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Millet sur Breivik - Réception

Par Alainlasverne @AlainLasverne

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'Express publie un interview de Richard Millet à propos de son ouvrage que je n'ai pas lu, mais dont la substance doit transparaître dans l'interview en question. Ma réception de l'intervention de Millet et de la beauté, ou du moins du caractère esthétique qu'il verrait dans la tuerie perpétrée par A. Breivik.


Millet a évidemment le droit de dire ce qu'il dit, c'est le principe de la liberté d'expression qui est en jeu. Un droit fondamental qu'un auteur, notamment, aimerait toujours voir respecté plutôt qu'écrasé, de manière directe ou indirecte, par les pressions ou l'argent.

Millet, donc, trouve une beauté à l'acte d'Andreas Breivik, fasciste auto-proclamé ayant tué T7 personnes à Utoeya, en Norvège.


Je ne vois rien d'esthétique dans le massacre commis par cet individu. Déjà parce que Breivik est un cinglé - il faut l'être pour tuer plusieurs dizaines de personnes, alors que lui-même ou son pays ne sont pas en guerre, qu'il ne défend pas sa vie ou celle de ses proches et qu'il n'est pas en mission pour quelque corps d'armée.


Ensuite, parce que Millet semble confondre l'acte et sa représentation. Ainsi, il met sur le même plan un meurtrier réel et un seria-killer de papier - celui de Breat Easton Ellis - , fruit d'une réflexion littéraire  et habillé d'effets de style conséquents. Ainsi, Hannibal Lecter peut paraître fascinant et ses actes d'une horreur remarquable, c'est le but du jeu.


Richard Millet connaît sans doute la différence entre l'humanité et l’œuvre d'art. La première souffre d'incohérence fondamentale, d'imperfection grandissante et surtout elle souffre, tout simplement, dans les cris, le sang et le délitement. Ceci pour dire qu'il n'y a ni aboutissement, ni distance, ni harmonie dans l'homme lui-même. Mais quelque dieu inconnu nous a donné la capacité d'atténuer la douleur en figurant le monde et nous-même, en produisant des doubles lumineux ou crépusculaires à l'infini.


Enfin, Millet convoque des concepts géo-politiques comme "islamisation" et "terrorisme" qui semblent liés à cette vision esthétique qu'il porte sur l’assassinat commis par Breivik. Un pointillé trace donc une cohérence à définir entre "beauté", "islamisation", "assassinat" et "terrorisme". Je le pressens, mais sa nature m'échappe.
Elle m'échappe sans doute parce que dans l'acte de Breivik, il n'y a finalement pas d'objet. Je n'ai pas vu l'idéologue meurtrie en train de tirer, je n'ai pas vu les corps percés par les balles, les cris ou le sang par terre, les viscères, la merde sans doute qui a coulé avec la peur atroce.


Mimesis contre mimesis. La tête impassible d'A. Breivik est passé plusieurs fois sur les chaînes. Peut-on comparer cette présentation avec la fumée, l'immensité des tours, la percussion d'un moustique dont on sait qu'il pèse des dizaines de tonnes, et le feu ensuite, les corps qui se jettent dans la mort ?...Rien à voir en intensité, ni en quantité de projections sur les écrans. L'attentat du 11 Septembre a suscité une démesure de représentation, il est vrai, qui peut être jugée au plan esthétique, justement parce que la démesure peut faire basculer sa représentation dans un autre ordre.


Ars longa, vita brevis, déclara Hippocrate. Peut-être Millet a t-il d'une certaine façon tenté d'illustrer l'aphorisme. Il ne saurait oublier que comme la sentence d'un certain Rocard, celui-ci a connu les délices de l'amputation. Pour être exact, il faut bien lui ajouter occasio praeceps, experimentum periculosum, iudicium difficile. En bon français : "occasion précipitée, expérimentation périlleuse, jugement difficile."


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