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Finkielkraut contre Serres, le match

Publié le 08 décembre 2012 par Christophefaurie
Quelle surprise ! Moi qui prenais Michel Serres pour un gentil grand père pour qui tout était bien dans le meilleur des mondes ! J’ai découvert un fauve, redoutable.
J’ai ouvert ma radio au milieu d’une interview qu’Alain Finkielkraut faisait de lui. Michel Serres en ours bonhomme, donnait de petites tapes à Alain Finkielkraut, qui l’envoyaient s’aplatir sur le mur du studio. Un seul exemple et toute une argumentation était démontée. Et à chaque fois avec ses armes. Et avec le plus grand des calmes amicaux.
Quelle leçon ! Art extraordinaire de la rhétorique. Michel Serres retourne les preuves d’Alain Finkielkraut contre sa démonstration : notre culture ne nous dit pas qu’il faut revenir au passé dont elle est sortie, elle montre l’intérêt du présent ! De l’art, absolu, du débat, honnête et scientifique. Voici la démonstration (attention, souvenir confus) :
Donc, deux conceptions s’affrontent. L’une regrette le passé et méprise le présent. L’autre dit sa confiance dans l’espèce humaine et dans sa capacité à trouver ce qu’il y a de beau dans le progrès technologique. Premier choc. J’apprends qu’Alain Finkielkraut parle de ce qu’il ne connaît pas. Il n’utilise pas Internet. Il a lu la confirmation de son opinion chez des gens qui la partagent. Il donne un spectacle abject de l’enfant et d’Internet. Aime-t-il les enfants ? Sait-il que le SMS permet d’échanger des sentiments et que, jadis, on le faisait par lettre, et que le sentiment a besoin d’immédiat ? L’enfant copie sur wikipedia ? Mais, depuis la nuit des temps, la thèse de philosophie n’est qu’une repompée des auteurs du passé ! Quoi de neuf ? L’enfant surfe sur Internet ? Mais seul ce que voit l’œil compte-t-il ? En surfant ne perçoit-on pas une vérité qui échappe au bon sens paysan ? Comme don Quichotte qui transforme une bergère en princesse ? (Éternel débat entre physique et métaphysique ?) Le maître, qui sait, doit inculquer le passé, la culture, à l’enfant, qui ne sait pas. Mais l’Allemagne d’avant guerre fut le triomphe de la culture ! La culture est-elle une fin en soi ? Et éduquer signifie-t-il inculquer, ou ex ducere, conduire à l’extérieur, décontenancer, apprendre à découvrir ? Le monde d’hier était bâti sur la « présomption d’incompétence » de l’élève. Avec Internet cela n'est plus possible. Il exige du maître qu’il écoute, pour orienter son discours en fonction de ce que sait son élève. Peut-on décontenancer l’autre si l’on ne sait pas comment il pense ? Et cela tombe bien, car l’enseignement est devenu multiculturel, et les cultures n’entendent pas les mêmes choses de la même façon. (Et si Internet nous faisait comprendre que l'autre est différent, et le respecter pour cela ? D’ailleurs, la « présomption d’incompétence » n’est-elle pas une forme de haine de l’autre ? Pour être un bon maître ne faut-il pas aimer son prochain ? Une piste pour la réforme de l’Education nationale ? me suis-je demandé.)
Michel Serres trouve un gentil nom pour Alain Finkielkraut. « Grand papa ronchon ». Réincarnation éternelle du conservateur qui pleure un passé si clair, puisque passé. Aujourd’hui, il n’y a plus que brouhaha, bruit et fureur incompréhensibles ! Socrate se lamentait de l’invention de l’écrit, les docteurs de la Sorbonne de celle de l’imprimerie. Pourtant, chaque étape a fait progresser la pensée, la tête se vidant pour mieux se faire.
Finkielkraut contre Serres, le match J’ai cru sentir qu’Alain Finkielkraut était ébranlé. Peut-être a-t-il compris, « And here's to you, Mrs. Robinson, Jesus loves you more than you will know. » (Copier / coller de wikipedia !) ? Car, sur quoi porte leur opposition ? Sur la nature humaine. Jusqu’à cette rencontre, Alain Finkielkraut croyait qu’elle était mauvaise. Michel Serres lui a montré, non qu’elle était bonne, mais la richesse de sa complexité. En aimant, et en respectant cette richesse, on peut faire des choses formidables.
Enfin une bonne nouvelle au milieu de nos crises ? Même pour les grands papas ronchons ? 

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