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Cette soirée, l’éternité, avec le Père Zanotti-Sorkine

Publié le 03 décembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Il n’a pas paru m’entendre. Mais quelques instants plus tard, sa main s’est posée sur la mienne, tandis que son regard me faisait nettement signe d’approcher mon oreille de sa bouche. Il a prononcé alors distinctement, bien qu’avec une extrême lenteur, ces mots que je suis sûr de rapporter très exactement : « Qu’est-ce que cela fait ? Tout est grâce. »

Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne.

Jeudi 29 novembre 2012, 18H00, La Procure, Paris.

 zanottiTrônant sur les étagères de la prestigieuse librairie, les Bernanos, Bloy, Claudel ou, allons-y, Guitry, Cocteau et bien d’autres, examinaient,  pris d’une jalousie aimante, ce singulier disciple en soutane venu exceptionnellement de sa paroisse de Marseille, Saint Vincent de Paul, afin de présenter ses deux livres, Au diable la tiédeur, véritable succès (15 000 exemplaires vendus à ce jour) à faire rougir son col romain et le tout récent Croire qui, en deux semaines depuis sa parution, a atteint les 7 000 ventes.

Entre deux sons de cloche de l’église Saint-Sulpice située non loin de là, il semblait qu’un rideau se levait devant tous ces êtres installés là, désireux d’écouter le père Michel-Marie Zanotti Sorkine, debout et en scène. Au rayon Littérature française, on pouvait feuilleter Là-Bas de Huysmans et tomber sur cette phrase qui résumerait l’événement : « C’était tout à la fois hors de portée et à ras du sol. »

A ras du sol, oui, où, avant même d’ouvrir la bouche, le père commença à distribuer des chocolats, en veux-tu, en voilà, à ses enfants d’un bout de paradis, assis, debout, qu’importe, l’esprit en éveil, des anciens jusqu’aux plus petits, comme autour d’un bon feu de Dieu.

Après avoir publié en octobre dernier Au diable la tiédeur, un brûlot alerte et grave sur la situation sociale du christianisme, le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine nous revient avec Croire – Questions éternelles, réponses actuelles, petit traité de pensée vivante, digne du talon marial écrasant la raison conceptuelle du roi des sophistes, le grand enfumeur devant l’Eternel, satan.

Dans ce combat du Verbe contre le verbalisme, ce marathonien du Christ ose se frotter aux éternelles questions que le christianisme a dû affronter au cours des siècles et qui continuent de travailler bien des théologiens : Peut-on être heureux sans recourir au divin ? Y a-t-il un Dieu ? Si Dieu existe vraiment et qu’il est amour, comment peut-il permettre la présence du mal sur la terre et de la souffrance dans nos vies ?

Cette soirée, l’éternité, avec le Père Zanotti-Sorkine

Présent à ses côtés et présidant la soirée, François Maillot, en qui nous saluons l’exquise bienveillance en lui assurant de notre prière, nous prévenait dans son élégante préface :

« Il sera question ici d’amour. Pas de morale, car la foi dans le Christ n’est pas une morale. » (p.10)

Avec une simplicité fulgurante, le père réussit ce pari fou de répondre en 100 pages aux problèmes de notre temps asphyxié d’absurde et de nihilisme cynique. Si l’essentiel du message du Christ est « de recréer l’homme à son image », le livre nous invite à la conquête du surnaturel, lequel n’est ni joie factice, ni pose mondaine esthétisante, mais une aventure engageante où

« l’amour est plus grand que ce qui se voit » (p.12)

Ces petits bouts de paradis sont présents au coin de la rue et, sans « sacraliser la route » – ce qui reviendrait à prétendre vivre un bonheur absolu ici et maintenant, « mythe dont il faut se protéger » (p.18) –, nous pouvons créer à notre tour, avec démesure.

S’il est vrai que la modernité confond la licence – l’absence de contraintes –  avec son exact contraire, la liberté – la maîtrise de soi – ces contraintes ne sont en aucun cas des impératifs magiques mais un CHOIX :

« Commence par admirer et tu finiras par adorer. Ouvre les yeux. Sors de toi. » (p.34/35).

