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Austérité, tu m'auras pas

Publié le 07 octobre 2012 par Omelette Seizeoeufs

Austérité, tu m'auras pas

Enfin, si. Tu m'auras. Tout est parti pour.

La semaine dernière, j'ai parlé de l'Italie, où la politique d'austérité a permis de doper la récession tout en creusant encore plus les déficits. ( Tout va bien, finalement, car les nouveaux déficits, dûs à l'austérité, ne sont pas de la même nature que les anciens.)

Selon Angela Merkel (et bien d'autres), il faut que ça fasse mal. C'est en se faisant mal qu'on se fait du bien. On peut aussi se faire du bien en faisant mal aux autres. Les deux vont ensemble.

François Hollande, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac restent donc à l'intérieur du consensus austère.

Cahuzac a dit hier :

Est-ce que c'est agréable de lever l'impôt ? Non. Mais, à court terme, l'endettement public crée la récession

J'aimerai savoir précisément pourquoi il pense que l'endettement public crée la récession. L'exemple italien, comme les exemples espagnol et grec, montrent qu'à court terme, l'austérité crée la récession. Le mécanisme est simple : l'austérité enlève de l'argent de l'économie et donc la ralentit l'activité. L'endettement peut provoquer une hausse des taux d'intérêt payés pour financer la dette, créant les spirales qu'on a vues chez les voisins. Mais cela n'a pas encore eu lieu en France et n'explique pas la récession.

Et puis, il n'est pas nécessaire de chercher l'explication de la récession : la (ou les) crise(s) financière qui n'étaient pas provoquée(s) par les budgets des Etats de l'Union Européenne.

Il semble, hélas, que le Parti Socialiste a intégré totalement la doctrine qui, il n'y a pas si longtemps, étaient réservée à la droite libérale, l'ex-UDF en particulier. Un exemple parmi d'autres : Catherine Trautmann, dans un débat avec Barbara Romagnan, chez Mediapart :

Qu'on ait des règles de résorption du déficit et de résolution de la dette, c'est la condition indispensable d'assainissement de nos économies. La France doit redresser ses comptes et faire face à ses obligations de contributeur.

Nous avons internalisé la lubie anti-keynésienne. Les dettes souveraines ne sont pas la cause de la crise, mais la crise révèle une faiblesse dans la structure de l'union monétaire, qui fait que désormais il n'y a plus qu'une seule manette sur laquelle les Etats peuvent tirer : le dosage de l'austérité. Tout le reste est bloqué : relâchement monétaire, taux d'intérêt, inflation.

En regardant à l'extérieur de l'eurozone, il est plus facile de trouver des analyses pertinente de la situation. Et pas chez des économistes chevelus élevant des chèvres à mi-temps.

Voici un édito fascinant d'Ambrose Evans-Pritchard, journaliste économique du Telegraph, qui s'intitule : "Multiplying Europe's fiscal suicide (technical)". Je suis tombé dessus en lisant le blog d'un libéral anglais (au sens français) qui écrit pour Forbes (pas tellement chevelus non plus).

La base de l'argument sur le "suicide fiscal" est le thème, qui devrait être familier maintenant, selon lequel les politiques d'austérité, couplé au contexte international moribond, va simplement faire en sorte que les pays de l'Europe vont se couler tous les uns les autres. (Et comme l'austérité initiale ne suffira pas de la récession, mais va nous y enfoncer, il faudra aller plus loin dans l'austérité afin de s'enfoncer encore davantage.)

Ce qui est nouveau dans l'analyse de Evans-Pritchard, c'est que, d'après lui en tout cas, les calculs actuels, qui prévoient une reprise si seulement les états réduisent un peu leur voilure, sont basés sur des formules de l'IMF qui s'appliquent à des pays où l'inflation et la dévaluation sont possibles.

Le calcul en question concerne le fiscal multiplier - "effet multiplicateur" en français. D'après Wikipédia :

la variation du montant d'une dépense peut avoir un effet multiplicateur sur le revenu national ou l'activité économique générale.

C'est la ratio entre une augmentation ou une baisse de dépense publique, et l'augmentation ou la baisse du PIB qui en résulte.

Dans le cas précis, il s'agit de déterminer l'effet d'une réduction des dépenses. Evans-Pritchard explique :

The Teuto-Calvinists believe - or profess to believe, since much of their dogma is national self-interest dressed up as theory - that the fiscal multiplier is around 0.5.

That is to say, fiscal retrenchment worth 1pc of GDP will cut output by half as much, or around 0.5pc over two years. There is pain, but at least there is gain.

This is based on the IMF's analysis of fiscal crises over the decades.

Cela veut dire, si j'ai bien compris, qu'une baisse de 1 % en dépenses, ne provoque qu'une réduction de 0,5 % du PIB. C'est donc rentable, car on gagne plus en réduction qu'on ne perd en PIB. " There is pain, but at least there is gain."

C'est la théorie qui justifie l'idée selon laquelle un redressement des comptes aboutit à une reprise de l'économie.

Le problème, c'est jusqu'à présent, cela ne se passe pas comme ça :

Well, it has not worked out like that. Ireland has contracted at nearly seven times the speed, Spain four times, and Greece three times.

Donc, si j'ai compris, pour 1 % de baisse des dépenses en Irelande, l'économie s'est contractée de 7 %. 4 % en Espagne et 3 % en Grèce.

Quel est le problème, donc ?

So what went wrong? It is blindingly obvious. The IMF data [...] is based on past cases where individual countries were able to claw their way out of trouble by exporting to a healthy global economy, usually by devaluing first and often by slashing interest rates as well.

Greece, Spain and Italy cannot devalue. Most of Europe is tightening fiscal policy in lockstep. They are all dragging each other down. It is synchronised policy suicide.

Le principe d'un effet multiplicateur positif vient des cas de pays qui pouvaient contrôler leur monnaie, leurs taux d'intérêt, et exporter vers une économie mondiale en bonne santé. Pour la Grèce, l'Espagne, l'Italie... et la France, aucune de ces conditions n'est présente. Pire encore, les exportations en Europe sont majoritairement vers d'autres pays européens. Comme ils sont tous convaincus que l'austérité va les sauver, ils sont tous plus ou moins en récession, ou vont l'être bientôt, ce qui rend de moins en moins probable un sauvetage par l'exportation. Même en Chine, les exportations baissent.

Nous avons décidé - poussés bien sûr par les marchés financiers -- que l'austérité va nous sauver. C'est devenu presque une religion. Il faut y croire, sinon vous êtes devant la perspective une récession de plus en plus dure et de plus en plus longue.


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