[Critique] MAMAN de Alexandra Leclère

Il faut se méfier du titre simple, innocent, au bon parfum de l’enfance. Le Maman d’Alexandra Leclère doit s’entendre comme une accusation, un doigt pointé, un manque. La routine pour cette cinéaste qui dans Les Sœurs fâchées, déjà, affirmait son goût pour les dysfonctionnements familiaux et le règlement de compte acerbe. Via un duo d’actrices (Mathilde Seigner et Marina Foïs) tout aussi fort que le Huppert/Frot de 2004, elle puise dans ses traumas personnels pour offrir une parenthèse tragi-comique qui brille par ses ruptures de ton. Un peu absurde, son histoire fonctionne parce qu’elle mixe habilement tendresse et violence, éclats de névroses et cœurs brisés. Ainsi, deux sœurs, rongées par le manque d’amour de leur mère (incarnée par Josiane Balasko), décident de kidnapper cette dernière afin de la forcer à les aimer. Un postulat de base qui fait la part belle à des piques inattendues de perversité (envie latente de matricide) et des symbolismes noirs (la mère, enchaînée à une ancre marine). 
Alexandra Leclère, à travers un trio féminin habituellement connu pour ses aptitudes comiques, affiche des désirs de comédie qu’elle prend plaisir à instantanément détruire : une comptine pour enfants prend alors des allures de chant psychotique ; une simple claque catalyse toutes les douleurs du passé que l’on porte en soi. C’est de cette impossibilité à vivre, sans l’amour et la reconnaissance maternelle, que parle la cinéaste française ici. Incapacité d’aimer, et de croire au couple d’un côté. Incapacité d’enfanter à son tour de l’autre. Le duo sororal, fruit pourri de l’intérieur, tente alors de survivre en s’attaquant au bourreau invisible d’une vie. Si le film rate quelque peu sa sortie (conclusion bien trop gentille), Leclère colle d’un bout à l’autre à ses intentions : transformer les sourires en grimaces.