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La France doit-elle lancer son Google ? Les députés disent oui !

Publié le 14 novembre 2012 par H16

Comme l’actualité déchaîne ses vents violents sur la politique politicienne et l’équipe de moussaillons de pédalos de François Hollande, point n’est besoin de s’acharner sur les pauvrets qui se débattent minablement. Aujourd’hui, intéressons-nous plutôt à un vrai projet d’envergure pour la France, qui est, je vous le rappelle, un phare du monde moderne avec son néon lumineux « Ouvert en semaine de 10:00 à 12:00 et de 14:00 à 16:30 sauf le mercredi après-midi ».

A l’heure où les députés se penchent en détail sur la fiscalité française pour l’alléger la rendre compétitive rivaliser avec les Suisses bastonner les sociétés qui ont des thunes afin de remplir le tonneau des Danaïdes étatiques, et se concentrent notamment sur Google pour lui faire cracher de précieux milliards d’euros, les petits malins de Streetpress se sont proposés d’aller interroger nos élus afin de savoir s’ils étaient pour ou contre une belle grosse initiative française voire européenne (et donc très coûteuse) pour réaliser un moteur de recherche « à la Google », mais sur fonds locaux, pour se départir enfin de l’hégémonie américaine.

Comme on le sait en effet, Google, c’est à la fois américain, Big Brother et omnipotent, c’est une évidence. Proposer au législateur d’impulser, par un furieux coup de rein budgétaire, le gouvernement pour qu’il se lance dans la recherche sur internet, c’est un pas salutaire vers l’indépendance et, aussi, ne l’oublions pas, la Grandeur de la France, et ♪ envoyez la Marseillaise ♫ !

Ici, je dis « petits malins de Streetpress » parce que nos reporters ont été, il faut bien le dire, un tantinet taquins : en réalité, le projet, européen, existe déjà, a déjà coûté un pont, et c’est déjà un échec. Par exemple, on pourrait parler d’Exalead ou de Quaero, qui sont, comme vous le savez sans aucun doute, des réussites retentissantes dans la catégorie « Argent Du Contribuable Dans la Popoche d’Un PDG », mais qui, sur le plan de la notoriété Web, sont à peu près inconnus et qui ont bien du mal à se comparer, même de loin et dans une pièce sombre, à Google.

Pourtant, Exalead a été fondé en 2000, plus de dix ans donc, et est bien franco-franchouille puisque détenu par Dassault. Pourtant, Quaero est bien un projet européen financé à 99 millions d’euros par la France en mars 2008 ; d’ailleurs, on trouve encore de touchants articles de presse qui expliquent l’ambition derrière le cramage de pognon citoyen, avec même le soutien du président de la République de l’époque, à savoir Jacques Chirac, ce qui ne nous rajeunit pas.

Bref, ces deux moteurs ont normalement eu largement le temps de se faire connaître — notamment auprès des députés, sachant que la Présidence a soutenu le bazar, hein, quoi, bon ! — et de donner aux internautes toute la puissance de leur savoir-faire. D’ailleurs, cherchez « libéralisme » dans Exalead et comparez avec les retours de Google, c’est rigolo et parfaitement symptomatique de la choucroute grasse et roborative dans laquelle pédalent les initiatives françaises.

Eh bien malgré cet état des lieux pourtant très éclairant, voici le résultat de l’interview menée par Streepress. Cela date du 31 octobre 2012, ce n’est pas une vieille interview d’il y a 10 ans, c’est du frais, du pertinent, du qui sent bon le truc d’actualité avec du lourd et même du député qui envoie du steak :

Ici, je me dois de citer J-F. Poisson, député UMP de la Manche, qui méritera largement de perdre son poste lors des prochaines élections législatives ; ce clown nous explique donc (à 2:14), parlant du projet de moteur de recherche que la France devrait lancer …

« On pourrait l’appeler Médor, lui donner un nom de chien de chasse »

Logo lycosMoi, je proposerai bien « Lycos », comme nom, avec un slogan du genre « Lycos, va chercher » ou un truc du style, mais après tout, je ne suis pas élu du peuple. Pour parfaire le tableau, ajoutons que le même député nous parle sans honte du Plan Calcul du général de Gaulle en vantant ses mérites et en regrettant que la France ne soit pas allée jusqu’au bout de la logique de ce bidule qui propulsa le pays 20 ans en arrière, en pavant la voie à un Minitel qui aura durablement ralenti la pénétration d’internet. Sans vouloir m’étendre plus sur la douloureuse constatation d’une parfaite incompétence de nos élus sur la question des nouvelles technologies, je ne peux cependant pas m’empêcher de me demander quelle compulsion atavique a poussé le député à répondre à des questions auxquelles il n’entendait que pouic…

petit facepalmNotons au passage la réponse (à 2:36) de la député PS de l'Héraut, A-Y Le Dain, qui propose quant à elle "Froogle", qui ne manque pas d'humour mais mérite tout de même un petit facepalm de circonstance.

