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Rencontre avec Fanny Aishaa

Publié le 06 septembre 2012 par Raymondviger

Armée de ses pinceaux et de canettes aérosol, Fanny s’en va à la guerre des couleurs!

Raymond Viger Dossiers Hip-hopCulture, Graffiti, Porte-folio, Murales, Vidéos

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Élevée dans la nature, éloignée de toute urbanité, Fanny dessine depuis toujours. Dès son jeune âge, elle fait de longues promenades dans le bois avec son père. Observation des couleurs, des sons, des animaux et de la vie qui les entourent, les 2 explorateurs esquissent leurs impressions, les émotions qui remontent en eux.

«Mon père est un artiste non avoué. Il n’a jamais pris de cours et il a un talent incroyable. Il nous disait qu’il allait peindre à sa retraite. Mais il a travaillé toute sa vie pour que je puisse étudier, nous dit avec fierté Fanny. C’est pourquoi je ne veux pas remettre au lendemain l’exploration de mes passions.»

Seul contact avec la ville, le chemin de fer qui traverse une route de campagne. Fanny reste émerveillée d’apercevoir ces couleurs qui voyagent devant elle. Elle ne voit pas le train, mais plutôt une galerie en mouvement qui vient vers elle. Des couleurs vives et des formes étranges jaillissent de ces graffitis. Elle n’a pas besoin d’aller visiter les galeries, c’est le train qui les lui amène.

Curieusement, après un déménagement dans une ville où elles ont vécu discrimination et intolérance raciale, Fanny et sa sœur jumelle se retrouvent dans un film universitaire sur la prévention de la violence culturelle. Déguisées en Amérindiennes, elles dansent. Les murs garnis de graffitis multicolores marquent l’imaginaire de Fanny à l’encre indélébile.

Les arts à l’école

Au primaire, Fanny est différente. «Je ne pouvais pas apprendre sans danser, chanter ou faire 2 choses à la fois. On a voulu me donner du Ritalin. On m’a mis dans des cours de ballet. Je créais mes propres mouvements. J’ai été expulsé. J’ai commencé à faire du théâtre et à dessiner dans mes livres, sur mon pupitre, sur mes bras… Tout ce qui m’entourait devenait un canevas pour m’exprimer. Je me suis toujours sentie comme un esprit libre», nous raconte Fanny.

Fanny arrive au secondaire dans une école qui, à l’époque, avait une mauvaise réputation. Un enseignant, Claude Beaupré, organise des battles de Rap. «Cette école était extraordinaire parce qu’il y avait beaucoup de communautés culturelles et d’immigrants. Très tôt, on nous a appris à évoluer unis dans la différence. Certains de mes amis n’auraient jamais terminé leurs cours sans cette activité. Les arts peuvent tout changer, tout guérir et créer des relations», s’exclame Fanny.

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«J’étais fière que mes cousins m’aient enseigné quelques pas de breakdance. Mais c’est quand j’ai eu ma première cassette d’I Am (groupe de rappers français) que j’ai été touchée par la richesse des textes et des paroles. Je m’identifie à la culture hip-hop qui célèbre nos différences et dénonce par l’art les différentes injustices», nous lance une Fanny émerveillée.

À l’université, Fanny entreprend une série de stages en Amérique du Sud. Pour terminer ses études, Fanny obtient une bourse d’une année en cinéma au Brésil. Dans ses cours de scénarisation, elle se fait rapidement dire qu’elle a tellement d’images dans la tête qu’elle devrait se réorienter en animation visuelle.

Les arts au Brésil

À Rio de Janeiro, les murs sont multicolores, pleins de vie. Un artiste peint une fresque. Les gens des favelas (bidonvilles brésiliens) arrêtent pour lui offrir à manger, le remercier de mettre de la couleur dans leur communauté.

«Au Brésil, il y a tellement de lutte qu’il y a une volonté innée de justice et de respect. Les couleurs d’un mur se lisent comme une histoire, un engagement. Elles racontent ce que les médias ne disent pas», nous décrit Fanny.

Désabusée par des cours trop académiques, par la ségrégation raciale et l’élitisme des établissements d’enseignement, Fanny se promène en admiration devant toutes ces murales, les initiatives communautaires, l’école de la rue. «Un matin, j’ai demandé à l’univers de m’aider à trouver une voie pour recommencer à dessiner. Une feuille valse dans les airs pour atterrir à mes pieds. On y annonce des cours de dessin pour graffiti.» Sans hésiter, Fanny s’y retrouve avec assiduité. Après les cours, elle dessine jusqu’au lever du soleil.

