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Pierrick Pédron extrait la racine Kubik de Monk en trio au Duc des Lombards

Publié le 06 décembre 2012 par Assurbanipal

Pierrick Pédron

Kubic’s Monk

Paris. Le Duc des Lombards.

Mercredi 5 décembre 2012. 22h.

Pierrick Pédron : saxophone alto

Thomas Bramerie : contrebasse

Franck Agulhon : batterie

Toutes les compositions sont l’œuvre de Thelonious Sphere Monk  (1917-1982).

 

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La photographie de Pierrick Pédron est l'oeuvre de l'Evident Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Ca attaque direct. Ce n’est pas « Straight no chaser » mais c’est du Monk. Une mélodie aigre douce, chantante, logique et chaotique. Monsieur H observe que Pierrick Pédron a le cou qui gonfle comme un batracien. Logique pour un Froggy qui joue du Monk. Après ses aventures pop, pop music, Pierrick Pédron revient au Jazz avec son Prophète, Thelonious Monk. Une spectatrice a demandé de la tisane au serveur mais il n’y en a pas. Il est désormais interdit de fumer dans les clubs de Jazz mais de là à y boire de la tisane… Dialogue subtil et énergique entre contrebasse et batterie. La dame privée de tisane se rattrape avec la musique. Elle hoche la tête en mesure, la mine réjouie. Belle chute de verre au bar pour accompagner la fin du morceau. Parfaitement synchrone. Chapeau l’artiste.

Solo de batterie pour introduire le morceau avec les bords de caisse, les cymbales, les tambours. Franck Agulhon sculpteur de sons. Pierrick lance « Ask me now », une superbe ballade de Thelonious Monk mise en chanson sous le titre «  How I wish » par Jon Hendricks (superbe version de Carmen Mac Rae). Le bassiste maintient la pulsation alors que le batteur tintinnabule joyeusement.

Pulsation de la contrebasse reprise par la batterie. Je reconnais le thème mais pas le titre. A côté de Monsieur H, un couple hétérosexuel élégant, riche, quinquagénaire, bavarde à haute voix préférant nous imposer leur conversation que nous laisser écouter la musique. Elle est pourtant belle cette musique, vive, dynamique, toujours neuve. Devant nous, un groupe d’Italiens mieux éduqués dîne en silence. C’était « Evidence », un morceau pas évident à jouer.

« Ugly beauty », un titre qui résume le style de TS Monk.  Une ballade. Monk privilégiait les tempos lents, conscient de ses limites techniques et les cultivant.  Cependant, avec Monk, la ballade n’est jamais tranquille. Même sur tempo lent, il y a des accidents de parcours, voulus bien sûr. J’ai réussi à faire baisser le son aux voisins bavards mais ils n’ont pas l’idée de se taire pour écouter la musique. Sa beauté ne suffit pas à faire cesser leur agaçant babil. Le batteur est aux balais. La contrebasse vibre chaudement. Ah si, ils se taisent après 30mn de concert.

« Skippy ». Le batteur redémarre aux baguettes. Il crée une onde qui nous entoure, nous enveloppe. Il chauffe la machine. Morceau énergique, virevoltant. « Jouer avec Monk, c’est comme entrer dans un ascenseur. L’ascenseur arrive, les portes s’ouvrent, vous faites un pas en avant et il n’y a pas d’ascenseur » (John Coltrane).  Bref, c’est la perte des repères. Monk était autiste et a passé les 10 dernières années de sa vie sans jouer ni parler recueilli par la baronne Pannonica de Koenigswarter à qui  il dédia « Pannonica ». Cette femme extraordinaire mériterait un film. Solo très véloce de contrebasse bien poussé par la batterie.

Un tempo un peu plus lent, avec les hachures typiquement monkiennes. A voir, sur Monk, le plus beau film documentaire sur le Jazz, « Straight no chaser » de Charlotte Zwerin, produit par Clint Eastwood. Accoudé au bar, il y a un papy fan de Monk et du trio. Il grogne, chante, tape dans ses mains. Il est dedans, faisant l’ambiance du public à lui seul. Un larsen preuve supplémentaire de l’inutilité d’un microphone dans un club de cette taille. Surtout que ce soir le concert n’est ni filmé ni enregistré. La preuve, il ne passe pas sur les écrans figurant dans la salle contrairement aux habitudes du Duc des Lombards. Solo très chantant de la contrebasse. Même le batteur est en pause. 

Le batteur lance le débat. Pierrick tape dans ses mains, invitant le public à le rejoindre. Le barman reprend avec quelques spectateurs dont la buveuse de tisane. Dialogue tranquille entre contrebasse et batterie. Les voisins bavards ont repris leur bavardage après 30mn de pause. Joli final decrescendo (pour la musique pas pour le bavardage). 

« Who knows ? ». Un morceau vif, haché, secoué dans le même genre que « Skippy » comme l’a justement souligné Pierrick Pédron. Les voisins bavards qui, apparemment, n’écoutaient pas, en redemandent. Etonnant, non ?

RAPPEL

La batterie introduit, martèle, malaxe. Un standard de Monk dont le titre m’échappe. Du Be Bop à la Monk, que c’est bon ! L’absence de piano ne se fait pas du tout sentir. C’est dire la puissance de ces compositions.

Un morceau plus filé. « Well you needn’t » (mis en chanson par Carmen Mac Rae sous le titre « It’s over now ». « Carmen sings Monk » est un album indispensable). Ca groove bien vers le final.

Malgré les bavardages de nos voisins, Monsieur H et moi avons passé une excellente soirée, à écouter une musique créée dans les années 1940, toujours d’une modernité stupéfiante, entre complexité et maladresses maîtrisées, celle de Thelonious Monk. Sur l’album, excellent aussi, le trio est parfois accompagné du trompettiste Ambrose Akinmusire. Ambrose ne pouvait être présent à Paris mais Eric Le Lann aurait pu, à mon avis, le remplacer pour quelques morceaux. Eric joue très bien Monk et dégage une belle complicité sur scène avec son compère Breton Pierrick Pédron. Je lance ici l'idée. Aux musiciens de décider. A trois, ils extraient la racine de la musique de Thelonious Monk. Racine cubique = Kubic's Monk en toute logique, musique et mathématique

Pour comparer avec la version Kubik de Pierrick Pédron et ses complices, voici Carmen Mac Rae chantant " How I wish " (" Ask me now " de Thelonious Monk) accompagnée notamment par Jiri (Georges) Mraz (contrebasse) et Clifford Jordan (saxophone ténor). Rien à enlever, rien à ajouter.


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