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Pourquoi le mariage homosexuel est-il de gauche ?

Publié le 05 décembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

La question du pseudo-mariage homosexuel semble traverser les principaux partis. Des élus de gauche voire d’extrême gauche font la grimace, tandis que certains à l’UMP trouvent le projet gouvernemental timoré. On en vient à s’interroger : cette réforme sociétale qui nous agite est-elle de droite ou de gauche ? De Denis Sureau, dans l’Homme Nouveau.  

indiviualisme


La réponse est la suivante : elle est de droite comme de gauche, pourvu que l’on considère cette droite et cette gauche comme des variantes de la même idéologie, celle qui définit la modernité, et qui n’est autre que le libéralisme (mais ce mot est parfois mal compris). De quoi s’agit-il ? D’un individualisme radical. D’une affirmation du moi, d’un ego qui ne voit dans la liberté que la capacité purement négative de ne pas être empêché d’agir par les autres. Elle est la matrice de tous les projets culturels, politiques et économiques qui façonnent notre monde.

Reconstruire (ou plutôt déconstruire) le monde en partant de l’individu libre et souverain, c’est nier que la famille soit la cellule de base de la société. Si la famille peut avoir une utilité, celle-ci ne peut être que relative au projet de chacun, et donc provisoire. Elle ne peut résulter que d’un contrat, puisque le contrat est le seul mode de relation envisageable par nos modernes. Mais le contrat social doit être avantageux pour chacune des parties. Et révocable.

Aucune référence à la « nature », à la « loi naturelle » n’a ici de pertinence : pour nos modernes l’homme n’est qu’un être de culture, et la culture ne renvoie pas à quelque chose qui en serait son fondement. Tout ce qui risque d’entraver mon épanouissement (lois, traditions, règles…) doit être tenu en suspicion, voire disparaître. C’est pourquoi le christianisme, qui enseigne que l’homme a une finalité et que la liberté n’a de sens que par rapport à cette finalité, est l’ennemi majeur : « Écrasez l’infâme », disait Voltaire.

L’homme, cette « machine désirante » (Gilles Deleuze), est cet homo œconomicus, homo consumans du libéralisme économique. Il doit être libre de ne pas être empêché de s’enrichir. D’où la dérégulation des économies, la destruction des limites (normes, frontières, législations protectrices…). La société n’existe pas (Margaret Thatcher), la justice sociale est un mirage (Friedrich Hayek). Mais nos socialistes qui poussent à bon droit des cris d’orfraie face à « l’horreur économique » ­comprennent-ils qu’ils en partagent la substance lorsqu’ils s’en prennent à la dérégulation morale de la vie, lorsqu’ils décrètent l’avortement gratuit pour tous, le droit à l’euthanasie et les manipulations mortifères des embryons humains ? Les libéraux de gauche répugnent eux aussi aux limites, aux obligations, aux règles qu’ils considèrent comme autant d’expressions obsolètes d’un obscurantisme moyenâgeux ou d’un dogmatisme intolérant. Dans la revendication homosexuelle, on retrouve cette affirmation du désir sans bornes. Et qu’importe si l’objet de mon désir – l’enfant – est assimilable à un produit que l’on peut acquérir sur le marché de l’adoption. Ce désir d’enfant est d’ailleurs corrélatif de celui de ne pas en avoir : « Un enfant si je veux, quand je veux », hurlaient les harpies féministes. Et la femme enceinte a le pouvoir de définir la nature de l’être qu’elle porte en elle : c’est un enfant s’il correspond à son désir ou au « projet parental », ou c’est une tumeur que l’on peut extraire à tout instant. Aucune loi biologique, physiologique ou psychologique ne doit contraindre ma liberté : c’est mon choix ! Je peux changer de « genre », être homosexuel ou hétéro ou bi, changer de sexe à tout âge, combiner successivement ou simultanément des appartenances à des communautés artificielles et transitoires. La techno-science est mise au service de la fabrication de l’homme artificiel. Dans les éprouvettes naissent les produits humains de demain. Tout comme les flux financiers vont ici et là sur la planète, secouant les structures sociales, délocalisant les usines pour optimiser les coûts salariaux et fiscaux, les flux des désirs individuels ravagent tout, utilisant le concept de discrimination en arme de destruction massive des identités personnelles et collectives. Ce monde de l’anticulture de mort qui représente le stade ultime de l’individualisme est en même temps un univers où ­l’État tend à tout diriger. Et c’est le grand paradoxe de la modernité politique d’exalter à la fois l’homme, ce « tout parfait et solitaire » cher à Rousseau, et le pouvoir étatique : celui-ci est un moyen nécessaire en tant qu’il protège mes droits, et qu’il garantit que les autres ne soient pas plus égaux que moi. Libéralisme et socialisme sont ainsi de véritables frères siamois. Très tôt, les philosophes du libéralisme ont été également des penseurs de l’État et l’ont utilisé contre les formes d’autorité politique traditionnelles. Aujourd’hui encore, nos modernes entendent utiliser l’arsenal législatif pour imposer leur conception du mariage contre ce qui pouvait en rester. La revendication du prétendu mariage homosexuel prend ici tout son sens, et ce sens est radicalement négatif.La vérité se révèle dans l’excès. Il est à souhaiter que la radicalité des combats présents dessille les yeux de ceux qui espéraient encore baptiser l’idéologie moderne.

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Ce billet est extrait d’un numéro de L’Homme Nouveau que vous pouvez commander aux bureaux de l’Homme Nouveau (10 rue Rosenwald, 75015 Paris. Tél. : 01 53 68 99 77, au prix de 4 euros), ou télécharger directement en cliquant sur le lien ci-dessous. Disponible à la boutique de l’H.N.: Journal n°1530 du 24-11-2012 Merci à Belgicatho

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