut véritablement commencer à parler d’Etat pour la France qu’à partir du règne de Philippe II Auguste (1180-1223). [2]  Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, mère de Louis XIV, née en 1601, morte en 1666. [3]  Il s’agit là d’un exemple précis, tous les souverains n’ont pas eu de maîtresse en titre ! [4]  Wikipédia dans l’article « Première Dame de France » [5]L’expression de « Première Dame » commence à être utilisée avec Michelle Auriol, l’épouse du Président Auriol. [6]  Wikipédia dans l’article « Première Dame de France »


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