Magazine Culture

[anthologie permanente] Barack Obama

Par Florence Trocmé

Papa 
Les choses ont toujours été simples pour moi : 
Affalé dans son large fauteuil cassé 
Recouvert de cendres, 
Papa change de chaîne, reprend 
Un verre de whisky, pur, et demande 
Ce qu’on peut faire de moi, un petit homme 
Qui n’arrive pas à considérer 
Les heurs et les malheurs du monde. 
Je regarde son visage fixement, d’un regard 
Qui fait dévier ses sourcils ; 
J’en suis sûr, il n’a pas confiance 
En ses yeux, noirs et humides, qui 
Partent dans toutes les directions, 
Et surtout ses tics, lents et malvenus, 
Ne cessent pas. 
J’écoute, j’acquiesce 
Écoute, avec sincérité, jusqu’à ce que je m’accroche à son T-shirt 
Beige pâle, hurlant, 
Hurlant dans ses oreilles aux lourds lobes, mais il continue à raconter 
Sa blague, alors je demande pourquoi 
Il est si malheureux : il répond… 
Mais ça ne m’intéresse plus parce qu’ 
Il a pris trop de temps et de dessous 
Mon fauteuil, je tire le 
Miroir que j’avais mis de côté ; je ris 
D’un rire fort, le sang frémissant depuis son visage  
Vers le mien, au point de devenir 
Une tâche dans mon cerveau, quelque chose 
Qu’on pourrait écraser comme un 
Pépin de pastèque entre 
Deux doigts. 
Papa se reprend un verre, pur, 
Remarque qu’il a sur son short la même tâche ambrée  
que moi j’ai sur le mien et 
Me fait sentir son odeur venant 
De moi ; il change de chaîne, récite un vieux poème 
Qu’il avait écrit avant la mort de sa mère, 
Se lève, pousse un cri, et demande 
Un câlin, tandis que je rétrécis, mes 
Bras atteignent à peine 
Sa nuque, épaisse et grasse, et son dos imposant ; parce que 
Je vois mon visage, dans les lunettes 
Cerclées de noir de Papa 
Et je sais qu’il rit aussi. 
• 
Souterrain 
 
Sous des gouffres d’eau, des cavernes
Peuplés de grands singes
Qui mangent des figues.
Piétinant les figues 
Que les singes
Mangent, ils croquent. 
Les singes hurlent et montrent
Leurs dents, ils dansent,
Ils dégringolent dans l’ 
Eau torrentielle,
Leurs peaux, humides et moisies,
Rayonnent d’un éclat bleu. 
Barack Obama, deux poèmes de jeunesse, traductions inédites Nicolas Grenier et David Rochefort 
versions originales des poèmes 
Pour Barack Obama, la poésie demeure une expérience de jeunesse. À Los Angeles, il étudie à l’Occidental College, dans lequel il assiste à un séminaire de poésie, et découvre la poésie de Charles Bukowski et de Sylvia Plath. Dans la revue littéraire de l’école « Feist », au printemps 1981, il publie à dix-neuf ans deux poèmes. Dans le poème « Papa », Barack Obama relate avec humour un souvenir d’enfance avec son grand-père maternel, Stanley Dunham, quand il grandit à Honolulu, à Hawaii. Le second poème « Souterrain » présente un décor exotique, dans une « grotte », à l’étroit. 
Harold Bloom, professeur à l’université de Yale, décrit les poèmes comme « pas mauvais », et considère Barack Obama comme un poète supérieur à Jimmy Carter, « plus mauvais poète américain ». 
Alors Président, dans une cérémonie dédiée à la poésie à La Maison-Blanche à Washington, Barack Obama confie, le 11 mai 2011, qu’ « un bon poème résonne au plus profond de nous, il nous fait réfléchir et nous apprend quelque chose sur nous-mêmes et sur le monde dans lequel nous vivons ». Et d’ajouter que les « poètes ont toujours joué un rôle important dans la narration de l'histoire de notre pays ». 
Après son élection à l’automne 2008, le Président, nouvelle muse politique, fait le bonheur de la poésie. Poète préféré d’Obama, Derek Walcott, prix Nobel de littérature, compose un poème  « Quarante Acres », publié dans le magazine Times, en l’honneur de la victoire du démocrate afro-américain. Un second poème « Un Jeune Noir à l’Aube » rend hommage à Barack Obama et… Vincent Van Gogh. De même, en affaires poétiques, lors de la cérémonie d'investiture, Barack Obama choisit une amie poétesse, Elizabeth Alexander, pour la lecture de son poème « Chant d’éloge du jour ». 
Présentation par Nicolas Grenier. 
Traduction par Nicolas Grenier et David Rochefort. Copyright 2012. 


Retour à La Une de Logo Paperblog