Cette propension à ouvrir sa bouche pour lui faire excréter la première idiotie qui passe par là serait-elle un trait de caractère général de nos politiciens ? À lire les autres interventions, on ne peut aboutir qu’à une conclusion positive.

Par exemple, si on prend celle de Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche, on entend que :

« Google aujourd’hui c’est Big Brother. Concrètement il peut modifier culturellement l’histoire de l’humanité. On imagine demain que Google décide que ce ne soit pas Leonard de Vinci qui ait écrit tel ou tel livre mais Jean-Louis Patatin… »

Facepalm

Il est parfois difficile de rassembler la force et l’argumentaire dans le bon ordre pour répondre à des objections dont le niveau de WTF atteint largement 12 (échelle logarithmique ouverte). D’une part, on voit mal comment un moteur qui rapporterait des réponses si évidemment fausses pourrait tenir la distance face à n’importe quel concurrent qui, lui, apporterait une réponse correcte. On voit mal d’autre part comment des publicitaires et des agences de communications pourraient vouloir acheter des espaces sur le moteur en question avec tous les risques de se voir associés avec autant de médiocrité. Et surtout, on voit mal pourquoi Google commencerait à bidouiller les résultats qu’il rapporte alors qu’il n’est, en définitive, qu’un indexeur d’informations qu’il ne produit pas lui-même. Ici, il va de soi que le député, complètement à la ramasse, confond allègrement l’indexeur avec l’encyclopédie participative Wikipédia. On lui pardonnera : il n’a probablement jamais relevé ses mails tout seul, le brave petit, l’internet est sans aucun doute pour lui un vaste gloubiboulga d’opportunités amusantes pour un peu de porno gratuit et des interventions étatiques absurdes.

En réalité, l’effervescence positive des députés aux questions de Streetpress est parfaitement résumée par l’intervention du patelin Myard, député UMP des Yvelines, qui déclare, sans la moindre douleur puisqu’il a été hontectomisé très jeune :

« On a intérêt à mettre au point un système de recherche sous le contrôle des tribunaux français (…) J’ai toujours pensé qu’il y avait un problème avec le fait que la toile soit complètement dans la main des Américains. »

Facepalm

Je passe rapidement sur l’anti-américanisme à deux balles, caractéristique d’une partie des députés qui n’existeraient pas sans se dresser ponctuellement sur leurs ergots républicains franchouillards, pour m’attarder en revanche sur le reste de l’argument, qui, outre une méconnaissance habituelle du sujet, montre surtout un désir viscéral, anal même, pathologique pour tout dire (et répété en ce qui concerne ce député en particulier) de contrôler internet.

Derrière la question de Streetpress de savoir si la France devait se doter d’un outil de recherche performant sur internet se cache en réalité la question du contrôle internet, panneau dans lequel sont très généralement tombés les élus ; le législateur ne peut pas, en effet, souffrir une seconde que son action puisse être amoindrie dans quelque domaine que ce soit. Et même si le fait qu’internet soit déjà massivement régulé, même si, à l’évidence, les bénéfices rendus par la toile sont monstrueusement plus grands que les problèmes qu’elle provoque, ces petits parasites du commerce et de la communication entre les individus ne peuvent pas supporter une seconde qu’on puisse, purement et simplement, se passer d’eux. Pour eux, un monde dans lequel les tribunaux de la république et la juridiction de l’état n’ont pas cours est une abomination dans laquelle ils n’ont plus aucun pouvoir.

Oui, les députés désirent ardemment un outil français de recherche sur internet, pas pour des raisons de rayonnement culturel, pas pour d’obscurs soucis de qualité, mais bien pour d’évidente questions de pouvoir qu’ils sentent s’échapper de leurs grosses mains potelées.



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