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jusqu'au 19.08.2012 : voir "Le Petit-Maître Corrigé",Marivaux,José Lillo, #théâtre, Genève #photo

Publié le 12 août 2012 par Jazz29171
Chers lectrices et lecteurs,
J'ai eu l'honneur et surtout le plaisir d'être le photographe de l'adaptation du classique de Marivaux
"Le Petit-Maître Corrigé", mis en scène par José Lillo et vous invite à profiter des dernières représentations jusqu'au 19 août 2012 au Théâtre de l'Orangerie à Genève. Tous les détails (heures, réservations, distribution, etc ..) en cliquant ici .  Sous la photo, et afin de vous faire une idée, vous trouverez deux chroniques parues dans la presse.  En cadeau bonus, vous trouverez un entretien avec le metteur en scène José Lillo. A bientôt !  Juan Carlos

A l'Orangerie, la noblesse cherche ses marques

Le Courrier : Jorge Gajardo Muñoz

Le mariage d'Hortense et Rosimond est imminent. Le comte et la marquise, leurs parents, sont pressés de conclure un contrat qu'ils trouvent tous deux avantageux. La sono et la boule à facettes sont prêtes dans le salon, mais quelques signes indiquent qu'on temporise. La pièce montée attend sur un côté du plateau. Au centre, assise sur des caisses de vin empilées, Hortense rumine. Elle est déterminée à retarder la cérémonie, tant que Rosimond ne lui déclare pas son amour.
  En écrivant Le Petit-Maître corrigé, en 1734, Marivaux confronte deux attitudes divergentes dans la noblesse de son époque. Face à la bourgeoisie montante, beaucoup de courtisans parisiens se distinguent par leur comportement maniéré, alors que les nobles les plus modernes concluent des alliances pour sauver leurs propriétés, composent avec les moeurs de la nouvelle classe sociale, et décorent les conventions du mariage aux couleurs de l'amour.
  Rosimond et Hortense appartiennent à cette classe en décadence, qui cherche ses marques dans un temps qui lui échappe. Au grand soulagement des parents, ils finiront par se marier moyennant quelques sacrifices. Rosimond abandonne un peu de son arrogance, et Hortense consent à attendre encore le «je t'aime» qu'elle exige.
Pour monter cette oeuvre, le metteur en scène José Lillo a
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En amour, faut-il être ou paraitre?

La Tribune de Genève - Amanda Castillo 

composé un espace inachevé et froid. Le décor contient le strict nécessaire pour faire du théâtre, mais rien pour entretenir l'illusion d'une belle fête. Ici, ce sont surtout les femmes qui se chargent de mettre de l'ambiance: Hortense (Elodie Bordas) et Marton (Julia Batinova), avec un mélange de gaieté et de gravité, puis Dorimène (Anna Pieri), qui occupe le plateau avec énergie. Conscientes que leur honneur est en jeu, elles oeuvrent à débarrasser Rosimond de ses couches de suffisance.
C'est un Felipe Castro étonnant qui tient le rôle du jeune marquis. Arrogant et sûr de son charme, son phrasé se fait peu à peu hésitant, son corps se désarticule progressivement, puis rend les armes aux pieds d'Hortense. A son côté, le jeu du valet Frontin est plus uniforme, mais José Lillo dit son texte avec subtilité. Face à ce duo, Bastien Semenzato défend honorablement le rôle de Dorante. Des parents, interprétés par Rebecca Bonvin et Pascal Berney, on aurait pu attendre plus de retenue, en accord avec la fonction qu'ils tiennent dans la sociologie de la pièce, mais le parti pris comique l'emporte résolument sur d'autres enjeux et les comédiens manifestent un plaisir évident à s'y abandonner.
José Lillo, metteur en scène, explore la complexité des relations amoureuses et du regard de l'autre à travers ce classique revisité à la sauce contemporaine. On assiste à une Hortense survoltée dansant fébrilement sur un air de Massive Attack. Le décor, minimaliste, donne plus à rêver qu'à voir. La lumière tamisée des deux premiers actes suggère l'inquiétude et la rêverie d'Hortense.
Le dernier acte, quant à lui, se pare d'une lumière vive, symbolisant la mise à nu de Rosimond. Tel un «oignon que l'on éplucherait au fur et à mesure de l'intrigue, celui-ci finit par dévoiler sa nature», explique José Lillo. Création originale élaborée pour le Théâtre de l'Orangerie, cette adaptation séduit par sa mise en scène et par la qualité de jeu de ses interprètes. Le spectateur en ressort ému et grandi.





