Magazine Animaux

Ball-trap : quand des oiseaux vivants servent de chair à canon

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

"Ça te dirait d’aller à un ball-trap particulier ?" Par curiosité, j’ai accepté la proposition de mon père, qui habite en Espagne. Il a insisté : "J’espère que tu as le cœur bien accroché." 

par Luis Casiano, 
photographe naturaliste

Je suis arrivé dans une enceinte de tir, a priori standard : un grand terrain, des stands de tir d’un côté, et à une dizaine de mètres, quatre petites cabanes où se trouvaient les lanceurs.
 
Les appareils de lancement ressemblent à ceux dont on se sert lors du ball-trap, à une exception près : le mécanisme qui permet de lancer les plateaux en terre cuite est remplacé par un tube en PVC de 30 cm de long. Je me suis dit qu’ils devaient lancer des balles au lieu d’assiettes.
 
Je ne savais pas trop à quoi m’en tenir… jusqu’à ce qu’arrivent des cagettes, une dizaine pour chaque cabane. À l’intérieur : pas des pommes, mais une centaine de cailles. C’était un ball-trap avec des bestioles vivantes!

Une tradition de plus

On m’a expliqué que c’était une tradition, une discipline reconnue, avec une fédération nationale, des championnats, dont un des plus grands a lieu à Madrid. Ce n’est pas du tout un événement marginal : des revues de chasse, des émissions de télévision en parlent fréquemment, et ça se pratique souvent dans les fêtes de village.
 
L’ambiance est à la fête foraine : des gars sont là avec des merguez, ils s’empiffrent et boivent, avant de dégommer les oiseaux. À leurs pieds, devant les stands de tir, le sol est jonché de plumes et de cadavres.
 
Les bestioles servent littéralement de chair à canon : la caille est insérée dans le tube, le lanceur la maintient, soit par la tête, soit par les pattes, la machine est réarmée et l’oiseau propulsé sert de cible aux tireurs.
 
Aucun remords de la part des lanceurs, qui le sont souvent de père en fils, ni des tireurs : rien de mieux, selon eux, que de s’entraîner avant la saison de chasse sur des cibles qu’ils jugent mouvantes.
 
Pourtant, les trois quarts des cailles meurent à cause de la violence du lancer. Les autres tournoient en l’air : elles ne parviennent pas à voler, toutes étourdies qu’elles sont. Je leur ai dit qu’un oiseau qui vole en zigzag pour se protéger lors d’une chasse et une caille catapultée, ça n’a rien à voir. D’autant qu’ils prennent aussi pour cibles de très jeunes cailles, à peine capables de voler.
 
Pourquoi alors ne pas utiliser des plateaux d’argile ? Trop inesthétique, pas traditionnel, m’ont-ils répondu…
 
Je me suis forcé à rester, même si la barbarie ne faisait que commencer. Les cailles qui meurent sur le coup, disloquées par le lancer, touchées par des plombs ou en tombant par terre, ont de la chance : leur fin est rapide. Mais celles qui sont blessées agonissent au sol en attendant la fin de la séance.
 
Chaque séance de tir dure une demi-heure. Le juge vient ensuite comptabiliser les cailles. Mais il ne les ramasse pas. Car il faut encore que les tireurs passent d’un stand à un autre pour changer d’angle de tir.
 
Ce n’est qu’à la fin de l’après-midi qu’on ramasse les oiseaux. Et encore, ce ne sont pas les chasseurs qui s’en chargent, mais des badauds qui viennent pour avoir des cailles gratuites. Quant aux oiseaux agonisant, personne n’a la décence de leur tordre le cou : ils préfèrent s’amuser avec…
 
En attendant, les cailles sautent et gigotent au sol. Il y a là de quoi révolter les associations de protection de la nature. Mais elles ne doivent pas avoir le bras assez long, ou ont peut-être peur de se mettre les municipalités ou les chasseurs à dos. Car il faut savoir que les mairies sont nombreuses à accorder des subventions et les maires de campagne à participer à ces "tiros de codornices".
 
À moins que le gouvernement ne décrète qu’il faille utiliser des plateaux d’argile, cette tradition risque de perdurer. J’espère au moins que mes photos (que les tireurs ont beaucoup appréciées, fiers de leurs moments de gloire) serviront à alerter sur cette situation.

oOo

Source : Attention, les photos que vous allez voir sont choquantes. Même le photographe reconnaît avoir du mal à les regarder de nouveau. Mais Luis Casiano a jugé qu’il était de son devoir de témoigner de cet événement barbare. Les photos de Luis Casiano


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Baudouindementen 13860 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog