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Quelles suites pour notre système monétaire ?

Publié le 23 novembre 2012 par Francisrichard @francisrichard

Echec euroTelle était le titre de la conférence organisée à Genève, mercredi soir 21 novembre 2012, par l’Institut Libéral

A cette question ont répondu deux intervenants, Philippe Simonnot et Pierre Leconte, qui ont traité chacun un thème connexe.

Philippe Simonnot, économiste, co-auteur de La monnaie, histoire d’une imposture, a montré dans sa communication que la manipulation monétaire était à la source des crises.

Qu’est-ce que la monnaie? La monnaie est à l’origine une marchandise, qui facilite l’échange volontaire entre deux parties qui y gagnent.

En l’absence de monnaie, plus le nombre de marchandises augmente, plus le nombre de prix nécessaires pour les valoriser entre elles, et les échanger, augmente. Ainsi l’échange de 100 marchandises nécessite-t-il la fixation de 4'050 prix. En présence de monnaie, chaque marchandise a son prix. Il suffit donc alors de fixer 100 prix. Ce qui correspond à la loi humaine du moindre effort…

Quelles sont les qualités requises pour une monnaie? La facilité de transport, la sécurité, la divisibilité, la conservation de valeur à travers le temps.

Très naturellement, et très spontanément, les métaux précieux, qui ont ces quatre qualités, ont joué le rôle de monnaie-marchandise. Il n’y a pas eu besoin d’intervention de l’Etat pour ce faire, sinon, éventuellement, pour certifier leur aloi, comme peuvent être certifiés par lui les poids et les mesures.

Dans le cas des poids et mesures, l’intervention de l’Etat est bénéfique parce qu’ils ne sont pas facilement modifiables, tandis que, dans le cas de la monnaie, celle-ci étant modifiable à l’envi, elle peut ne pas l’être du tout. Car, la tentation est grande pour l’Etat de succomber au vice de modifier l’aloi, ce à quoi il s’est adonné sans vergogne quand il s’est finalement approprié la monnaie.

La monnaie-marchandise – c’est-à-dire les métaux précieux –, a été remplacée par de la monnaie de banque. A ce sujet, parmi les partisans de l’économie de marché, il y a deux écoles qui s’affrontent: celle qui défend les réserves à 100% et celle qui défend les réserves fractionnaires.

Dans le cas de 100% de réserves, les dépôts sont disponibles à tout instant, ce qui empêche toute utilisation frauduleuse, mais pose la question du paiement du service bancaire. Cette école s’inscrit dans la tradition du droit romain.

Dans le cas des réserves fractionnaires, les banquiers créent plus de monnaie qu’il n’y a de réserves. Les banquiers gagnent de l’argent et disposent d’un pouvoir explosif. Cette tradition remonte aux banquiers juifs et s’inscrit dans celle du talmud.

Le principal défaut de cette dernière école est que la concurrence aboutit à des oligopoles qui, étant de plus en plus gros, peuvent faire appel aux banques centrales, organismes étatiques, pour se refinancer. Se pose alors la question posée par Juvénal en son temps: qui garde le gardien? Autrement dit, qui empêche les banques centrales de créer de la monnaie indéfiniment ?

En matière monétaire le seul gardien possible est l’or. Il a été progressivement abandonné. En 1914 les gens ont pris peur et ont réclamé leur or et, en conséquence, l’étalon-or a été suspendu. A partir de là, par étapes successives – Gênes en 1922 et Bretton Woods en 1944 –, l’or a peu à peu perdu son rôle de gardien qui empêchait les crises.

Le 15 août 1971, la décision unilatérale de Richard Nixon de non convertibilité du dollar en or a parachevé la suppression de ce gardien, ouvrant la voie à toutes les crises qui ont suivi.

De Napoléon à la guerre de 1914 le franc français n’avait pas bougé. A partir de 1914 jusqu’à sa disparition, il a perdu 99,99% de sa valeur…

Pierre Leconte, président du Forum monétaire de Genève, dans sa communication, a expliqué pourquoi l’euro a échoué [la photo ci-dessus provient d'ici].

Selon lui il y a cinq niveaux d’explication:

-   L’euro n’a pas une qualité supérieure aux monnaies nationales: on est passé d’un monopole étatique au niveau national à un monopole étatique au niveau supranational;

-   La convergence entre les pays de la zone euro n’a pas eu lieu, que ce soit au niveau macro-économique ou au niveau micro-économique;

-   La zone euro n’a pas un caractère optimal;

-   La construction européenne n’est pas plus démocratique qu’auparavant, au contraire;

-   L’euro ne fait pas le poids dans la concurrence avec le dollar (62% des réserves des banques centrales sont libellés en dollars, 24% en euros).

La construction européenne a échoué parce que les technocrates à la tête de l’UE ont dissimulé aux peuples que leur objectif réel était de créer un Etat supranational et parce qu’il s’agissait d’une construction constructiviste: ils pensaient se servir de l’union monétaire pour aboutir à l’union politique (et ils le pensent toujours).

Les hommes politiques comme Charles de Gaulle avaient opté pour une coopération intergouvernementale et le maintien des monnaies nationales. Au lieu de cela les hommes politiques européens ont préféré opter pour une intégration forcée.

De cette intégration forcée il est résulté une confiscation des processus démocratiques – comme les peuples ne veulent pas de cette intégration, on ne les consulte plus –, et une régression sociale – dans certains pays le taux de chômage atteint 25 à 30%.

Les pays faibles de la zone euro ont, comme les autres pays de la zone, emprunté de manière colossale, l’argent étant créé sans frein par les banques centrales. Les critères de Maastricht n’ont été respectés par aucun de ces pays. Comme monnaie unique ne signifie pas taux uniques, les difficultés ont finalement grandi pour les pays les moins crédibles, qui s’étaient jusque-là comportés en passagers clandestins.

Au sein de cette construction forcée, les pays les moins touchés veulent de moins en moins venir au secours des plus touchés. Cela se passe de même à l’intérieur des pays entre régions plus ou moins riches. La mutualisation des dettes y est par conséquent impossible, de même que les transferts. Les divergences économiques ne permettent pas non plus d’union fiscale qui serait refusée par les pays les plus vertueux et qui serait pourtant indispensable à une union monétaire.

Des économistes qui ne sont pas libéraux, tels que Jacques Sapir, en viennent à dire que la fin de l’euro ne serait pas un drame…

Alors, comment en sortir?

Il faudrait ne pas oublier que, quand il n’y a pas liberté monétaire, il n’y a pas non plus de liberté économique, ni de liberté politique.

Il faudrait redonner à l’or son rôle de monnaie, et de gardien, non pas en fixant des parités à la faveur d’une conférence monétaire, qui n’aura jamais lieu, mais en faisant le pari du marché pour les déterminer.

L’annulation du cours légal de la monnaie et la suppression de la taxe fiscale sur l’or devraient alors permettre l’éclosion d’une concurrence des monnaies jusqu’ici taboue, où les banques aux réserves à 100% pourraient bien, par le marché, prendre l’avantage sur les autres.

Francis Richard

Publication commune avec lesobservateurs.ch


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