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Arnaud Montebourg et la future Banque publique d’investissement : la démagogie ça suffit !

Publié le 03 septembre 2012 par Kamizole

Arnaud Montebourg et la future Banque publique d’investissement : la démagogie ça suffit !

Montebourg est sans nul conteste un homme très intelligent. Mais dans le registre de la démagogie populiste ses fracassantes décla-rations rejoignent (presque) celle de Mélenchon que je n’ai pas encore eu le temps d’épingler comme il le mérite. Le co-leader du Front de Gauche peut jouer les mouches du coche (à moins que ce ne fut « à m… ») car il n’est pas membre du gouvernement. Montebourg, si ! Et c’est précisément pourquoi il devrait tourner au moins sept fois sa langue dans sa bouche - ce que l’on me recommanda souventes fois dans ma lointaine enfance - avant de dégoiser n’importe comment n’importe quoi. C’est pourtant ce qu’il vient de faire en "regrettant" le mandat confié par Bercy à la banque Lazard (Le Monde 31 août 2012).

Certes, Pierre Moscovici a pris seul cette décision contrairement à ce qu’avait indiqué Le Nouvel Obs et Arnaud Montebourg se plaint : « Je n’ai pas été informé de ce choix, je le regrette (…) je ne le connaissais pas, je l’ai découvert, donc vous comprendrez que je ne suis pas très content ».

Rappelons d’abord de quoi il retourne. Pendant la campagne électorale François Hollande avait promis la création d’une banque publique d’investissement - dans la foulée Nicolas Sarkozy également mais je doute que la sienne eût participé au même esprit ; il aurait choisi des dirigeants et des méthodes tout à fait conformes à celles de ses amis banquiers… « Paricy-l’Oseille » - dont le rôle sera de permettre l’accès des entreprises au financement, en prêts comme ne fonds propres afin qu’elles fussent moins dépendantes du bon vouloir des banques et autres organismes financiers privés.

Or donc, Pierre Moscovici a confié un mandat (sur appel d’offres) à la banque d’affaires Lazard France dirigée par Matthieu Pigasse - qui a soutenu publiquement François Hollande pendant la campagne électorale - pour conseiller le gouvernement au sujet de la création de la future Banque publique d’investissement (BPI). Ceux qui auront suivi avec attention en leur temps les magouilles éhontées de Nicolas Sarkozy pour faire tomber Le Monde dans des mains « amies » - Lagardère de préférence - afin de faire capoter la reprise par le trio dit « BNP » (Bergé, Niel, Pigasse) se souviendront sans doute que Matthieu Pigasse est donc devenu actionnaire du Monde (avec son propre argent) et qu’il possède par ailleurs à titre tout aussi privé le magazine Inrockuptibles.

Arnaud Montebourg et la future Banque publique d’investissement : la démagogie ça suffit !

Je ne vais pas refaire ici l’inventaire de toutes les manœuvres, saloperies et divers montages successivement imaginés par Sarkozy et Minc pour éviter que le Monde ne tombât point dans des mains de gauche : Sarkozy redoutant en effet que le journal de référence ne devint rien moins « qu’une machine de guerre pour le Parti socialiste en vue de l’élection présidentielle de 2012 »… L’indépen-dance des journaliste, lui, pas connaître. J’ai fait du mieux que j’ai pu la chronologie, le décryptage et l’analyse de cet épisode peu glorieux du sarkozysme dans un article Ouf ! Nicolas Sarkozy ne sera pas le «maître du Monde»…  (30 juin 2010).

Matthieu Pigasse ne m’est donc pas un parfait inconnu tout au contraire. Vous trouverez un très intéressant portrait de lui dans Le Nouvel 0bs Matthieu Pigasse, le banquier candidat à la reprise du Monde (25 juin 2012) qui souligne que ce banquier atypique - énarque, il travailla au mininstère des Finances avec Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius - qui s’intéresse aux médias - fort apprécié comme conseiller par de grands chefs d’entreprise - n’en demeure pas moins à gauche et qu’il est surtout animé par le souci de « l’utilité sociale ». Ce qui a dû passer largement au-dessus de la tête d’Arnaud Montebourg.

De mon avis, toutes ces qualités font de Matthieu Pigasse l’un des conseiller les plus avisés pour la création d’une banque publique destinée à aider les entreprises pour leur financement. Las ! Arnaud Montebourg nous en bâille une bien plus crétine : « Je trouve que la Banque publique d’investissement ne peut être réalisée par des banquiers parce que faire une banque qui ressemblerait à d’autres banques, c’est pas vraiment ce que l’on cherche à faire ».

D’abord, il restera à démontrer que Matthieu Pigasse cherchera à créer un établissement public simple copié-collé d’une banque privée. Ce qui est à l’évidence faire injure autant à son intelligence qu’à son pragmatisme. Ensuite, et c’est sans doute le plus ridicule : à qui pense-t-il en confier la réalisation ? A des personnes disposant à nul doute d’éminentes qualités mais qui n’auront aucune compé-tence en matière de banque. Ce qui serait tomber dans les pires travers du parfait amateurisme. Bricolant des solutions qui s’avéreront aussi catastrophiques les unes que les autres. On ne s’improvise pas banquier. La France est au bord du gouffre. Nous n’avons pas le temps de faire des « expérimentations » hasardeuses.

Que Pierre Moscovici ait choisi Matthieu Pigasse - sur appel d’offre - me paraît particulièrement judicieux. Il connaît la banque et ses arcanes et il s’agira nécessairement de mettre en oeuvre des opéra-tions techniques complexes qui échapperaient totalement aux personnes qui ne connaissent pas le milieu de la banque. Je pense que connaissant de surcroît son attachement à « l’utilité sociale » - rare dans ce milieu ! - il saura éviter à la future BPI toutes les chausse-trappes qui ne manqueront pas.

Permettez-moi enfin de rire des accusations de « conflit d’inté-rêt » qu’elles proviennent de Bertrand Delanoé Lazard-Pigasse-Pulvar : "attention" (Delanoë)  (Europe 1, le 31 août 2012) ou de l’UMP. Une vraie tempête dans un verre d’eau. Tout cela parce que Matthieu Pigasse a offert un poste de journaliste à Audrey Pulvar, compagne d’Arnaud Montebourg, au sein de la rédaction des Inrockuptibles.

Les « renvois d’ascenseur » de Nicolas Sarkozy à ses potes multi-milliardaires de la « Bande du Fouquet’s » furent autrement criti-quables, sonnants et trébuchants. L’UMP devrait également la boucler sur ce point : le règne de Sarko 1er fut une suite ininterrompue de conflits d’intérêts dans tous les domaines. Sans même parler de tous ceux d’Eric Woerth dévoilés à l’occasion de l’affaire Bettencourt : camembert !


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