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Manuel Valls face à l'impatience.

Publié le 29 juin 2012 par Juan
Manuel Valls face à l'impatience. Le ministre de l'intérieur fait parler de lui. C'était prévisible. La lutte contre l'insécurité et le maintien de l'ordre sont devenus des enjeux prioritaires à gauche, au même titre que le reste. La politique migratoire reste de son ressort, cela fait grincer des dents à gauche.
Le premier flic de France dirige l'un des ministères les plus surveillés du moment, après une décennie de sarkozysme agité, épuisant et inefficace.
Après l'échec de Sarkozy
Nicolas Sarkozy, qui en avait fait son ADN politique personnel, avait finalement échoué. D'un point de vue purement factuel, le nombre d'atteintes aux biens a certes chuté mais celui des atteintes aux personnes a quasiment doublé en une décennie de sécurité sarkozyenne. Or la plupart des salves législatives de l'ancien ministre de l'intérieur devenu président en 2007 portaient justement sur les secondes et non les premières.
Ensuite, le décalage entre son action véritable et ses logorrhées sur le sujet sécuritaire, cette instrumentalisation systématique du moindre fait divers ont clivé le pays sur un sujet qui ne le mérite pas (qui est favorable à la délinquance ??) et fermé le débat. Le moindre fait divers malheureux était l'occasion pour l'ancien monarque d'attraper un micro pour fustiger les criminels et les fous, et tirer la couverture à lui.
Sur ces sujets, François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls seront donc observés, jugés et le cas échéant critiqués.
De déplacements en interventions, le nouveau ministre a déjà laissé entendre qu'il s'agaçait d'être systématiquement comparé à « l'autre », c'est-à-dire Nicolas Sarkozy. Il l'a dit au septième congrès de l’Unsa-police (3ème syndicat de gardiens de la paix): «C’est pénible. (...) C’est logique d'être sur le terrain à condition de le faire en prenant du temps.» Mais cette comparaison, au moins pour les premiers mois, est légitime et inévitable. Ensuite viendra le temps de la comparaison des bilans.
Dans le Monde daté du 28 juin, le ministre de l'intérieur s'est exprimé sur la politique migratoire. Le sujet est également sensible. Nous sortons de cinq années d'outrances médiatico-politique sur le sujet: ministère puis débat de l'identité nationale, expulsions par rafles, tests ADN, discours de Grenoble, traque aux Roms, statistiques ethniques, etc... L'ancien monarque avait tout fait, tout dit, et... sans grand résultat également !
Les avancées de Valls
A l'instar de ses collègues et de François Hollande, Manuel Valls s'est affiché posé et volontaire pour dépassionner le débat. Evidemment et légitimement, les associations s'impatientent. Car la loi est mal faite, et de nombreux cas d'immigration clandestine sont encore traités sous l'arbitraire préfectoral.
Mais il fallait lire et relire, calmement, les propos du ministre de l'intérieur pour comprendre que le changement était au moins là dans les mots et déjà, au moins partiellement, dans les décisions:
1. Manuel Valls a confirmé la fin de la politique du chiffre, qui fixait des objectifs d'expulsions arbitraire: « je ne jugerai pas l'action des préfets sur la base du nombre de reconduites exécutées
2. Il a promis une circulaire sous peu pour clarifier les critères de régularisation, et s. Il faut une règle et des « critères transparents », pas des des objectifs chiffrés d'expulsions: « Les régularisations doivent se faire en s'appuyant sur des critères précis, objectifs, compréhensibles, à la fois par ceux qui sont dans cette situation, ceux qui pourraient venir sur notre sol national, et nos compatriotes.» Le ministre précisait: « Ces critères sont les années de présence en France, la situation par rapport au travail, les attaches familiales, la scolarisation des enfants. Ils ont été interprétés de manière beaucoup trop restrictive et n'ont pas été appliqués de manière uniforme sur l'ensemble du territoire par le précédent gouvernement.»
2. Les rétentions de familles d'immigrés clandestins vont être interdites, Valls a promis une autre circulaire qui « annoncera l'arrêt immédiat de la rétention des familles, et précisera les règles de leur assignation à résidence ».
3. Manuel Valls a annoncé la création d'un nouveau titre de séjour de 3 ans: « Il nous faudrait essayer de légiférer cette année, et à ce titre, créer un titre de séjour intermédiaire d'une durée de trois ans qui permette de stabiliser ceux qui vivent et travaillent de manière régulière sur le sol national. » Il a dénoncé, au passage, les conditions d'accueil des étrangers en quête de régularisation: « J'ai, à ce propos, été révolté par le sort réservé à ces étrangers qui se retrouvent dans les files d'attente devant les préfectures pour renouveler leurs papiers pendant des heures, la nuit, ou dans le froid.»
4. Manuel Valls veut améliorer le processus de naturalisation, et promet une autre circulaire cet été pour clarifier les critères. Encore une fois, ses paroles sont une rupture avec la France d'avant: « Depuis deux ans, les naturalisations ont chuté de 40 %. C'est la conséquence de choix politiques délibérés, mais non écrits, non dits. Je veux inverser cette tendance. »
4. Y aura-t-il davantage de régulations que 30.000 ? Valls n'y « croit pas ». Il lâche une formule (« Aujourd'hui, la situation économique et sociale ne permet pas d'accueillir et de régulariser autant que certains le voudraient ») qui, immédiatement, en a fait hurler certains à gauche. Pourtant il est prudent, et cohérent Il n'annonce pas de plafond non plus, ce serait doublement stupide. Primo, le candidat Hollande l'avait répété: imposer des objectifs d'expulsions favorise l'arbitraire. Secundo, la droite sarkozyste et l'extrême droite n'attendent qu'un flou, une formule, une phrase de trop pour crier au loup et accuser le gouvernement Ayrault de régularisations massives. Depuis l'automne, Nicolas Sarkozy n'a cessé, comme Marine Le Pen, de replacer le sujet migratoire au coeur du débat politique... en vain.
Ce qu'il manque. 
A gauche, certains se sont heurtés sur cet argument. Ces cris d'orfraie n'étaient pas les plus importants du moment. D'autres s'impatientaient davantage encore, et le ministre Valls ferait mieux d'accélérer la mise en pratique de ces récente déclarations.
La détention de mineurs dans des centres de rétentions est encore de mise. La circulaire Valls se fait attendre. Libération rapportait ainsi le cas d'un adolescent malien arrêté à Auxerre le 14 juin, et placé en rétention au Mesnil-Amelot; d'une famille russe enfermée à Oissel (Seine-Maritime); de deux enfant Angolais de 2 ans et 4 mois enfermés au CRA de Saint-Jacques-de-la-Lande près de Rennes pendant 24 heures.
Certaines expulsions « familiales » d'immigrés clandestins se poursuivent dans les mêmes conditions iniques que sous l'ancien sarkozysme. Il suffit de lire les dépêches et alertes de RESF pour constater que l'irréparable se commet encore trop fréquemment. La mobilisation des associations et bénévoles est toujours efficace et parfois efficace: ce jeudi 29 juin, une mère d'origine roumaine et ses deux enfants scolarisés depuis 2008 ont échappé de peu à une expulsion matinale.
Sur ce sujet, plus que sur d'autres, la patience va manquer.


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