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Parfums, Philippe Claudel

Publié le 19 septembre 2012 par Kenza
« On bat les souvenirs, ceux de la vie, ceux de l'Histoire et ceux des romans, comme des cartes. »

Parfums, Philippe Claudel Quatrième de couverture   "En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent - ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même -, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus: car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être.Alors la tête nous tourne délicieusement." P. C.
  Écrivain traduit dans le monde entier, Philippe Claudel est aussi cinéaste et dramaturge. Il a notamment publié aux éditions Stock Les Âmes grises, La Petite Fille de Monsieur Linh, Le Rapport de Brodeck, romans qui ont connu un grand succès public et ont été couronnés par de nombreux prix. Membre de l'académie Goncourt, il réside en Lorraine où il est né en 1962. 
Extrait Église    On cherche toujours à façonner des clés même s'il manque les serrures. J'ai toujours aimé les églises. Je les ai beaucoup fréquentées, du temps que je croyais en Dieu, et aujourd'hui encore, où je n'y crois plus. Me plaît le curieux protocole de leur silence. Leur retrait du monde aussi, même au cœur des plus bruyantes villes. Leurs murs éloignent, et du temps, et de la folie des choses, et de celle des êtres. Petit, je suis enfant de chœur, frappé par la beauté du théâtre de la messe, comme l'écrit Jean Giono, humant la cire chaude qui tombe en larmes lentes sur les flancs des grands cierges tenus par les mains d'argent des bougeoirs, et les vapeurs d'encens, âcres, épaisses, tortueuses quand elles s'échappent du brûloir comme l'âme visible d'un Satan sacrifié, apaisées ensuite lorsqu'elles s'élèvent en brume timorée pour interroger l'impassibilité des vitraux. Aubes, soutanes, étoles, scapulaires, dentelles, ceintures de satin ou corde grossière. Les vêtements amidonnés sont rangés dans une haute armoire de la sacristie, braillante d'encaustique et qui sent l'eau de Cologne et la lavande. Les tissus s'en imprègnent. Nous les revêtons en silence sous le regard de pis et la bouche maigre d'une grenouille de bénitier qui est notre adjudant: la mère Julia. Bougie, encaustique, encens, sages tissus tissés par des mains dévotes, carreaux de pierre lavés à grande eau par des femmes agenouillées, entre deux « Notre Père », haleine vineuse du prêtre après l'Eucharistie et puis surtout, la foi de millions d'humains depuis des siècles qui exsude cette odeur si particulière qui est celle de la piété, tenace, profonde, ineffaçable. L'odeur de la croyance indéfectible en un merveilleux mensonge qui dure depuis deux mille ans a soutenu bien des êtres, en a tué beaucoup d'autres. Éditions Stock

Parfums, Philippe Claudel

Pascal-Adolphe-Jean Dagnan-Bouveret (1852-1929), Le pain béni       (C) RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski


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