Magazine Photos

Umar Timol : "L'homme qui voulait rire" (suite).

Par Ananda

 

15.

Je viens de me réveiller. J’ai fait à nouveau un rêve étrange, mi-affreux mi-comique. J’étais dans un hypermarché et j’étais entouré de personnes qui toutes se ressemblaient ; elles portaient toutes de grands costumes bleus et des cravates roses, sur lesquels étaient inscrits la phrase suivante : nous sommes des clones. Le plus curieux c’est que sur leurs fronts se trouvaient gravés leurs métiers respectifs. Ainsi on pouvait lire je suis un banquier, je suis un comptable, je suis un ingénieur ou je suis un con. Ils avaient l’air de zombies car ils n’arrêtaient pas de se donner des tapes sur les épaules en répétant nous sommes les meilleurs. Puis ils ont commencé à chanter. Ils chantaient évidemment faux mais j’ai cru comprendre que cette chanson servait à raffermir les liens entre les clones. Ensuite, s’ensuivit une danse pour le moins originale, un mélange de polka et de lambada, qui m’a donné, pendant un instant, le tournis. Puis ce fut l’heure de la prière, un des clones réclama le silence et se mit à murmurer des mots sacrés. Ainsi, il disait nous sommes les créatures de la réussite et de l’argent, notre destin est de servir nos Créateurs, jamais nous ne cesserons de cultiver la vanité, jamais nous ce cesserons d’avoir l’air con, jamais nous ne cesserons de porter des vêtements ridicules, jamais nous ne cesserons d’acheter des bagnoles, les unes plus obscènes que les autres, jamais nous ne cesserons d’être des incultes et d’en être fiers, jamais nous ne cesserons de nous battre pour nos convictions, pour notre foi, jamais nous ne cesserons d’être les créatures de la réussite et de l’argent. C’était franchement beau car les paroles étaient énoncées avec une grande conviction et on y décelait un semblant de spiritualité. Cependant j’en étais arrivé au stade où je voulais sortir du rêve mais n’y arrivais pas. Et je ne voulais pas que celui-ci se transforme en cauchemar car je sentais un grand rire pointer à l’horizon. En effet, ce rêve qui était affreux dans un premier temps ( après tout il n’est guère agréable de se retrouver parmi des clones-zombies costumés) devenait maintenant franchement grotesque. D’autant qu’il ne mettait pas en scène des personnes tout à fait imaginaires puisqu’ on rencontre ce type de cons un peu partout. Mais je n’étais pas au bout de mes peines car les personnes en question se mirent à baragouiner des phrases dans une étrange langue, un mélange de français et d’anglais et je compris alors qu’ils souffraient du syndrome classique du mauricien-qui-balance-en-public-des-mots-en-anglais-et-en-francais-pour-que-tout-le-monde-comprenne-qu’il-maitrise-ces-langues, un syndrome gravissime dont les origines sont multiples et complexes et que personne n’est arrivé à guérir. Du moins pour le moment. Mais pourquoi donc est-ce que ces cons s’étaient agglutinés dans mon rêve ? Quel est donc le symbolisme de celui-ci ? Que signifie t-il ? J’ai trouvé le moyen de me poser ces questions alors même que je rêvais, ce qui semble révéler que j’ai un certain talent. Mais le rire s’approchait à vive allure, il allait bientôt me bouffer et je ne pouvais me permettre le luxe d’un nouveau délire. La situation était grave. Les clones-zombies se mirent tout à coup à courir dans le supermarché, poussés par la hâte de se livrer à un exercice assez particulier : celui qui consiste à se donner des airs en maniant son portable dernier cri. C’était de la folie et j’allais exploser. Mais je fus sauvé par le gong, quelqu’un frappait à la porte.

Umar Timol

(à suivre)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ananda 2760 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines