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@Libé : je suis jeune et je ne vous ai pas attendu pour me "barrer"

Publié le 10 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

La semaine dernière le quotidien Libération a publié une provoc', incitant les jeunes de France à "se barrer". Voici la réponse d'un de nos nouveaux contributeurs, qui n'a pas attendu les conseils de Libé.
Par Baptiste Créteur.

@Libé : je suis jeune et je ne vous ai pas attendu pour me

Félix Marquardt, Mouloud Achour et Mokless, les auteurs de la tribune de Libé.

Je suis un jeune de France, et je ne vous ai pas attendus pour me « barrer ». Pour être franc, le titre de l’article m’a agréablement surpris dans un journal français, et le premier paragraphe décrivant la France comme une « gérontocratie, ultracentralisée et sclérosée, qui chaque jour s’affaisse un peu plus » plaçait l’article sous de bons auspices. Pour le reste, si comme vous le dites le voyage ouvre des perspectives nouvelles, je vous invite à me suivre : vous exhortez les jeunes à quitter le navire sur la base des principes qui le font couler aujourd’hui.

La France est dirigée par une petite élite qui, sauf scandales majeurs (quelques condamnations en justice ne suffisent pas à vous faire bannir), se maintient au fil des années, parvient à conserver ses privilèges envers et contre tout et a, sur le fond, la même recette de potion magique : plus d’État, plus de moyens, plus de réglementation, plus d’intrusion dans tous les domaines de la vie des citoyens.

Je ne peux donc que partager le constat d’un pays ultracentralisé. L’État est omniprésent et s’est intéressé avant vous à la jeunesse : au-delà de l’aspect électoraliste (la jeunesse, c’est l’avenir), des mesures sont prises pour favoriser son insertion dans la société, son accès à l’emploi, son bien-être au quotidien avec des concepts surprenants à défaut d’être innovants comme les CDI à durée déterminée. Ça n’a, jusque-là, pas l’air de fonctionner, et on peut même l’expliquer assez facilement. Pour qu’un emploi se crée, il faut qu’un employeur décide d’en créer un et, pour cela (sauf si c’est l’État et qu’il dispose de ressources qu’il n’a pas à créer mais à prendre des poches des contribuables) il faut que cet emploi soit rentable, et dans la France d’aujourd’hui, c’est plutôt difficile.

Il suffit effectivement de quelques minutes dans d’autres endroits dans le monde, ou devant des statistiques économiques, pour comprendre que la France n’est pas le pays le plus dynamique. D’ailleurs, cela pourrait vous surprendre, mais les Français, jeunes et moins jeunes, ne vous ont pas attendu pour bouger. Évidemment, ce n’est pas très altruiste de partir quand on est plein d’avenir : le système français repose sur la solidarité, donc sur la redistribution de la richesse de ceux qui la créent vers les autres. Si les jeunes partent, qui paiera les retraites de nos parents ? Qui financera la protection sociale de ceux qui seront restés ? Dans votre article, comme souvent dans les médias français, il y a deux poids, deux mesures : « trop souvent, ceux qui prétendent défendre les intérêts des classes populaires en France le font sans une pensée pour les 3 milliards d’êtres humains qui vivent avec 2 dollars par jour ou moins… Ce qui, si le progressisme est encore un humanisme, est au mieux illogique, au pire rien de moins qu’immoral. » N’est-il pas immoral de ne pas avoir une pensée pour ceux qui financent leurs mesures populistes ? Ne sont-ils pas les dirigeants d’entreprise, évoqués plus haut, qui ne demandent qu’à créer, innover, réussir et attendent légitimement de s’enrichir par l’utilisation de leurs compétences et talents et leur prise de risque ?

Qu’un pays demande aux jeunes de rester ou, comme dans les pays du Maghreb que vous évoquez, de revenir plus tard, est un bon indicateur qu’il ne faut certainement pas rester et sans doute pas revenir. Votre appel au départ incite les jeunes à partir pour leurs enfants, ou pour faire bénéficier la France de leurs expériences à leur retour, et même lui apporter des solutions enfin nouvelles : 

« Trop souvent encore, notre pays fonctionne en effet en vase clos, la topographie du débat public y relevant d’une curieuse forme de schizophrénie où les grands bouleversements planétaires ne donnent lieu qu’à de petits débats gaulois. Le gouffre de plus en plus béant entre la situation réelle de la France et les propositions de ses dirigeants ne sera pas comblé par d’autres que vous, qui, à force de voyages, de rencontres et de découvertes, pourrez sortir ce pays de l’abrutissement engendré par l’autarcie intellectuelle qui est la sienne depuis une trentaine d’années au bas mot. » 

Je vous recommande de voyager encore, pour vous ouvrir de nouvelles perspectives et sortir de ce vase clos de la pensée en France, car vous avez identifié le problème mais la solution que vous proposez repose sur les mêmes fondements.

Le système français dans son ensemble repose sur l’idée que tout le monde peut vivre aux dépens des autres via l’État, le tout avec l’accord et la collaboration de tous. Mais les jeunes de ce pays ne doivent rien à la France. Les Français ne doivent rien à la France. Les Français ne doivent rien aux Français. Partez, Français, partez, allez créer ailleurs, réfléchir ailleurs, innover ailleurs. Il en va de votre avenir ; celui de la France, ce n’est pas votre problème. Partez, cherchez des pays où vous ne vivrez aux dépens de personne et où personne ne vivra à vos dépens. Vous êtes des ânes sans oreilles, devenez des ânes sans maître.


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