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Bite Me !

Publié le 02 juillet 2012 par Lauramaz @LauraMaz

Bite Me !Depuis quelques années, vampires, loup-garous et autres succubes ont envahis nos écrans. Même si la fascination du téléspectateur pour les créatures de la nuit ne date pas d’hier, le succès mondial de Twilight a remis le genre au goût du jour. Jusque là seules les teen séries surfaient sur le phénomène. Faut dire qu’un vampire, c’est un peu comme un ado. Il ne dort pas la nuit, il se croit immortel et il a la libido d’un lapin au printemps. Ces séries ont fini par faire des vampires des objets de marketing stéréotypés, des mannequins inoffensifs et imberbes au teint un peu palot qui symbolisent le désir et l’amour impossible. Dans ce dédale de canines, toutes ne sont pourtant pas à mettre dans le même cercueil. De Buffy à True Blood croc-quis de ces séries immortelles.

Vampire Diaries, Moonlight, The Gates, Blood Ties, Vampire High les séries adaptées ou non de romans issus de la bit lit 1 font les beaux jours des chaines ados comme CW. Dans la lignée de Buffy, toutes ces séries mettent en scène des vampires qui vivent parmi nous mais cachent leur véritable nature. Ils tombent amoureux de mortelles (car le vampire de série est hétérosexuel) mais peuvent rarement consommer leur amour pour diverses raisons, perte de leur âme quand ils en ont une ou peur de blesser l’être aimé en lui faisant des bleus. Souvent le vampire héros de série s’en veut du mal que sa race  fait aux humains et a choisi d’être « végétarien » en se contentant de boire du sang animal, qui est moins bon pour lui mais tellement meilleur pour sa conscience parce que contrairement aux autres, il en a souvent une. Si Edward (Robert Pattison -Twilight) ou Stephan (Paul Wesley -The Vampire Diairies) sont aussi jolis à regarder qu’Angel (David Boreanaz – Buffy) et comme lui incarnent le désir interdit, ils manquent de profondeur et de noirceur. Ces séries s’adressant à des cibles jeunes, elles sont priées d’y aller mollo sur la bagatelle et la violence. Elles ont aseptisé leur univers au maximum et ont réduit quasi à néant la dimension symbolique liée aux vampires. Deux, pourtant sortent du lot. Buffy The Vampire Slayer de Joss Whedon qui a été la première à humaniser les vampires et True Blood d’Alan Ball qui ouvre le monde des suceurs de sang aux adultes.

Buffy, the chosen one 2. Quand on parle de vampires, c’est LA série qui nous vient à l’esprit. Parce que c’est la première à avoir humaniser les vampires et à les intégrer à la société moderne. Exit les grands châteaux roumains, les capes bicolores et la gomina, le vampire est désormais beau gosse, super looké et réchauffe ses poches de sang au micro-onde. Mais la série de Joss Whedon est bien moins superficielle qu’on ne le croit. Si à ces débuts c’est une série ado légère, le ton va vite se faire grave et plus sombre. Le monde des créatures de la nuit est une métaphore de l’univers des adolescents avec ses tourments et ses questionnements sur le sexe, la mort, la relation aux autres et la difficulté du passage de l’enfance à l’âge adulte. En confrontant ses personnages aux vampires et autres démons qui ne vivent que la nuit, les auteurs de Buffy jouent en permanence avec la dualité de l’ombre et de la lumière, comme allégorie du bien et du mal et des sentiments contradictoires qui nous tiraillent à l’adolescence. Joss Whedon s’est approprié les codes des films d’horreur et les a inversé. Buffy (Sarah Michelle Gellar), la pom-pom girl superficielle et insignifiante qui serait morte dans les 10 premières minutes d’un slasher movie (ce sera le cas d’ailleurs pour la comédienne dans Scream 2 ou Souviens-toi l’été dernier) s’avère être une tueuse redoutable responsable de la sécurité de ses pairs et du Monde. Elle veut vivre une vie normale mais ses pouvoirs uniques la rappellent toujours à ses devoirs. « With great power comes great responsibility »3 comme on dit dans Spiderman. A l’instar d’autres personnages de la série, elle devra embrasser cet aspect de sa personnalité qu’elle n’exprimait que la nuit et/ou en secret pour devenir adulte. Le personnage de Willow (Alyson Hannigan), la meilleure amie de Buffy est sans doute le plus complexe et le plus ancré dans la réalité des adolescents. Au début, elle n’est que le faire-valoir de l’héroïne, elle sacrifie ses désirs et ses ambitions au profit de ceux de ses amis. L’image qu’elle donne d’elle-même devenant de plus en plus contradictoire avec ce qu’elle ressent et ce qu’elle est intimement, c’est dans la violence que sa véritable identité va éclater. Submergée par sa douleur intérieure, elle devient une sorcière violente, éprise de vengeance et accro à la magie noire. Cette dualité s’exprime chez les vampires dans l’opposition Angel/ Spike. Angel a une âme (c’est un sort jeté pour le punir de ses crimes) et comme la conscience n’est pas vraiment compatible avec ses canines rétractables, elle le tourmente en permanence, lui rappelant qu’il est un monstre, pas un homme. Il incarne le parfait héros romantique. Mais libéré de son âme après avoir gouté à un instant de bonheur (un orgasme, métaphore quand tu nous tiens !), il deviendra le pire des monstres que la Tueuse aura à affronter. Spike (James Marsters) à l’inverse est plus primaire. C’est un vampire cruel qui n’écoute que son instinct de tueur, qui n’a pas de conscience morale et qui assume pleinement son inhumanité. Quand à son tour, il sera incapable de tuer (à la suite d’une expérience), il deviendra un allié et découvrira en lui des sentiments humains qui le plongeront également dans des abîmes de douleur. L’un contre l’autre ne peuvent lutter contre leur instinct de tueur sans artifice. Si le vampire est quasi humain, il reste un prédateur pour l’homme puisque sa survie en dépend. La série pose la question de la Nature contre la conscience. Peut-on lutter contre son instinct ? Dix ans après Buffy, Alan Ball tente, entre autres de répondre à cette question dans True Blood.

