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Rio+20: un bilan en deçà des attentes

Publié le 10 juillet 2012 par Nicomak @Myriam_Nicomak

RIO+20 logo1 Rio+20: un bilan en deçà des attentesL’échec a été évité, mais à quel prix ?

La conférence des Nations-Unies sur le développement durable organisée à Rio du 20 au 22 juin 2012 a réuni au total 187 pays et 45 000 personnes. En dépit de cette forte participation, cette conférence n’a produit aucune convention ou autre texte juridique. Nous sommes donc bien loin des répercussions du premier sommet de la Terre Rio 92, au cours duquel avait notamment vu le jour l’Agenda 21 et deux textes juridiquement contraignants sur la biodiversité (la CDB) et le changement climatique (CCNUCC) qui aboutira au protocole de Kyoto.

Cette fois, un simple texte d’engagement a été adopté à l’issue de la cérémonie de clôture le vendredi 22 juin 2012, intitulé « L’avenir que nous voulons ». Ce texte de 49 pages et de 283 paragraphes a été discuté dans la douleur pendant six mois de négociations par les délégués de chaque pays ; il a fallu un coup de force du Brésil dans les tous derniers jours pour parvenir à un accord, en réduisant le texte au plus petit dénominateur commun. Les chefs d’Etat n’ont fait ensuite qu’entériner ce texte, chacun se gardant bien de rouvrir des négociations qui s’annonçaient trop complexes.

Les 10 éléments clés à retenir du document :

  1. Réaffirmation de tous les engagements des conférences précédentes.
  2. Processus défini pour créer les ODD (Objectifs de Développement Durable) en 2015, afin de prendre la suite des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement).
  3. Préparation, via la plateforme de Durban, d’un accord mondial juridiquement contraignant sur le climat entre 2012 et 2015, pour une entrée en vigueur en 2020.
  4. Renforcement du PNUE grâce à une participation financière universelle des pays, mais PAS de création d’une véritable agence onusienne pour le développement durable, l’OME (Organisation Mondiale de l’Environnement).
  5. Création du Forum de haut niveau pour remplacer la Commission de développement durable de l’ONU, qui acte l’ouverture des processus de négociation à la société civile. La société civile passe ainsi du statut d’« observateur » à celui de « participant ».
  6. Affirmation de la responsabilité des pays d’origine envers les réfugiés climatiques.
  7. Présentation de l’économie verte comme une solution éventuelle à l’éradication de la pauvreté.
  8. Projet de convention sur les océans, mais suppression du paragraphe sur la protection de la haute-mer (la discussion a été remise à 2014).
  9. Affirmation de la nécessité d’une dimension sociale, d’un socle commun de protection sociale.
  10. Encouragement pour favoriser le reporting extra-financier et lancement du travail sur la mesure du bien-être (au-delà du PIB).

Les aspects positifs du bilan de Rio+20

La satisfaction majeure de ce Sommet est qu’il met fin à un long cycle d’échecs des négociations sur le climat depuis le désastre de Copenhague en 2009 : enfin, un texte commun s‘engageant en faveur du développement durable a été approuvé. C’était là l’objectif principal du pays organisateur, le Brésil, qui s’est donc félicité de l’issue de ce sommet.

S’il ne fixe pas d’engagements clairs, au moins le texte affirme-t-il la nécessité de définir de nouveaux « Objectifs du développement durable », avec une feuille de route qui mène à 2015. C’est ce qu’ont voulu retenir les principaux acteurs de cette conférence : elle a permis d’initier clairement les grandes décisions de demain, tout en renforçant un socle commun d’engagements.

Un autre aspect positif de cette conférence a été la prise en compte de la société civile, à travers les « Dialogues pour le développement durable » (trois jours de conférence et une plateforme en ligne) au cours desquels plus d’un million de voix ont été émises, pour aboutir à la soumission d’un rapport aux gouvernements. Malheureusement, ces dialogues ont fini par être boycottés par beaucoup d’ONG à cause de la prise de contrôle du Brésil sur la finalisation du texte.

