Magazine Cinéma

[Critique] CASINO ROYALE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Casino Royale

Note:

★
★
★
★
☆

Origines : États-Unis/Angleterre/Italie/République Tchèque
Réalisateur : Martin Campbell
Distribution : Daniel Craig, Eva Green, Mads Mikkelsen, Judi Dench, Giancarlo Giannini, Caterina Murino, Simon Abkarian, Jeffrey Wright, Isaach de Bankolé…
Genre : Action/Espionnage/Thriller/Adaptation/Saga
Date de sortie : 22 novembre 2006

Le Pitch :
Fraichement promu agent 00, James Bond se lance aux trousses du Chiffre, un puissant banquier spécialisé dans le financement d’opérations terroristes. Pour ruiner le Chiffre et ainsi le contraindre à accepter un marché avec le MI6 pour lui éviter les représailles de ses clients, James Bond doit battre le banquier lors d’une partie de poker à haut risque. C’est alors qu’il rencontre Vesper Lynn, l’attachée du trésor britannique, une belle jeune femme chargée de veiller sur les intérêts de Sa Majesté…

La Critique :
Ce n’est pas un hasard si sur l’affiche de Casino Royale, Daniel Craig arbore un nœud papillon négligemment dénoué. Le rupture de ton est volontaire. Et brutale. Salvatrice également, quand on considère la piètre qualité du précédent James Bond, Meurs un autre jour, dernier épisode mettant en scène le flegmatique Pierce Brosnan.
Adaptation du tout premier roman James Bond, de Ian Flemming, Casino Royale s’apparente à un reboot total de la saga. Total ou presque, vu que plusieurs éléments font le lien avec les autres, on s’en doute, à commencer par le retour de la comédienne Judi Dench, dans le rôle de M, la commanditaire et supérieure de l’agent 007.
Retour aux sources pour James Bond, qui apparaît blond, assez baraqué et brut de décoffrage. On souligne la volonté inspirée des producteurs et de Martin Campbell, le réalisateur, de renoncer aux gadgets extravagants et de recentrer le récit autour d’un personnage badass, violent et beaucoup moins détaché que ses prédécesseurs. En cela, la présence de Daniel Craig apparaît comme une évidence. À la fois capable de démontrer d’un charisme et d’une attitude en totale adéquation avec l’idée que l’on se fait de James Bond (à savoir un mec qui aime bien se fringuer, manger, boire et séduire à tour de bras), mais aussi carrément crédible lors des scènes d’action, où ses aptitudes physiques apportent un regain d’âpreté et d’authenticité bienvenus.

Dans Casino Royale, James Bond vient de devenir un agent 00, ce qui veut dire qu’il débute sa carrière. Son image n’est pas encore celle du type un peu quetard sur les bords, qui flingue à tour de bras sans s’embarrasser de remords. On assiste ici à la naissance du mythe si on peut dire, tout en se doutant que les autres films de la série ne ressembleront jamais plus vraiment à tous les James Bond qui ont précédé. Tous les acteurs qui ont enfilé le smoking de 007 ont certes leur style, mais Daniel Craig est le premier à s’en détacher autant, pour proposer un version 2.0, brutale et paradoxalement beaucoup plus sensitive sur un plan purement émotionnel. En soit, il se place quelque-part entre la brute épaisse macho incarnée par Timothy Dalton dans Tuer n’est pas jouer et Permis de tuer et Sean Connery dans les premiers volets de la saga. Le Bond de Craig fonce tête baissée dans les emmerdes et donc dans l’action, prend ce qu’il pense lui revenir de droit et s’affranchit naturellement de l’autorité du MI6, quand les circonstances le demandent. Une tendance particulièrement vivace dans Casino Royale, qui s’attache à d’abord faire du pied aux allergiques à Bond, comme pour leur dire : « oubliez tout ce que vous savez sur James Bond et voyez plutôt ce qu’il est devenu : un type qui n’a rien à perdre et qui ne se repose pas sur des gadgets à la manque. Un gars qui sait se battre comme Steven Seagal, qui court comme un dératé et qui en prend plein la gueule, sans jamais se départir de son petit sourire provocateur ».

Et ça fonctionne à plein tube. Si l’arrivée de Daniel Craig a provoqué dans la communauté des James Bondophiles de nombreuses vagues protestataires, les autres ont par contre commencé à lorgner sur la franchise, en approuvant la mise à jour. Casino Royale fait souffler un vent de fraîcheur et il était temps. Sans dévaloriser ses prédécesseurs, il prend par contre des chemins de traverses, tout en conservant une proximité avec les codes de la série. On peut voir de belles bagnoles, de belles nanas, des trucs high-tech qui restent dans la limite du raisonnable (Q, le préposé de l’équipement et des gadgets ne fait pas encore partie de la l’équation) et de la vodka-martini au shaker (pas à la cuillère). Et puisque on parle du carburant préféré de 007, la scène où il se rend au bar, passablement furax, pour commander une vodka-martini et que le serveur qui lui demande si il la désire au shaker ou à la cuillère, s’entend répondre, un « Qu’est ce que j’en ai à foutre rageur », illustre bien ce petit côté punk que prend le film par rapport à la légende qu’il entend dépoussiérer.

Du côté des James Bond Girls, Casino Royale s’en sort avec les mêmes honneurs. Les deux actrices censées incarner l’entité mythique sans qui 007 ne serait pas vraiment 007, à savoir Eva Green et Caterina Murino, font un boulot admirable. Surtout la première qui s’impose comme l’une des James Bond Girls les plus revêches de la saga. Eva Green compose un personnage subtil, en se présentant comme un rouage primordial de l’intrigue et non comme un simple faire valoir. Tout d’abord distante et méfiante, elle fait tomber les murailles qui entourent ses sentiments envers James Bond, tandis que ce dernier fait de même. L’amour est de la partie, sans équivoque, entier et solide. Voir Bond tomber littéralement amoureux, au point où il pense tout laisser tomber pour convoler avec sa belle, est un autre point déterminant de Casino Royale. Olive dans la vodka-martini : Eva Green est physiquement sublime, tout à fait raccord avec les standard établis par le autres James Bond Girls. Caterina Murino itou, elle qui campe un personnage beaucoup plus conventionnel, qui ne fait que passer le temps d’une scène dans les bras musculeux du premier Bond blond.

Franc-tireur et direct, à l’image de la nouvelle version de Bond, Casino Royale sait garder un œil sur la franchise, sans avoir recours à de quelconques trahisons. Taquin (la scène où Bond sort de l’eau fait directement référence à celle qui voyait Ursula Andress débouler spectaculairement sur la plage dans James Bond contre Docteur No) et sombre à la fois, le film de Martin Campbell met les compteurs à zéro avec style. Le réalisateur, qui avait déjà tâté du Bond avec Goldeneye, fait preuve d’un talent certain pour orchestrer des scènes d’action spectaculaires à dimension humaine. James Bond garde les pieds sur terre, mais n’en reste pas moins impressionnant. Les promesses de ce Casino Royale, souvent considéré comme l’un des meilleurs James Bond, sont nombreuses. À tel point que la suite, Quantum of Solace, aura bien de mal à relever le défi. Le mélange entre modernité et tradition et le soucis de livrer un spectacle moderne et âpre, fait plaisir à voir. Tout comme le rythme, qui utilise à bon escient la moindre minute d’un long-métrage de plus de deux heures, étonnamment généreux et vif. Casino Royale est une superbe réussite.

@ Gilles Rolland

[Critique] CASINO ROYALE


Retour à La Une de Logo Paperblog