Le coffin-out des vampires4. Deux ans après que des scientifiques japonais aient mis au point du sang synthétique, vendu sous la marque Tru Blood, les vampires vivent au milieu des humains sans se cacher puisqu’ils n’ont plus besoin de tuer pour se nourrir. Si Alan Ball se défend de n’avoir jamais vu Buffy, Charlaine Harris, auteur de La communauté du Sud dont la série est une adaptation, avoue être  fan et les personnages qu’elle a créé sont très proches de ceux de Joss Whedon. Sookie (Anna Paquin) petite blondinette doté de pouvoirs télépathiques qui comme Buffy se pose des questions sur sa véritable nature et son attirance pour les vampires, Bill (Stephen Moyer) le vampire torturé par ses exactions faisant boire son sang à sa belle pour la sauver, nous rappelle Angel le tourmenté et ne parlons pas d’Eric (Alexander Skarsgård) qui est la copie conforme de Spike (James Marsters a d’ailleurs failli incarner le rôle).  Mais la série va plus loin que sa grande sœur de sang. Elle introduit une grande nouveauté dans le mythe des descendants de Dracula. La perspective politique. En abordant les vampires en tant que communauté, Alan Ball en fait une minorité, comme les autres qui tente de s’intégrer et d’acquérir l’égalité des droits. La série se déroule à Bon Temps, petite ville de Louisiane où rien de ne semble avoir changé depuis 200 ans et où tension raciale et intégrisme religieux sont omniprésents. Comme les afro-américains et les gays avant eux, les vampires doivent désormais faire face à la bigoterie et à la haine de l’Autre. En plein débat sur le mariage homosexuel, les références sont nombreuses pour pointer du doigt la discrimination dont est victime la communauté gay aux Etats-Unis. Le générique d’ouverture, magistralement réalisé par la même agence que ceux de Six Feet Under et Dexter, enchaine des images de lutte des minorités, de fanatisme religieux, de violence et de sexe dans l’ambiance moite du sud américain. Un panneau affiche le slogan « God Hates Fangs »5 référence directe à l’organisation religieuse du Kansas God Hates Fags 6, le décor est posé, couchez les enfants, ça va saigner. Considérée comme la série la plus gay-friendly, elle compte 6 personnages gays récurrents dont un couple de vampires (hommes, enfin !). L’autre originalité de la série, c’est d’avoir donner aux humains l’obsession du sang des vampires. Car le V-Juice qui coulent dans leurs veines est une drogue puissante et hautement aphrodisiaque dont les hommes raffolent. A mi-chemin entre le Crystal meth et le viagra, elle est très recherchée et les saignées de vampires peuvent rapporter des milliers de dollars. Dans cette coexistence fragile dans laquelle les deux races se sentent menacées l’une par l’autre, les vampires ne sont pas toujours très enthousiastes à l’idée de vivre au grand jour, en pleine nuit. Mais on ne va pas se mentir si ces séries plaisent autant au public, c’est pour d’autres raisons que la lutte pour les droits civiques ou la métaphore des angoisses humaines.

Let’s talk about sex. Pas besoin d’une licence de psycho pour voir la métaphore sexuelle dans la morsure du vampire. Le mythe est lié au sexe et à l’amoralité. Jusque là la charge érotique était enrobée de romantisme pour ne pas choquer les consciences. Mais sur HBO, tout est permis. True Blood joue la carte de l’érotisme cru, qui confine parfois au porno. Car l’attribut du vampire mis en avant est sa libido débridée. Son sang aphrodisiaque lui confère des qualités animales et le délivre de toute forme de tabou. Dans True Blood, le rapport au sexe est principalement féminin. Les hommes menacés par l’hypersexualité des vampires tendent à rejeter celles qui ont cédé la tentation en les traitant de fangbangers7 ou ont recours au V-Juice pour rivaliser. Alors que les femmes assument plus facilement leur attirance pour eux et sont plus enclines à vouloir repousser les limites de leur sexualité jusqu’à se faire mordre pendant l’acte sexuel. Cette pratique considérée comme l’ultime dépravation met en danger l’humain car la vue du sang provoque chez le vampire un réflexe animal qui peut conduire au meurtre. Cet appétit féroce et insatiable, mêlant sexe et mort, à la fois effrayant et attirant, nous ramène à notre animalité, à nos instincts bestiaux et à nos désirs morbides. Sexe sans sentiment, coït bestial, quête d’identité sexuelle, la série explore le désir et la sexualité féminins sans tabou et sous un angle inédit jusque là. C’est du lady porn qui s’adresse à tous comme le dit Alan Ball lui-même. Avec humour et profondeur, sans jamais tomber dans les clichés ou les excès, le créateur de Six Feet Under est parvenu une fois de plus à créer une série inclassable vouée à devenir culte. Servies par un casting pas désagréable pour les yeux, les scènes de sexe  ne sont pas toujours nécessaires au récit mais la ménagère ne s’en plaindra pas. C’est quand même normal que les histoires de vampire se finissent au pieu.


1 Contraction de to bite, mordre et littérature.

2 L’élue.

3 « Un grand pouvoir amène de grandes responsabilités. »

4 Coffin : Cerceuil.

5 « Dieu hait les crocs »

6  Dieu hait les pédés

7 Fang : Croc – To Bang : Baiser



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