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Xavier Beulin, « le paysan parvenu » mais sans culture : Quimper n’est pas une « petite bourgade »

Publié le 30 août 2012 par Kamizole

Xavier Beulin, « le paysan parvenu » mais sans culture : Quimper n’est pas une « petite bourgade »

Avouez que pour un paysan, manquer de « culture » est un comble puisque notre langue utilise le même mot pour l’enrichissement intellectuel et celui des champs. Ne pensez surtout pas que j’entende mépriser les paysans. Je suis la petite fille d’un éleveur de Charolais et préfère nettement la campagne à la ville. J’ai rencontré dans ma longue vie grand nombre d’agriculteurs intelligents et même cultivés. Quant au « paysan parvenu » c’est un petit clin d’œil au roman inachevé de Marivaux qui m’a trotté très vite dans la tête… Au demeurant, rien de péjoratif sous sa plume puisque celui à laquelle il la prêtait, monté assez haut dans l’échelle sociale, commençait ses mémoires en assurant n’avoir jamais caché ses origines - simple valet de ferme, ce dont toutes les personnes qu’il fréquenta lui surent gré.

Le président de la FNSEA aurait dû tourner (au moins) sept fois la langue dans sa bouche avant de proférer pareille ânerie. Parce que l’on peut manquer de culture - j’appartiens à une génération où pour le certificat d’études l’on nous faisait apprendre la liste des départements par cœur, préfecture et sous-préfecture et nous devions être capables de dessiner une carte de France à mainlevée, sans nous aider de celle en plastique (avec tracé en creux des départements et des cours d‘eaux principaux et des points pour les villes) dont nous pouvions nous servir pour nos devoirs à la maison. Selon les questions posées, il fallait indiquer le cours des fleuves et leurs affluents, les villes ou les montagnes. J’ai toujours aimé la géographie (de même que l’histoire, les deux sont liés) et ne me mettez surtout pas le nez dans des cartes ou des atlas, je m’y abîmerais volontiers des heures entières !

Et le bon sens ! Depuis quand implante-t-on un tribunal de commerce dans une « petite bourgade » ? Il fait également injure aux juges consulaires de Quimper : « Je ne suis pas sûr qu’un tribunal de commerce d’une petite bourgade ait la capacité d’appréhender les sujets correctement »… Certainement mieux qu’un président de syndicat agricole qui ne s’y connaît à l’évidence pas plus en matière juridique qu’en géographie : sinon, il saurait que Quimper - plus de 60.000 habitants, 70.000 dans l’agglomération est le chef-lieu du département du Finistère. Tonnerre de Brest !

Pour autant que je me souvienne, Pierre Jaques Helias - grand écrivain (en français autant qu’en breton) conteur, chercheur en ethnographie bretonne, etc. - dans l’ouvrage qui suivit « Le cheval d’Orgueil » où il évoque son enfance, indique qu’il fut pensionnaire au lycée à Quimper où il poursuivit toute sa scolarité secondaire jusqu‘au bac… (avant de réussir le concours d’entrée à Normale Sup, si je ne me trompe). Ce qui indique bien qu’il s’agit de la métropole du département.

Xavier Beulin, « le paysan parvenu » mais sans culture : Quimper n’est pas une « petite bourgade »

Xavier Beulin s’est fait moucher avec humour par Bernard Poignant - maire de Quimper - selon ce que rapporte sur Europe 1 Frédéric Frangeul Quimper n'est pas une "petite bourgade" (29 août 2012) mais la palme de la causticité est emportée par le titre du Télégramme "Petite bourgade". Beulin s'excuse auprès des "Ploucs du Finistère" (30 août 2012) qui rapporte que sa prestation n’a nullement été du goût de Thierry Merret, Prédident de la la FDSEA du Finistère, basée à Quimper, d’autant que, petite ironie de l’histoire qui en manque rarement, Xavier Beulin doit se rendre demain à Quimper à l’occasion de l’assemblée générale régionale de la FRSEA Bretagne.

Peut-être pense-t-il être obligé de prendre un "coche d'eau" comme jadis Madame de Sévigné lorsqu'elle se rendait dans ses terres bretonnes ? Sait-on jamais, dans un pays si retardataire... Pourtant, Bernard Poignant lui a bien signifié que dans cette modeste bourgade "nous avons l’électricité, on se tient bien à table". Leçon de politesse à l'égard d'un rustre se conduisant fort mal devant un micro.

Nul doute qu’il n’y fût reçu avec une standing ovation ! Thierry Merret le souligne « les politiques n’ont pas l’apanage de l’arrogance et du mépris vis-à-vis des bretons » faisant bien évidemment allusion à une déclaration de Nicolas Sarkozy expliquant à la télévision qu’on n’obligeait pas un médecin à s’installer à Morlaix s’il n’en avait pas envie… Il est plus qu’évident que Sarkozy n’a que mépris pour la Bretagne et les Bretons. Avant son algarade avec le marin du Guilvinec du style « descend si tu es un homme » il y eut son mémorable « La Bretagne, on s’en fout » à l’occasion d’une visite d'un centre opérationnel en 2007 lors de la campagne présidentielle « Qu’est-ce qu’on va foutre dans un centre opérationnel sinistre à regarder un radar ? Je me fous des Bretons. Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte ! Derniers jours de campagne dans une salle à voir une carte ! Grand sens politique vraiment ! »… déclaration parue dans le livre de Yasmina Reza et reprise par 20 Minutes Sarkozy déclenche un tollé en Bretagne (27 août 2012).