Finalement, les avancées les plus concrètes de Rio+20 sont à chercher en marge du Sommet :

  • L’ONU a profité du Sommet pour annoncer le lancement de l’initiative « défi zéro faim » qui veut transformer les systèmes de production et consommation alimentaires.
  • Les Etats ont pris plus de 700 engagements volontaires (dont une centaine pris dans le cadre de l’initiative de l’ONU « énergie durable pour tous »).
  • Les principales villes du monde (le fameux C40*) se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 1,3 milliard de tonnes d’ici à 2030 (plus que ce que le Mexique et le Canada émettent ensemble).
  • Le secteur privé n’est pas en reste : la Présidente du Brésil s’est félicitée de « la participation financière croissante d’entreprises et de la multiplication de partenariats privés qui permettent de faire avancer les projets ».
  • La société civile s’est aussi mobilisée au Sommet alternatif des peuples qui se tenait du 15 au 23 juin, pour faire émerger des solutions concrètes et en accord avec les populations, avec notamment une manifestation de plus de 30 000 personnes dans les rues de Rio mercredi 20 juin 2012.

La leçon de ce Sommet pourrait donc être, comme l’a déclaré Daniel Mittler, de Greenpeace : « L’échec de Rio+20 donnera aux gens plus d’énergie pour se mobiliser et se battre pour la planète ».

De lourdes déceptions

Le Brésil a réussi à garder la face faisant émerger un accord, mais il a fallu qu’il brusque de façon inhabituelle les négociations, en s’emparant du texte dans les derniers jours pour le dépouiller de tous les éléments qui prêtaient au moindre conflit. L’UE, minée par la crise de la dette, n’a pas été en mesure d’imposer l’OME aux Etats-Unis et au Canada ; le G77 des pays en développement a quant à lui fait profil bas, dominés par le Brésil et la Chine qui n’avaient pas cachés leurs faibles ambitions pour ce sommet : ils ont vite abandonné leur principale exigence, une contribution des pays riches de 30 milliards de dollars par an jusqu’en 2017 et 100 milliards au-delà pour financer de nouveaux programmes.

Le manque de leaders s’est fait cruellement ressentir au long de cette conférence, ce qui ne fait que plus regretter l’avortement de l’agence onusienne OME, qui aurait au moins eu le mérite de faire émerger un « M. Développement Durable » au sein de l’ONU pour encadrer et dynamiser les négociations.

L’accord a minima qui émerge de Rio+20 a provoqué une très grande déception de la part de nombreux acteurs. Les chefs d’Etat européens, ainsi que la plupart des observateurs, ont souligné le cruel manque d’ambition du texte face aux défis que représente le développement durable pour la planète. De nombreuses ONG, écœurées, ont même demandé que l’ONU retire la mention « avec la participation totale de la société civile » du premier paragraphe de la déclaration.

Et après ?

Le document de Rio+20 devra tout d’abord être légitimé à l’Assemblée Générale des Nations-Unies en octobre, accompagné des 30 recommandations issues des « Dialogues pour le développement durable » de la société civile. Les débats entre les Etats se poursuivront à cette occasion.

Au sein de l’Union européenne, le Parlement européen va publier une résolution politique d’urgence sur Rio+20 (soumise au vote en séance plénière début juillet), qui soulignera notamment le caractère insatisfaisant du texte, a déclaré Sandrine Bélier, députée européenne (Les Verts/Alliance libre européenne) auprès d’AEF Développement durable.

Pour que l’esprit de Rio perdure, le Centre mondial pour le développement durable « Rio+ Center » a été créé, qui fournira un lieu pour poursuivre la réflexion et qui coordonnera les idées pour Rio+40. Ce centre, basé à Rio, sera doté d’un budget initial de 5 millions de dollars. L’enjeu est de taille, quand on voit le nombre d’acteurs qui se sont d’ores et déjà jurés de ne pas se rendre à Rio+40…

* Présidé par le maire de New York, Michael Bloomberg, le C40 est un réseau de 59 villes, de Pékin à Moscou ou Sao Paulo, qui représentent 20 % du PIB mondial, 8 % de la population du globe, mais aussi près de 14 % des émissions de GES.

Sources :


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