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Nul n’est censé ignorer la loi

Publié le 18 juillet 2012 par Paumadou

Mercredi 18 juillet 2012

Nul n’est censé ignorer la loi

Ceci est article qui risque d’être un peu technique mais je vais essayer d’être claire. Je vais parler de droit d’auteur et démêler l’écheveau pour vous (écheveau que j’ai mis plusieurs années à comprendre, et je ne suis pas légiste, il y aura peut-être des erreurs)

Donc allons-y.

Nul n’est censé ignorer la loi

Le droit d’auteur : le terme « droit d’auteur » est un terme qui couvre toute la législation AUTOUR des oeuvres d’auteur. Ca ne correspond pas à une rémunération qu’un auteur peut percevoir pour un livre, ni à rien de bien précis. C’est un ensemble flou. Remplacez « auteur » par « commerce » et vous verrez l’idée: le droit d’auteur, c’est comme le droit du commerce. C’est bourré de lois et de notions toutes complexes et il faut être légiste pour en connaître toutes les arcanes.

Le droit d’auteur couvre des notions très variées, je m’étale pas. Je vais vous parler de ce qui concerne principalement les auteurs autoédités (ou non), alors allons-y (prise 2):

  1. La propriété intellectuelle d’une oeuvre
  2. La protection des oeuvres
  3. Le dépôt légal des oeuvres

La propriété intellectuelle : c’est le fait de « posséder » des droits sur une oeuvre artistique (littéraire, graphique, musicale, etc.) ou issue de l’esprit (un cours de fac par exemple est soumis à la propriété intellectuelle, on ne peut pas le reprendre, le modifier à sa guise) pour peu qu’elle soit originale (si vous écrivez un bête mode d’emploi du grille-pain,  c’est pas une oeuvre originale ni « de l’esprit »)

La propriété intellectuelle est acquise dès que l’oeuvre est créée. Ce qui signifie que ce que je viens d’écrire, là au-dessus par le simple fait que je viens de l’écrire d’une manière originale et en utilisant mon petit cerveau en surchauffe, est MA propriété. Et cela sera effectif au moment même où je cliquerai sur « publier ». Pas touche !

Razz

Je n’ai rien d’autre à faire pour posséder intellectuellement cet article et les deux droits fondamentaux associés à cette propriété : le droit moral et le droit patrimonial.

Le droit moral : c’est celui qui vous oblige à me citer comme auteur de l’article et qui m’autorise à vous interdire de reprendre cet article sur votre blog (ou vous autoriser à le reprendre et à le modifier, avec un droit de regard sur ce que vous faites). Celui qui permet à Milan Kundera d’exiger une publication Pléïade sans commentaire d’universitaires ou à Umberto Eco de réécrire Le Nom de la Rose.
En France, le droit moral est inaliénable : c’est-à-dire que je n’ai pas le droit de le vendre ou de le donner. Si je crée une oeuvre, un texte, il est le mien et j’en suis l’auteur. Un peu comme un père qui reconnaît officiellement son enfant ne peut plus dire « c’est pas mon fils », il pourra juste dire « C’est un fils indigne de moi ». Le droit moral existe en tout temps, même après la mort et même après les 70 ans qui la suivent : un texte d’Emile Zola, sera toujours un texte d’Emile Zola, même 1000 ans après son écriture. Quand une oeuvre tombe dans le domaine public (en général 70 ans après la mort de son auteur), le droit moral persiste : l’oeuvre doit être conservée en intégralité sans modification et attribuée à son auteur. C’est une obligation ! Domaine public ne veut pas dire qu’on puisse faire n’importe quoi de l’oeuvre.
Si jamais vous désirez vous désister de ce droit moral, il faut publier votre oeuvre de manière anonyme, c’est le seul moyen légal en France (ce n’est pas le cas partout, par exemple aux Etats-Unis, le droit moral peut-être acheté ou donné)

Le droit patrimonial : c’est le droit « financier » de l’oeuvre. C’est celui-là qui est le plus souvent connu : il concerne tous les contrats qui portent sur l’oeuvre (publications, films, objets dérivés, etc.) Si vous signez avec un éditeur, vous lui abandonnez le droit de publier/diffuser votre oeuvre à des fins commerciales (ou non). Il va la vendre et vous donner en échange une rémunération. Attention, si vous cédez à un éditeur le droit de vendre votre livre sur papier, vous ne lui céder pas votre droit patrimonial: vous lui accordez juste une autorisation pour faire ce qui est marqué dans le contrat. Pas plus, pas moins non plus (ne signez jamais un contrat exclusif, tout compris, même film et produits dérivés,vous seriez coincé…)
En France, ce droit peut être céder, vendu, donné. Par exemple vous écrivez un texte contre le cancer et vous offrez votre droit patrimonial à une association: vous ne toucherez aucun argent, vous n’aurez plus de droit sur l’exploitation de ladite oeuvre (sauf celui touché par le droit moral évidemment)
C’est grâce à ce droit et son usage qu’un auteur touche ce que le public appelle des « droits d’auteurs ». En réalité, c’est une rémunération au pourcentage sur les ventes de ses livres (ça se négocie par contrat, ce n’est donc pas un « droit » )
Ce droit patrimonial tombe 70ans post mortem auctoris (après la mort de l’auteur) : ça ne tombe pas pile poil le jour anniversaire des 70 ans de sa mort, mais le 1er janvier qui suit. Ainsi un auteur qui serait mort le 2 janvier 2000 verra son oeuvre tomber dans le domaine public le 1er janvier 2071 (et non pas le 2 janvier 2070)