S'il n'y avait que Sarkozy et Beulin à mépriser la Bretagne ! Sauf pour les vacances, s'entend.

L’article du Télégramme signale que Morlaix est Un "village" pour le site internet du Monde (26 juillet 2012). A priori, le journaliste du Monde - Jean-Claude Ribaut qui y tient d'excellente manière la rubrique gastronomique - n’aurait pas dû commettre une telle bévue puisqu’il interviewait à Morlaix même le chef Patrick Jeffroy "Allez au marché, pour vous inspirer" (Le Monde 24 juil. 2012). Interview très passionnante sur le marché de Morlaix d’un cuisinier passionné par son métier et les produits du terroir breton (j’ai visionné la vidéo que je vous recommande).

Le texte qui était joint résumait fort bien le contenu à une erreur près : « Dans le cadre de la série "Au marché sur les pas d'un grand chef", escale dans le village de Morlaix, en Bretagne, où le chef doublement étoilé Patrick Jeffroy vient toutes les semaines faire ses emplettes pour son restaurant de Carantec. Homards, artichauts, carottes des sables et viande locale, il y trouve tous les produits régionaux nécessaires à une cuisine associant terre et mer ». Je pense que point n’est besoin que je vous fasse un dessin ! Mais avouez qu’un « village » de 12.000 habitants, c’est un peu fort de café. Je n'ai d'ailleurs pas choisi la photo par hasard : des parkings et un autobus...

Xavier Beulin, « le paysan parvenu » mais sans culture : Quimper n’est pas une « petite bourgade »

Ah ! Ces Parisiens… « Parisien tête de chien, Parigot tête de veau ». Passé le périphérique, la France n’est qu’une suite de champs… Bernard Poignant le précise pourtant : « Il y a des talents au-delà du boulevard périphérique » et se demande comment vont le prendre tous les paysans qui vivent dans de « petites bourgades ». Pas trop bien, forcément.

Morlaix serait-elle en passe de prendre le relais de Romorantin - 18.000 habitants ! - comme « trou du cul de la France » dans l’imaginaire des bobos parisiens ? Lors même que c’est dans le château de cette charmante petite ville de Sologne que François 1er établit sa cour. En n’ayant garde d’oublier Matra-automobile que Jean-Luc Lagardère implanta (centre de recherches et ateliers de production) dans l’ancienne manufacture Normant frères sur les bords de la Sauldre et qui outre les voitures de course, développa des construisit des « concept cars » tels que le Rancho pour Simca et surtout l’Espace, modèle phare au milieu des années 1980. Dont malheureusement Renault repris la fabrication. L’Aventis qui lui fut confiée n’eut pas de succès, d’où la fermeture définitive de l’usine.

Et une dernière stupidité pour la route : « A l’ouest, rien de nouveau ». Proférée par G.H.Oettinger (CDU) commissaire européen à l’Energie et pour qui la Gare de l’Est est forcément « tête de ligne » parce qu’à l’Ouest de Paris, il n’y a que des vaches et l’Atlantique ! (Le Télégramme 24 nov. 2012). Boudu con ! Voilà qui ne risque pas d’atténuer mon mépris total pour cette bande de pignoufs européens. Qui prétendent se mêler de tout jusqu’à la taille des boulons à celles des fruits et légumes mais ne connaissent même pas la réalité socio-économique de la France. Je ne crois pas que l’on eût construit à grands frais le TGV Paris-Brest uniquement pour saluer les vaches ou pour acheminer les touristes. C’est oublier qu’il dessert Le Mans, Rennes et Saint-Brieuc et que dans les pays les plus bocagers à l’Ouest de Paris il existait des activités industrielles. Ruinées par leur ultralibéralisme. Sans même parler de celles liées à la transformation des produits agricoles - le groupe Doux en est un exemple - des abattoirs aux laiteries et fabrication de fromages et autres produits laitiers…

Mais je compris très vite la raison essentielle de son inepte diatribe en lisant ce matin un autre article sur le site d’Europe 1, Beulin s'excuse auprès des Quimpérois (30 août 2012) s'il a pu « involontairement » blesser, et tenant à « exprimer son émotion »… Tu parles ! Il peut bien se la carrer où je pense son « émotion » comme si un tel butor mal dégrossi était capable de ressentir pareil sentiment ! En apprenant qu’il avait réagi car il s’était porté candidat - évincé - « à une reprise globale du groupe volailler doux ».

