Lectures de vacances acte II. Une chaise longue, du temps et pas de sable. Un gros pavé de science-fiction en guise de plaisir régressif. Et la magie opère comme si de rien n’était. On trimballe l’imposant ouvrage partout, tout le temps. Les pages défilent à toute vitesse, la couverture se corne et se tâche, mais peu importe, impossible de s’en séparer. Résultat, en à peine deux jours, six cent pages ont été siphonnées, la bête est à terre et l’on lâche le livre comme une proie vidée de son essence. Ce roman, c’est « Le Triomphe de Dune », opus posthume de la série de base de Franck « père » Herbert par Brian « fils » Herbert. Longtemps j’ai guetté sa sortie en poche, quatre ans plus tard j’ai été récompensé (sic)…L’avis de JB :
Au nom du père
Nous vous en parlions il y a quelques mois dans un podcast dédié, Dune est un peu sous stéroïdes depuis que le fils d’Herbert a décidé de reprendre le flambeau. Des nouveaux tomes « avant », « après », « en parallèle » de la saga principale ont fleuri. A la série de base, s’achevant par « La maison des mères », sont donc venus se greffer « Les chasseurs de Dune » et « Le triomphe de Dune ».
Une nouvelle fois, l’humanité doit faire face à la menace des machines pensantes. Un dernier baroude d’honneur où chaque camp fourbit ses armes avant l’affrontement final. Armement massif, découverte d’une épice améliorée et résurrection des anciennes gloires, tout y passe.
C’est la fête, le dernier épisode que chacun attend fébrilement, et les auteurs ont décidé d’être généreux. Un repas magistral censé faire plaisir à toute la horde de fans. Ils sont tous de retour pour une dernière tournée, rockers aux traits usés prêts pour leur dernier show. A part le duc Léto, nous retrouvons donc pèle mêle : Le baron Harkonnen, Paul, Jessica, Thufir, Liet, Chani, et même le regretté Dr Yueh. Seul quelques « méchants » respectables semblent avoir été boudés, Piter de Vries, Rabban ou mon favori le comte Fenring.
Sous couvert d’Armageddon imminent, les deux factions fourbissent leurs armes et les personnages secondaires jouent les intrigants. Le Tleilax tente de tirer la meilleure révérence possible, les navigateurs de la guilde se battent pour leur survie et les fremens pleurent de joie devant une désertification.
Vous l’aurez compris, « Le Triomphe de Dune », c’est le départ en retraite d’un vieux collègue très respecté. Et comme il est généreux, il y aura forcément un buffet trop conséquent. On ne cherche plus à avancer ou à explorer, on vient pour conclure et passer un agréable moment de nostalgie. L’univers laissé par Herbert est de toute façon trop riche pour s’étioler au bout de quelques milliers de pages. Il a simplement besoin d’être entretenu et canalisé, voir légèrement modifié pour créer de nouvelles ramifications. Herbert fils et Anderson ont parfaitement compris les règles du jeu pour ne pas vexer l’auditoire. Filer la matière brute laissée par son créateur tout en saupoudrant la trame principale par une pincée de nouveautés.
Une vieille diva
L’écriture et le style sont, sans surprise, agréables. Rien de transcendant, plutôt des outils mis au service du récit. La démarche tient de toute façon plus de l’hommage que de la volonté de nouveauté. On ne cherche pas à casser le mythe, on cherche à le prolonger et à ne surtout pas brouiller les règles d’un univers qui fonctionne très bien tout seul. L’essentiel du travail d’écriture semble dédié à la mise en marche des notes de Frank Herbert, tout en s’assurant qu’aucun rouage ou qu’aucune piste passée ne seront oubliés. Rassembler la base des fans et convaincre de nouveaux lecteurs par une suite sans grande surprise, un pari pas si risqué, qui fonctionne finalement plutôt bien.
Bien sûr, tout n’est pas parfait, loin de là. A commencer par la fin de l’ouvrage, qui fait la part belle à un personnage récurrent et plutôt ennuyeux. L’intervention de « l’oracle du temps » est assez surprenante et doit, j’imagine, représenter la part de mysticisme que doit posséder un tome de Dune. Les personnages surgis du passé sont quant à eux si nombreux, qu’ils ont du mal à aller plus loin que leur propre caricature. Omnius et Erasme, les deux grands « méchants » de l’ouvrage sont à la peine et ces derniers s’offrent une sortie indigne de leur personnage. Beaucoup de pistes sont à nouveau juste lancées, sans réelle explication, laissant peut être une ènième porte ouverte pour une énième suite. Lire « Le Triomphe de Dune », c’est un peu comme écouter les dernières représentations de la Callas, sans nous permettre de pleurer les larmes perdues, on y reste attentif par fidélité.
« Pourquoi la religion est-elle importante ? Parce que seule la logique ne peut pousser quelqu'un à accomplir de grands sacrifices. Mais moyennant une ferveur religieuse suffisante, les gens sont prêts à s'engager dans des combats sans espoir, et se considèrent comme bénis de pouvoir le faire. »
A lire ou pas ?
« Dune » est un monument, une saga fermement assise sur le trône de la SF. Si vous ne deviez lire qu’un livre de SF, je vous conseillerais sans doute celui-là. Et pour ceux qui se seraient lâchement arrêtés aux trois premiers tomes, il n’est jamais trop tard pour replonger dans les dunes d’Arrakis, vous ne serez pas déçus. « Le Triomphe de Dune » est une conclusion sans risque, suffisamment généreuse, pour éviter la foudre des fans. Etant de ceux-là, je referme l’ouvrage avec le sentiment du devoir accompli. Parce que je suis forcement partial, parce que je sacralise sans doute trop la saga, une nouvelle tâche m’attend pour le BdB : m’attaquer aux deux nouvelles sous-séries en cours ( si, si…), « Légendes de Dune » et « The Schools of Dune », qui ne manqueront pas de sortir au format poche en 2098, souhaitez moi bon courage !
PS : Une petite interview (en anglais) des auteurs :
http://www.youtube.com/watch?v=9oRXIsd2OpU
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