Il s’inscrit ainsi dans ce que le grand Claude Tresmontant a nommé l’idéalisme charnel où le spirituel palpite dans le plus banal des quotidiens, royaume du sensible qui réclame une extrême délicatesse. Nous sommes à des années lumières de tous ces snobs intellos qui « se plaisent à secouer les questions en s’écoutant parler » (p.13), enchantés de balayer avec hauteur le « café du commerce » ; il faudra leur rappeler que la plupart des grands écrivains ont tiré leur substantifique moelle en ces lieux vibrants de vérité ordinaire.

Sortir de l’analyse pour recevoir le spectacle de la vie, à la manière de cette petite heure à la Procure qui, en vérité, n’était pas une promotion mais une communion, non un simple entretien mais une authentique prière.

A dix heures, ça grouillait encore de vie, dans l’attente d’une signature. On fermait mais les livres respiraient encore. Aux caisses, on avait terminé depuis longtemps et les employés avaient totalement oublié leur activité en s’étonnant du phénomène : toutes ces rangées pour voir le père, à gauche, à droite, au centre, cela n’en finissait pas, chacun y allait de son attention, sous le regard pétillant de ce tailleur du Christ pour qui « il n’y a pas de prêt-à-porter, il n’y a que du sur-mesure » (p.44)

Il suffisait de le vérifier, lui qui accueillait les visages comme autant de nouvelles notes ; son sourire rayonnant ne trompait pas. Avec lui, pas d’histoires. Impossible de se cacher. D’ailleurs, ce soir-là, il ne parla pas, il s’oublia.

Grâce à un Ave Maria jeté dans le ciel avec improvisation et l’écho providentiel d’un nourrisson en signe de médaille miraculeuse, le vrai secret de la soirée s’éleva en un gigantesque Oremus ; s’il faut accepter l’achèvement du christianisme culturel – la chrétienté – il serait sage de suivre la mission de Marie : plus que jamais, suivre le Christ est une histoire d’amour-action, laquelle exige le « premier pas ». Etre mystique, sans interruption. Voilà le secret. Il ne s’agit pas d’une spiritualité avec son permis de conduire obtenu au bout de deux ans de catéchèse, mais d’une réalité sanctifiante qui se construit pas à pas.

Le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine est tout sauf un fonctionnaire de la foi, c’est un chevalier de Marie qui, par sa présence et sa vie, laisse la Parole nourrir notre silence. C’est Elle et Elle seule la reine dépositaire de la clef qui ne « demande qu’à tourner entre les doigts des hommes [et qu’il] dépose en [nos] cœurs » (p.99).

Déposer sa clef en nos cœurs ; souvenons-nous de la formule. Telle est son écriture. Si ceux qui ont des yeux se refusent à voir, leurs oreilles, elles, n’auront aucune excuse pour ne pas reconnaître cette note sur-naturelle.

En saluant ce « Tout est grâce » de combat, il nous reste à composer, avec lui, la Symphonie Inachevée pour en vivre, intérieurement et sous la peau, ce Salvifique Poème. Croire, les pieds bien sur terre.

Livres

  • De l’amour en éclats, Ad Solem, 2003
  • De sa Part, Douze lettres de saint Dominique écrites post gloriam, Ad Solem, 2005,
  • À l’âge de la Lumière, Dialogue avec la pensée des hommes, avec la collaboration du Père Marie-Dominique Philippe, Ad Solem, 2006
  • La Passion de l’amour, Ad Solem, 2008
  • Cette nuit, l’éternité, Editions de L’Oeuvre, 2010
  • Homme et Prêtre, tourments, lumières, confidences, Ad Solem, 2011
  • Marie, mon secret, conversation avec la Vierge, Liamar International Publishing Group, 2012
  • Au diable la tiédeur, suivi de Petit Traité de l’essentiel, Robert Laffont, 2012
  • Croire, Questions éternelles, réponses actuelles, Editions Artège, Novembre 2012

Chansons

  • Pour l’amour de l’Amour, CD – DVD, 2009
  • Une idée folle, CD, 2011

Site Internet

http://www.delamoureneclats.fr/


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