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Le Bonheur

Par Gjouin @GilbertJouin

Le BonheurThéâtre MarignyCarré Marigny75008 ParisTel : 0 892 222 333Métro : Champs Elysées-Clémenceau
Une pièce d’Eric AssousMise en scène par Jean-Luc MoreauDécor de Jacques VoizotLumières de Gaëlle de MalglaiveCostumes de Brigitte Faur-PerdigouAvec Marie-Anne Chazel (Louise) et Sam Karmann (Alexandre)
L’histoire : Le charme des rencontres fortuites, c’est qu’elles réunissent des êtres qui s’attirent sans être forcément compatibles. Louise est célibataire, Alexandre est en plein divorce ; elle n’a pas d’enfant, il en a trois ; elle est plutôt à gauche, il est plutôt à droite. Tous les deux ont dépassé la cinquantaine. Ils vont confronter leur conception du bonheur et surtout débattre de ses modalités.La peur de finir seul(e) est-elle bonne conseillère ?La maturité nous rend-elle plus tolérants ou plus intransigeants ?Notre passé amoureux est-il une richesse ou un handicap ?L’amour et la vie à deux : une équation qui se complique avec l’âge…
Mon avis : Lorsqu’on a vu la pièce, le croquis qui figure sur l’affiche du Bonheur prend toute sa saveur : un cœur solidement arrimé sur une plate-forme est tracté par une locomotive à vapeur. Elle en contient des éléments induits cette image ! D’abord, il faut être sur de bons rails. Ensuite, il faut des liens solides pour que l’organe de l’amour ne chute pas lourdement sur la ballast. Enfin, il faut une solide locomotive et énormément de charbon pour que le convoi réussisse à gravir la pente ardue qui mène à la gare du bonheur… Sans compter tous les obstacles en tous genres qui peuvent se dresser sur le chemin.
Vous l’aurez compris, Le Bonheur est une énième digression sur le couple, un domaine dans lequel excelle véritablement Eric Assous. Cet homme a une incroyable disposition à disséquer les relations amoureuses. Cette nouvelle pièce est donc une variation en six tableaux sur deux différents « t’aime »…Dans le joli décor de l’appartement de Louise, auteure de livres pour enfants, va se jouer devant nous une histoire d’amour depuis son tout premier acte jusqu’à son dénouement. Mais avant d’y parvenir, il va s’en produire des choses dans le quotidien de ce couple durant quelques sept-huit mois.
Louise et Alexandre, nos tourtereaux quinquas, n’ont vraiment rien en commun. Culturellement, socialement et idéologiquement, ils sont même aux antipodes l’un de l’autre. Et pourtant, il y a entre eux un lien ténu qui les rattache à défaut de les unir. Passées les roucoulades succédant à leur première nuit, le petit déjeuner va être le premier prétexte à l’affrontement. Il est bien sûr provoqué par une Louise pugnace à souhait. Par besoin de se sentir sécurisée au plus vite, elle commence à le harceler de questions. Evidemment, plus il reste évasif, plus elle aiguillonne. Nous avons droit au bras de fer classique entre l’engagement et la détermination féminins et les atermoiements masculins. Ce qui donne lieu à une superbe opposition tendue et haute en couleurs car les fleurets ne restent pas très longtemps mouchetés. Les échanges sont vraiment très drôles. Dans ce premier tableau, les répliques et les réflexions d’Alexandre sont particulièrement savoureuses. Il s’en sort comme il peut, avec un certain bon sens : « Je n’ai pas menti, j’ai simplifié ! ». Eric Assous a réussi à éviter l’écueil caricatural et un peu systématique de la mauvaise foi masculine. En plus, la qualité de la mise en scène permet aux deux comédiens de s’employer dans des registres totalement différents. Surtout dans les deux premiers tableaux. Alexandre (Sam Karmann) a un jeu très physique, sans cesse dans le mouvement. Louise (Marie-Anne Chazelle), très rouée, se cantonne plus dans l’espièglerie. Elle est une sorte de matador taquin qui s’amuserait à planter ses piques dans les flancs d’un taureau désemparé… En tout cas, grâce à la grande qualité de jeu des comédiens et à la finesse de l’écriture, on se régale à suivre en souriant ce combat amoureux. On rit vraiment beaucoup, autant pour les dialogues que pour la subtilité du jeu et le comique de certaines situations. On assiste à un grand numéro d’acteurs.
Le Bonheur se maintient à un très haut niveau de comédie durant les trois premiers tableaux. En revanche, bien que toujours aussi remarquablement interprétés, je me suis senti un peu moins impliqué dans le quatrième et, surtout, dans le cinquième tableau. Je sais, avec mon foutu esprit cartésien, il faut toujours que je pinaille… Eric Assous a quelque peu grossi le trait. J’ai ressenti moins de cohérence, moins de crédibilité, particulièrement en raison de l’attitude de Louise. Bien sûr qu’il faut une passerelle pour en arriver à l’ultime tableau. Mais celle qui a été construite m’a paru un tantinet brinquebalante. Elle oblige les comédiens (surtout Marie-Anne), jusque là parfaitement justes, à sur-jouer. En même temps, ce tableau permet aux deux protagonistes de l’histoire d’inverser leurs rôles. Plus Louise se montre pénible et irritée, plus Alexandre se révèle conciliant, brave et sympathique. Pour eux, c’est certain, ce doit être très agréable à jouer.
Heureusement, le sixième tableau nous ramène dans le ravissement en y intégrant, pour la première fois, de l'émotion. Quelle formidable scène et quelle composition de Marie-Anne Chazelle, toute en finesse, en nuances !Si bien que, nonobstant le léger trou d’air précédemment évoqué, Le Bonheur est une fort bonne comédie interprétée par deux excellents comédiens qui nous transporte (dans tous les sens du terme) en très haute altitude. Les duettistes Eric Assous et Jean-Luc Moreau ont encore (bien) frappé !

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