«J’étais déçue que les cours se terminent. J’en voulais encore plus. Je suis invitée à un événement communautaire. Tout le monde amenait son matériel pour peindre ensemble. Quelqu’un mentionne que je venais du Canada et que j’étais super bonne en graffiti. Erreur de communication, je n’avais jamais touché une canette aérosol de ma vie! Un citoyen m’offre alors le mur de sa maison. Je n’avais rien préparé. Je n’avais jamais fait de murales. Devant mon hésitation, un autre artiste a compris que je ne savais pas comment faire et a partagé ses techniques. J’ai décidé de me jeter en riant», nous dit Fanny, les yeux remplis d’étincelles. Elle a entrepris une murale en juin 2008 et ne cesse d’en faire depuis.

«Je ne suis pas capable de rentrer dans une boîte pour un travail conventionnel. J’ai besoin de voir la vraie lumière, de suivre les signes de la vie. À travailler tout le temps, à nourrir le rêve d’un autre, on n’a plus le temps de créer et de se concentrer sur son propre rêve. Si chacun pouvait suivre ses dons, ses passions au lieu de ne penser qu’à l’argent et devenir malheureux, le monde serait plus équilibré.»

Les arts pour se transformer

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«Au Brésil, comme à plusieurs endroits, les médias sont corrompus ou ne transmettent qu’une seule vérité. L’art rend accessible la culture et transmet une histoire personnelle qui vient de l’âme. L’art nous transforme, nous fait comprendre nos racines et touche tout le monde.»

«Les arts permettent de combattre les préjugés, de montrer des exemples positifs aux jeunes. J’ai commencé à peindre à côté de trafiquants de drogue. Certains jeunes qui côtoient cette réalité rêvaient chaque jour de devenir célèbres ou de vendre de la cocaïne. À force de voir des événements hip-hop, en voyant l’explosion de couleurs, la poésie des rappers, en leur demandant quels étaient maintenant leurs rêves, ils voulaient tous devenir des artistes. Même certains jeunes armés qui surveillaient la favela s’arrêtaient pour parler et remercier les artistes. Ce sont des êtres humains à part entière. Dans leurs yeux, ils ont des étoiles et des rêves comme tout le monde. L’art au Brésil ou ailleurs est fondamental pour valoriser la jeunesse et ses rêves», nous raconte Fanny.

Le retour à Montréal

«Après 4 années en Amérique du Sud, je croyais m’installer en permanence au Brésil. Mais je rêvais de forêt et de glace. Un jour, il y a eu des inondations surréelles à Rio. Comme si le monde urbain s’écroulait. Un rappel brutal de la force de la nature. Malgré mon amour du pays, mon cœur me disait de partir dans le nord du Québec. Quand je vois des épinettes noires danser dans le vent et les animaux sauvages du Nord, j’ai une émotion inexplicable qui remonte. Même si chaque territoire possède sa beauté et sa richesse, je n’échangerais pas la forêt boréale pour des palmiers», nous confesse Fanny qui décide de revenir au Québec.

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Revenir dans son coin de pays permet à Fanny de mieux s’inspirer, de voir l’environnement avec un nouveau regard. «Notre génération a beaucoup voyagé. Mais nous allons naturellement revenir à des communautés locales. Dans 30 ou 40 ans, tout sera différent. Étant donné sa rareté et son prix, il n’y aura plus autant de dépendance au pétrole. Il nous faudra revenir à des achats locaux, à l’autosuffisance. Se nourrir de son environnement, bâtir des communautés fortes. Plus nous cohabitons avec ce qui nous nourrit, plus nous prenons soin du territoire. C’est pourquoi on doit protéger ces terres, être attentif aux formes de développement économique et faire des choix essentiels aujourd’hui pour soutenir la vie des prochaines générations», réclame Fanny.

Dès son arrivée à Montréal, des proches lui disent qu’elle doit faire la connaissance de l’artiste Monk.e1 et du Café Graffiti. Des rencontres dont Fanny se nourrit encore.

En 2002, Monk-e1 a fait partie des artistes que le Café Graffiti avait dépêchés au Brésil pour représenter le Québec lors d’une convention internationale graffiti. Stimulée par des expériences similaires, la rencontre des deux artistes a été naturelle.

Fanny est aussi émue par l’invitation d’Arpi de participer à sa première exposition, Renaissance – 2009. Puis un autre graffiteur du Café-Graffiti, Fluke, lui offre son premier contrat d’artiste. Ces rencontres ont permis à Fanny d’officialiser le lancement de sa carrière professionnelle.

Fanny Aïshaa exposera pour le grand vernissage sur l’environnement les 28, 29 et 30 septembre prochain au Café Graffiti. 4237 Ste-Catherine est. Infos: (514) 259-6900.

Fanny Aïshaa a une galerie virtuelle que vous pouvez visiter.

Vidéos murales graffiti:

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