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Patricia Laranco.

Par Ananda

LES LIEUX DENSES.

Les vieilles maisons abandonnées et les pièces peu fréquentées, laissées longtemps à elles-mêmes, sursautent à la moindre visite.

Elles sont comme les sous-bois déserts de l’hiver, elles n’aiment guère qu’on agresse leur silence sidéral.

Leur immobilité est aussi lourde, aussi sacrée que celle d’un temple.

C’est peut-être ce qui a fait naître la légende des lieux « hantés ».

Car les lieux se désaccoutument vite de la vive présence de la vie humaine.

Une fois que cette dernière a reflué au loin telle une marée, ils s’endorment, s’encoconnent peu à peu dans la pesanteur pâteuse des objets fixes et le revêtement de la poussière, qui semblent retenir le temps. Ils s’ankylosent et tournent le dos à l’évolution, à la mobilité du monde. Ils exhalent une odeur touffue de repos, de clair-obscur, d’abandon, de moisissure, de poussière, d’accumulation d’entropie. Le lent travail de la décrépitude y devient une cérémonie secrète.

Quand on les visite, on se fait l’effet d’agir en voyeur, en violeur. Et on les sent, bien sûr, se crisper, se cabrer instantanément. Le regard qui les balaye malgré eux reste irrémédiablement étranger.

La légère chair-de-poule qui se dresse sur la peau du visiteur et la parcourt est une réponse plus ou moins consciente à leur réaction à peine perceptible (mais cependant – quel paradoxe- au combien lourde, voire écrasante) de refus.

Qui sait ? Peut-être y bousculons-nous, sans le savoir, tout un remue-ménage poudreux, soyeux d’ « esprits », d’ectoplasmes qui nous frôlent, nous jaugent ?

Ces endroits ont figé, emprisonné en eux la trace du passé. Leur raison d’être est devenue celle d’en CONSERVER, d’en épaissir, contre vents et marées, l’ambiance. Leur ankylosement est particulièrement opaque, têtu.

A eux seuls, ils sont un monde. Un monde clos, fermé sur lui-même.

Chaque bruit, chaque esquisse de mouvement, chaque semblant de rayon de lumière en provenance d’ailleurs, du dehors d’eux leur fait violence en ce qu’il ou elle les réveille de leur sommeil de vieillard jouissant d’un repos bien mérité.

On devrait réfléchir plutôt deux fois qu’une à cela en franchissant leurs seuils et en se permettant de déverrouiller sans ménagement leurs fenêtres.

Car on ne met pas impunément fin à une telle densité.

Patricia Laranco.

Texte et photo : P. Laranco.


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