La protection des oeuvres :

La propriété intellectuelle est acquise dès création, mais elle ne vaut pas preuve que l’oeuvre est bien de moi.

Voilà, j’ai écris mon article et personne ne l’a lu parce que je blogue pour 3 visiteurs par mois (dont ma mère) Un jour, PPDA débarque sur mon blog (rêvons toujours) et trouve que mon texte est génial ! Comme il n’a aucun scrupule à piquer les mails de son ex pour écrire son livre, il pourrait être tenté de prendre mon texte et de le mettre dans son prochain roman « Comment on m’a accusé d’être un pilleur de textes ». Moi, je tombe sur ça (parce que je lis tous les livres de PPDA évidemment) et je me dis « Oh le méchant ! il m’a volé mon texte ! »
J’attaque en justice direct parce que je suis cash. Et voilà l’audience, on me demande la preuve que c’est bien moi l’auteur du texte. J’arrive, je sors mon blog, voyez, je l’ai publié en juillet 2012, six mois avant la sortie du livre de monsieur PPDA, c’est une preuve d’antériorité ! Non ! Parce que je peux très bien avoir mis une fausse date à la page (et c’est pas le témoignage de ma môman qui convaincra la cour de ma bonne foi)

Il faut donc que je « protège mes oeuvres » contre l’horrible plagiaire/copieur/pilleur/pirate. J’ai plusieurs méthodes plus ou moins valables: faire un constat (ou dépôt) chez un huissier de justice, ça coûte très cher. Je peux aussi faire un dépôt à la Société des Gens de Lettre, c’est un peu moins cher mais limité à 4ans. Je peux utiliser une enveloppe Soleau pour mettre mon oeuvre sous la protection de l’INPI, c’est aussi moins cher, mais toujours limité dans le temps. Or voilà, peut-être que mon article de blog n’intéressera quelqu’un que dans 20 ans ! Je peux aussi tester la méthode envoi en recommandé pour moi-même de mon site sur CD (ou imprimé sur papier), c’est moins cher qu’une enveloppe Soleau et plus éternel… sauf qu’il n’a jamais été prouvé au tribunal que la justice accepte ce genre de preuve. Pourquoi ? Parce que franchement, les gens qui se font piquer des textes sont en général des gens déjà publiés chez des éditeurs !

La protection des oeuvres est un business rentable : on vous fait croire que votre magnifique oeuvre de toute une vie est

  1. Tellement magnifique que vous allez faire des jaloux
  2. Que les jaloux sont tous prêts à vous sauter dessus pour voler votre gloire et votre texte (magnifique)
  3. Qu’il faut payer (parfois très cher) pour être sûr qu’on ne vous le vole pas (ce qui est con puisque je l’ai dit, la majorité des textes « volés » sont des textes publiés chez d’autres éditeurs…)

En gros, il n’existe en FRANCE qu’un seul moyen absolument incontestable de protéger, non pas votre oeuvre, mais vos droits sur elle : c’est le dépôt légal. Tout autre dépôt/protection n’est qu’une « constitution de preuves » et peut donc être plus ou moins contesté.

Le dépôt légal :

Le dépôt légal consiste à envoyer un (ou deux) exemplaires de toutes publications imprimées d’oeuvres de l’esprit à la Bibliothèque Nationale de France. Le but du dépôt légal n’est pas de vous offrir une preuve en cas d’attaque judiciaire, mais de constituer les archives de la BNF : c’est-à-dire de faire en sorte que tout ce qui est actuellement publié en France soit conservé (que le texte soit bon, politisé, totalement à l’ouest, mauvais, mal mis en page et bourré de fautes…)
Mais le dépôt légal de votre texte est le seul à avoir une valeur juridique irréprochable : vous avez publié ce livre, il est enregistré au Dépôt légal de tel mois, sous le numéro XXXYYY (c’est marqué sur le récépissé). En comparant avec le bouquin de PPDA, on verra que je suis la première à avoir écrit ce magnifique article. Bingo !

Le dépôt légal est GRATUIT et surtout OBLIGATOIRE que vous ayez protégé vos oeuvres ou non ! Il concerne les publications papiers (livres, journaux, magazines) mais aussi les publications numériques ! Les ebooks bien sûr, mais aussi les sites internet et… les blogs !
Mais j’y reviendrai dans un autre article parce que je vais vous embrouiller ! (à suivre donc)


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