Pas lui en tant que tel mais par l’intermédiaire du groupe agro-industriel Sofiprotéol (5,5 milliards d’euros en 2009) spécialisé dans le filière oléagineuse et protéagineuse dont il est le président lis-je sur Wikipedia . Je me demande bien si cela donne vocation à s’occuper d’un groupe volailler mais la réponse nous est donnée dans l’intégralité de sa déclaration : « Quand on parle de milliers d'emplois, quand on parle de milliards d'euros de chiffre d'affaires, je ne suis pas sûr qu'un tribunal de commerce d'une petite bourgade ait la capacité d'appréhender les sujets correctement »…

Les emplois, je vous fiche mon billet qu’il s’en contrefiche - ils auraient commencé par licencier un max - mais les pépètes qui lui passent sous le nez ! Véritable supplice de Tantale pour un margoulin de son espèce. « Adieu, veau, vache,cochon, couvée » !

Le Télégramme relève que sur Europe 1 Xavier Beulin s’était permis de critiquer une première décision du tribunal de commerce (du 1er août 2012) « qu’il considérait comme mauvaise parce que remettant en cause un projet industriel pour la filière avicole française, et mon rôle là-dedans c’était pas de jouer le rôle de l’industriel, mais plutôt de coordination d’un ensemble d’acteurs avicoles pour préserver en France une filière, la filière volaille. (…) Je pense qu’il faut traiter ces sujets-là à un autre niveau ». Tiens donc ! Entendre l'Elysée, hein ? Malheureusement, il n'y a plus Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand pour magouiller les dossiers à leur guise.

Un tanker de lait d’beu ! Mettre la main sur les poulets, tout simplement… encore plus de concentration. « Paricy-l’Oseille » puisque le même déclarait sur Europe 1 qu’il fallait s’habituer à la volatilité du cours des matières premières agricoles. En langage décrypté : nous paierons toujours plus cher car quand bien même les cours baisseraient, les prix dans le commerce ne suivront pas… Et ce sera reparti jusqu’à la prochaine hausse qu’ils répercuteront instantanément.

D’abord, il faudrait lui rappeler qu’en l’état de notre droit il n’est pas permis de critiquer une décision de justice, surtout quand l’on est une des parties qui n’a pas obtenu gain de cause ! Ensuite, il faudrait qu’il comprenne qu’un tribunal de commerce - quand bien même ses magistrats n’appartiennent-ils pas à la magistrature profession-nelle - est une juridiction aussi compétente que n’importe laquelle, d’autant qu’y siège comme dans n’importe quel autre tribunal un représentant du parquet qui ne manquerait pas de souligner l’inopportunité de telle ou telle décision et ferait éventuellement appel.

Enfin, le choix de confier en première instance les litiges commer-ciaux à la justice consulaire - survivance de l’Ancien Régime - à des magistrats non professionnels mais à des industriels et commerçants (élus par leurs pairs pour une durée déterminée et recevant une formation par l‘intermédiaire des Chambres de commerce et de l‘industrie, CCI) ne doit rien au hasard mais tout au bon sens - même s’il fut question à une époque de confier la présidence des tribunaux de commerce à un magistrat de l’ordre judiciaire entouré de deux assesseurs commerçants - c’est pour une raison fort simple : ces professionnels connaissant mieux que des magistrats la complexité du monde des affaires et leurs différents acteurs sur le terrain. Et cela vaut a fortiori encore davantage pour la prise en considération des implications locales. Quels que fussent les montants en cause.

In fine, l’article du Télégramme m’apprend que le Groupe Doux a dénoncé les propos de Xavier Beulin dans un communiqué qui apporte des révélations sulfureuses sur son comportement dans cette affaire non sans souligner au passage que « les adhérents de la FNSEA dont des acteurs importants du monde rural qui, eux, respectent les communes quelle que soit leur taille et les institutions paritaires et consulaires ».

Ainsi « Le tribunal de Commerce de Quimper a rejeté l’offre de Sofiproteol par jugement du 1er juin en suivant ainsi l’avis des administrateurs, des mandataires judiciaires, des contrôleurs et du ministère public. Sofiproteol, qui avait sélectionné et trié les offres en amont en biaisant la concurrence »… Je ne saurais dire si ces assertions correspondent à la réalité mais si cela devait être prouvé, ces agissements seraient pour le moins condamnables.

Petite touche perso pour conclure. J’ai appris sur Wikipedia qu’il est né à Donnery (Loiret) où il exploite en GAEC avec ses frères 500 hectares - pas spécialement une « petite entreprise » ! - produisant principalement « blé, colza, maïs, tournesol et un atelier laitier bénéficiant d'un quota de 150.000 litres ».

Or, j’ai habité quelques temps à Donnery (avant de m’installer à Saint-Jean-de-la-Ruelle) dans une maison à la sortie du bourg, sur la route de Saint-Denis de l’hôtel. Là, on peut vraiment parler « d’une petite bourgade » ! Juste un café-épicerie comme dans beaucoup des endroits reculés de la campagne où j’ai traîné mes guêtres. Aujourd’hui Donnery compte un peu plus de 2.000 habitants mais sûrement pas autant à l’époque (1975) car j’ai appris il y a environ un an par un copain d’enfance du quartier des Acacias qui y a fait construire que des lotissements y avaient été créés.


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