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[critique] the Proposition : crépusculaire et mystique

Publié le 12 septembre 2012 par Vance @Great_Wenceslas

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Quand l’occasion m’a été donnée de visionner le DVD de the Proposition, je n’ai guère hésité : ce film avait déjà suscité ma curiosité fin 2009 alors qu’il récoltait de nombreux lauriers dans le Palmarès Interblogs naissant. Davantage que les excellentes notes qu’il engendrait, c’étaient les commentaires éblouis de quelques blogueurs dont je connaissais les goûts qui m’avaient convaincu.

Et puis, le temps passa, jusqu’à l’annonce de sa sortie sur les listings de Sony Pictures Home Entertainment France – que j’ai dûment relayée.


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Et dès l’entame, le film surprend. Passé un générique profondément nostalgique, construit sur un diaporama de photos d’époque (et précédé d’un avertissement à destination des éventuels spectateurs aborigènes), on est violemment pris à partie en compagnie d’une poignée d’individus retranchés dans un ranch et exposés à un feu nourri. Ce contraste entre la tranquillité morbide du noir et blanc soulignée par une musique éthérale et l’explosion sonore de la fusillade (les enceintes surround sont parfaitement mises à contribution, les balles sifflent partout, les impacts et les ricochets sont ultra-détaillés) devient automatiquement une des marques de fabrique de ce métrage. Puis vient l’heure de la proposition, celle qui donne son nom au film et qui va lancer dans l’outback australien, écrasé par la chaleur, aride et mortel, un homme désespéré (campé par un Guy Pearce décharné et convaincant) qu’on a sommé de choisir entre deux de ses frères : soit le plus jeune finit sur la potence pour un crime sauvage (dont on ne saura jamais vraiment s’il y a pris part), soit le plus âgé, le chef de bande devenu une sorte d’ermite mystique, devra être liquidé par ses soins. Et pendant ce temps, la femme du Capitaine Stanley effectue les préparatifs de Noël, entretenant un petit jardin tel un oasis de civilisation perdue.

The Proposition est âpre, amer et brutal. Sous les coups de feu, les têtes explosent tandis que les rebelles aborigènes, retranchés dans la montagne, transpercent leurs ennemis de leurs lances habiles. Mais le film est également miraculeusement lumineux, tant dans sa démarche que dans son éclairage : Benoît Delhomme (directeur français de la photographie) effectue un travail remarquable et seconde merveilleusement Hillcoat pour nous proposer une galerie de plans somptueux, autant de contre-jours sur une aube nouvelle et pleine de promesses, autant de cadres sombres péniblement éclairés par les derniers feux d’un crépuscule fatal. Le metteur en scène de la Route compose ses séquences autour de magnifiques images et continue à jouer sur le contraste, car la violence, montrée ou non, et la sauvagerie d’un pays acceptant à grand peine la civilisation occidentale, imprègnent profondément chaque moment.

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Nick Cave signe ici un scénario poignant par sa volonté de faire tomber les masques, refusant de reprendre les codes du western américain tout en en digérant le principe. Entre les colons qui pestent contre une terre hostile et déchargent leur haine sur les indigènes et ces derniers qui n’ont d’autre choix que se rebeller pour un temps ou s’intégrer (mais où ? L’opposition entre le traqueur qui travaille pour l’armée et celui qui est associé au gang Burns est symptomatique), certains tentent de s’accommoder de cet enfer : la femme du capitaine (Emily Watson, complètement en contrepoint mais fascinante) reproduit tant bien que mal les usages de son pays natal, alors que Arthur Burns (irrésistible Danny Huston, véritablement possédé par son rôle) se lance dans une approche religieuse, tentant de se fondre dans le décor, perdant petit à petit son humanité. L’autre force du script est de ne pas chercher à tout prix à stigmatiser un groupe, ou à le dédouaner en le justifiant : l’aîné des Burns est clairement un monstre (on nous parle dès le début du film d’une agression atroce contre une famille, achevée par le viol d’une femme enceinte), mais de ces montres de cinéma qui brillent par leur discours, leur attitude ; magnétique et écœurant, totalement fascinant. A l’autre bout de la chaîne, les représentants des forces d’un Ordre vacillant car incapable de s’adapter aux contraintes d’une terre primitive : tous font le choix de la brutalité et de l’injustice pour parvenir à leurs fins ; jugements hâtifs, exécutions sommaires, on condamne sans preuve. La scène de la flagellation est un moment-clef où la populace perçoit mais trop tard jusqu’à quelle bassesse elle est allée pour soulager son mal de vivre.

Et au-dessus, au travers de tout cela, une bande son magique, semblant puiser aux origines même de la Terre, aux sonorités quasi rituelles, contribue à ancrer davantage encore ce film dans les mythes fondateurs. Dans ce monde où Dieu est mort, il y a quelque chose de biblique dans la quête vaine du frère cadet, une rédemption qui se refuse à lui. Les phrases susurrées en voix off sonnent comme une prophétie : tout finira par s’accomplir tel que le Destin l’a écrit.

Mais avec quelle classe !

Ma note (sur 5) :

4

Note moyenne au Palmarès de 2009 :

3,89


The Proposition

 

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Mise en scène 

John Hillcoat

Genre 

western

Production 

Autonomous, Jackie O & Pacific Films

Date de sortie France 

16 décembre 2009

Scénario 

Nick Cave

Distribution 

Guy Pearce, Emily Watson, Ray Winstone & John Hurt

Durée 

104 min

Musique

Nick Cave

Support 

DVD SPHE zone 2(2012)

Image 

2.40:1 ; 16/9

Son 

VOst DD 5.1

Synopsis Dans l'arrière-pays australien, à la fin du XIXème siècle, deux hommes situés aux deux extrémités de la loi passent un marché secret et décisif...Le Capitaine Stanley s'est juré de "civiliser" le pays sauvage australien. Ses hommes ont capturé deux des quatre frères du gang Burns : Charlie et Mike. Les bandits ont été jugés responsables de l'attaque de la ferme Hopkins et de l'assassinat de toute une famille.


Arthur, le plus âgé des frères Burns et chef du gang, s'est réfugié dans la montagne. Le Capitaine Stanley propose alors un marché à Charlie : retrouver son frère aîné en échange de son pardon, et de la vie sauve pour le jeune Mike. Charlie n'a que neuf jours pour s'exécuter...


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