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L’Europe et la Chine : entre la soft diplomacy et le China bashing

Publié le 15 octobre 2012 par Jblully

L'Europe et la Chine © Hugh O'Neill - Fotolia.com Les tensions commerciales entre l’Union européenne et la Chine semblent s’être intensifiées avec le lancement, début septembre, par la Commission européenne d’une procédure antidumping contre les panneaux solaires chinois. L’Union européenne a déjà fait preuve de fermeté en lançant près de 73 enquêtes contre la Chine sur un total de 186 entre 2003 et 2012, sans pour autant stigmatiser cette dernière. L’Union européenne veille ainsi à défendre ses intérêts et à mettre en œuvre dans une certaine mesure le principe de réciprocité cher aux Français. Mais, au-delà de cela, elle prend aussi conscience que « trop, c’est trop ». Pour autant, il n’est pas toujours facile de trouver la bonne ligne de conduite entre le jusqu’au-boutisme juridique et le repli politique. Sous couvert de règles juridiques, c’est souvent à un véritable bras de fer que les parties se confrontent.

Bien que fondé sur des règles juridiques, l’antidumping reste un instrument de défense commerciale hautement politique et le caractère politique de la procédure ne cesse d’augmenter. Est-ce une bonne chose ?

Depuis toujours, les enjeux électoraux nationaux ne sont pas neutres dans l’ouverture de procédures : c’est ainsi qu’aux États-Unis, le Président Barack Obama a annoncé une procédure antidumping sur l’automobile chinoise alors que le candidat républicain à la Maison-Blanche a déjà promis un durcissement de la politique commerciale vis-à-vis de la Chine en cas d’élection.

L’antidumping devient encore plus politique lorsqu’il s’agit d’attaquer l’Empire du milieu. De fait, et de manière générale, la Chine ne semble pas apprécier qu’on lui fasse la leçon et n’hésite pas à prendre des mesures de rétorsion ou à lancer d’autres procédures antidumping en représailles. Il faut donc un certain courage politique de la part de l’Union européenne pour lancer une enquête. Ce, d’autant plus que les Chinois jouent souvent avec les oppositions nationales au sein de l’Europe alors même que les règles de majorité pour initier une procédure ont changé1. Le courage doit venir également des entreprises plaignantes, même si elles préfèrent bien souvent garder l’anonymat.

Avec la procédure antidumping contre les panneaux solaires, le degré de politisation du débat est à son maximum. Il s’agit, en effet, d’un des cas les plus importants puisqu’il représente 21 milliards d’euros. Qui plus est, le cas a été également abordé quelques jours avant le sommet UE-Chine et à un moment où les autorités chinoises anticipent récession et chômage. Par ailleurs, le secteur même des panneaux solaires pose des problèmes de politique économique puisqu’il fait l’objet d’une surproduction en Europe et en Chine, que la Chine exporte en Europe 60 % de sa production, et que les subventions chinoises dans ce secteur vont diminuer. Plus encore, le secteur des panneaux solaires intègre une dimension écologique mettant en cause l’intérêt des consommateurs, ce qui n’a pu échapper à l’Allemagne qui s’est montrée réticente à l’engagement de cette procédure. Certes, l’Union européenne peut compter sur une pression convergente puisque l’Inde s’apprête à lancer une procédure similaire sur le même type de produits. Pour autant, l’Union européenne ne semble pas vraiment en position de force pour résister aux discussions commerciales qui vont avoir lieu dans le premier temps fort de la procédure. L’interdépendance économique et financière des deux parties et le manque d’unité européenne sur ce dossier (l’Allemagne se montrant dissidente) ne facilite pas la négociation.

Bien que soumis à l’aléa politique, l’antidumping est actuellement l’un des seuls outils pour lutter contre les pratiques déloyales. Vouloir en faire un instrument confiné dans davantage de règles juridiques et économiques annihilerait le pouvoir d’appréciation souverain des parties étatiques plaignantes. Il s’agit là d’une mise en garde importante alors que le Commissaire européen au commerce extérieur, Karel de Gucht, s’interroge sur le fonctionnement de la procédure antidumping.

Au-delà des amendements à la marge de la procédure antidumping, il manque à l’Europe une politique industrielle basée sur des choix communs et qui mettrait en œuvre la théorie ricardienne des avantages comparatifs non plus à l’échelle internationale mais au niveau communautaire. Il faudrait, en effet, en matière d’antidumping que l’Europe puisse faire des choix de compétitivité clairs. Les tentatives de réforme de l’antidumping pour mieux prendre en compte l’intérêt communautaire au cas par cas n’est qu’un pis-aller à la recherche d’une vraie stratégie.

Si les dirigeants européens s’affairent à éteindre le feu de la « maison Europe » en essayant de résoudre la crise financière, il faut encore engager l’Europe dans d’autres formes d’intégration pour qu’elle puisse solidement s’affirmer commercialement.

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1. Une majorité simple d’états membres suffit pour engager une procédure.


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