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Les Nouveaux Caractères

Par Thibault Malfoy

Prix Jean Freustié et Prix Roger Nimier 2001, Nos vies hâtives est un roman polyphonique qui s’agence comme une mosaïque dont il faudrait s’éloigner de quelques mètres pour en saisir toute l’ampleur.

Charles Dantzig, dans chacun des chapitres qu’il construit à la manière des pièces d’un vaste puzzle, s’attache à raconter une histoire apparemment fermée sur elle-même, comme une nouvelle indépendante de ses voisines dans un recueil. Mais plus on progresse dans le livre, plus on se rend compte que tout est lié, de ces liens lâches et fragiles que nos existences tissent et lancent au hasard des rencontres et des circonstances, élaborant à notre insu une nouvelle comédie humaine. Ainsi, les vies hâtives que l’on croise au détour d’une page peuvent se retrouver un peu plus loin, simplement évoquées ou vues sous un autre angle, et interpellent de nouveau notre perception pour bousculer ses perspectives.

D’ailleurs, de vies, il s’agirait plutôt de tranches de vies, arrachées par le scalpel de l’auteur à l’incessante ronde de notre monde moderne, fuyant toujours plus vite en avant la peur de l’ennui et du silence. Si le titre n’avait déjà été pris, le livre aurait pu s’appeler Les Caractères, tant il est vrai que Charles Dantzig s’y exerce dans un enthousiasme évident à son sport favori et croque avec plaisir, et même voracité, ces vies aux caractères et aux personnalités aussi diverses que complexes. Dans sa finesse d’analyse, l’auteur a le bon goût de ne jamais vouloir proposer d’explications absolues et nous laisse la marge de manœuvre nécessaire pour lire entre les lignes et penser ; c’est si rare de nos jours, un livre qui nous laisse penser…

Nos vies hâtives condense en un joyeux précipité beaucoup de singularités de Charles Dantzig : son écriture imagée qui invoque des trésors d’originalité pour donner à voir un monde parallèle, le sien ; la nécessaire gaieté pour survivre aux souffrances d’une vie et supporter la médiocrité qui nous environne et nous menace, heureusement compensée par des fulgurances de beauté (en ce sens, Charles Dantzig peut être vu comme un humaniste déçu par l’humain, mais qui lui conserve malgré tout ses préférences) ; son érudite cinéphilie qui nous propose de profondes réflexions sur l’art, donc le roman ; enfin, malgré des histoires hachées qui morcellent un peu notre progression dans le livre mais brisent la linéarité de la narration, un plaisir de lecture jamais démenti.

  • Nos vies hâtives, de Charles Dantzig, Le Livre de Poche, 5,50 €.

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