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Election 1 et 2

Par Kinopitheque12

Johnnie To, 2005 et 2006 (Hong Kong)

Election 1 et 2

IL FAUT TOUJOURS CHOISIR

Lok et Jimmy poursuivent avec ténacité la même illusion : celle d’accéder un jour à la liberté du pouvoir absolu. Dans la mafia chinoise comme dans les cercles politiques, celui qui s’impose avec force et stratégie s’assure de la victoire mais ne reste jamais bien longtemps à l’abri. À travers le diptyque Election, Johnnie To nous peint avec minutie l’ascension tumultueuse de deux candidats teigneux à la tête d’une triade hongkongaise.

Avec le premier volet, Johnnie To plante le décor de sa fable mafieuse : un ballet de faux-semblants où les favoris se tirent dans les pattes pour accéder au statut de chef d’orchestre. Premier acte longuet, dans lequel il révèle le fonctionnement ancestral et les rouages d’une fraternité qui obéit aux lois du marché actuel. Drogue, prostitution, pornographie et grands travaux sont désormais les jouets avec lesquels les truands occupent leur temps. « Dominer le business », relève de l’extase semble-t-il… À voir, puisque l’argent n’est qu’un prétexte. Il y a toujours plus gros requin que soi et c’est bien cela qui les gêne.

« Préfères-tu l’or à tes frères ? », c’est ce que l’on entend à plusieurs reprises dans Election 1 car dans la triade, la fidélité surpasse tout. Mais cachez un sceptre à tête de dragon et ces gangsters se manipulent sans vergogne. Pour être respecté, rien de tel que de mettre à terre ses adversaires ou de renflouer leur porte-monnaie. Mais encore faut-il vouloir être chef et savoir ce que l’on désire le plus.

Election 1 et 2

Avec Election 2, Johnnie To choisit les éclats de violences mais n’offre pas d’attirail meurtrier dernier cri à ses gangsters. Les coups de feu sont donc mis de côté pour laisser place aux coups de griffes. Résultat, une ribambelle de joyeuses séances de torture, traitées crûment mais sans exagération. Lorsque petits voyous et gros bonnets jouent aux démocrates, cela se termine bien souvent par un triste choix : finir en chair à saucisse dans un chenil ou en petit caillou dans l’océan.

Par la violence, Johnnie To évoque de manière encore plus complexe ce qui anime ce monde d’hommes, gouverné par la loi du plus fort. Il décrit également avec justesse les promesses nocturnes que l’on ne tient plus le jour venu, car être élu ce n’est pas être libre de tout mais devenir dépendant des autres. Election 2 est finalement une montée en puissance permise par la monotonie d’Election 1 et c’est assez jouissif.
Le mieux finalement, c’est d’oublier les noms et l’intrigue. Ce diptyque en deux tableaux est une fresque : celle d’une grande tablée où les anciens parlementent tranquillement en buvant du thé tandis que des frères s’entretuent sous leurs yeux. Johnnie To réalise des portraits mêlés plus que des scènes de genre. Il nous rappelle, par petites touches, que les loubards évoluent bel et bien dans la réalité. Il y a alors un intérêt quasi anthropologique à observer ces individus obnubilés par le désir de s’affranchir de tout et de tous.

Johnnie To choisit un contexte qui ne séduira pas tout le monde mais la fable reste tout de même bien tournée : entre se condamner ou se libérer, il faut choisir ! Les amateurs du genre seront certainement satisfaits de cette immersion étouffante dans le milieu de la pègre. Les autres resteront déçus de ne pas en voir plus sur les rapports qu’entretiennent ces mafieux avec le « dehors ». Deux plongées dans la noirceur qui usent des mêmes ficelles mais demeurent tout de même hypnotisantes.

Léa Jagut pour Preview
en partenariat avec La Kinopithèque pour la 34e édition du Festival des 3 Continents

Election 1 et 2


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