En parlant de la mise à nu du personnage de Rosimond, vous évoquez aussi celle de son interprète. Comme si l'acteur devait tout autant se défaire d'un sur-jeu pour enfin accéder à la vérité des mots : ceux de Rosimond, mais aussi ceux «qui font tenir nos existences », dites-vous ? 

Le théâtre est une machine à déconstruire. Dans notre quotidien, le regard de l'autre c'est déjà ce qui provoque un début de théâtralité. Certains espaces et moments (telle une fin de soirée à l'Usine vers 4 h du matin ou encore un vernissage) installent forcément des rapports de société qui modifient nos comportements, notre manière de nous tenir, de prendre la parole, etc. Se défaire de cela pour un-e acteur-trice oblige à se dépouiller. J'aime bien me dire que le personnage de Rosimond, tout autant que l'acteur qui l'interprétera, est pareil à un oignon que l'on éplucherait au fur et à mesure de l'intrigue. Et je continue de croire que nos existences ont effectivement besoin du verbe, de la langue et de texte comme celui de Marivaux, pour accéder à cela. Mais quand je dis texte,j'entends aussi une totalité qui doit toujours rester ouverte. Il me semble que nous avons un peu perdu ce rapport dramaturgique au théâtre. 

   Est-ce vous qui interpréterez Rosimond ? 
« Je préférerais ne pas »... (Bartleby, Melville)
Hortense, demoiselle issue de la noblesse de province, est promise à Rosimond, un marquis parisien aux moeurs libertines. Avant de convoler, la jeune fille entend guérir ce «Petit-Maître» de toute velléité extraconjugale. Elle ignore cependant que celui-ci, trop fier, feint son indifférence et qu'il l'aime en secret.
Mise en scène pour la première fois en 1734, cette comédie en trois actes soulève des interrogations toutes contemporaines. En effet, à l'instar de leurs aïeules, les femmes d'aujourd'hui essaient toujours de corriger, polir et transformer l'homme.
Comme le résumait si bien en 2001 le journaliste Jean Dion: «Le drame réel est que la femme épouse l'homme en espérant qu'il va changer, et il ne change pas, alors que l'homme épouse la femme en espérant qu'elle ne changera pas, et elle change».
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Entretien avec José Lillo 
Après Buchner, Kleist ou Dostoïevski, vous choisissez de monter une des pièces les plus méconnues de Marivaux : Le petit-maître corrigé. Comment et pourquoi un tel choix ?  Quand je pense à Marivaux je pense au théâââtre ! J'avais envie de questionner mon rapport au classique, à un auteur symbolique du théâtre « à la française ». Beaucoup de pièces de Marivaux étaient inenvisageables. Ou bien il suffisait de se souvenir de La dispute, montée par Patrice Chéreau, pour ne pas oser s'y risquer ; ou bien les pièces étaient trop historiquement marquées pour être portées à la scène, incompatibles avec le souci que j'ai de certaines « correspondances » avec le monde que nous habitons aujourd'hui. 

   C'est l'histoire d'une beauté provinciale (Hortense) promise à un « précieux ridicule » de la capitale (Rosimond), qui entend bien « corriger » les grands airs de Monsieur, pour preuve de son engagement marital. Satire de la petite bourgeoisie narcissique, la pièce questionne cette « mise en scène de soi » souvent gage de superficialité et d'absence d'engagement ? notamment amoureux. Des pistes dramaturgiques que vous comptez exploiter ? 
Hortense va se marier. Ce n'est pas rien! Alors elle veut en avoir le coeur net: l'aime-t-il et se peut-il qu'il le lui dise « simplement », « vraiment ». Si ici c'est la province qui rééduque la capitale, c'est aussi la femme qui «corrige » l'homme ! Ce sont les femmes qui mènent le bal tout au long de la pièce. Et en cela, on peut dire que Marivaux était ultra-moderne ! Le petit-maître corrigé, c'est avant tout une histoire de « jeunes gens» d'hier et d'aujourd'hui, où la valeur et la tyrannie du look, de la mode, de la norme et du spectacle n'en finissent plus de traverser les siècles. 

   


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