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ILLETTRISME : je ne sais ni lire, ni écrire…

Publié le 16 décembre 2012 par Patrick84

 Illettrisme

La tradition rapporte qu'au cours d'une nuit (la nuit du destin) dans une grotte du mont Hira où il avait l'habitude de se retirer pour y méditer un homme eut cette vision:

Alors qu'il s'était endormi un être mystérieux identifié plus tard comme étant l'ange Gabriel lui dit " lis" et l'homme de répondre " je ne sais pas lire" ; l'ange insista et répéta son ordre 2 fois afin que les hommes puissent s'instruire de ce qu'il ne savait pas.

Et l'homme se réveilla avec la conscience qu'un Livre était descendu dans son cœur et qu'il devait s'efforcer de le déchiffrer.

Je ne sais ni lire ni écrire , je ne sais qu' épeler : donnez moi la première lettre et je vous donnerai la suivante

" I.L.L.E.T.T.R.I.S.M.E. :

Introduction symbolique pour poser ce douloureux problème de l'illettrisme dans notre société

Avant tout voici quelques définitions et quelques chiffres : passage obligé .

Lire : C’est comprendre un message écrit et pouvoir le restituer par oral ou par écrit .

L'acte de lire s'élabore en deux étapes intimement liées :

• Une phase analytique (déchiffrer le code : B-a : Ba)

• Une phase globalisante, lexicale (qui correspond en fait à une mémorisation de mots)

Un bon lecteur est celui pour qui la phase analytique est quasi absente car intégrée. La phase lexicale lui permettant de passer directement au sens de ce qu'il lit. Quand on lit sans se rendre compte des procédures qu’on utilise pour le faire, ce qui d’ailleurs permet au lecteur de se préoccuper d’autre chose, c’est à dire du sens, alors la maîtrise de la capacité de lire est acquise.

On comprend rapidement qu'on lit d'autant mieux qu'on lit souvent et diversement.

Si la règle de nos pensées était d'aller du détail à l'ensemble, nous ne penserions jamais. L'esprit d'ensemble , c'est l'esprit véritable. Il est en de même pour lire. Lisez un article technique (médical ou autre), qui ne vous soit pas coutumiers, vous buterez plus ou moins sur les mots . Vous régresserez momentanément .Le B.A. BA vous reprendra !

La lecture qui annone n’est point la lecture. A ce pénible effort d'épeler, l'attention s'endort.

Comme le disait Alain :

<< ils lisent comme on bêche: une motte de terre après l'autre et tout l'esprit est au tranchant de la pelle.>>

Analphabétisme :

Situation de personnes qui n'ont jamais eu l'occasion d'apprendre le code.

Ce taux se situe autour de 1% analphabètes aujourd'hui en France et en Europe du Nord ; il y a 150 ans il était de 40%

Son taux varie autour de 3% en Italie ; de 5% en Espagne, en Grèce de 15% au Portugal de 56 % au Maroc 80% en Haïti

Illettrisme :

C’est la situation de la personne anciennement scolarisée mais qui ne maîtrise plus suffisamment l'écrit face aux exigences minimales requises dans la vie sociale, culturelle et personnelle.

Une étude faite depuis 1990 ....chez les garçons de 18 ans ayant été scolarisés relève que :

3 % ont des difficultés devant des mots

4% sont limités à la phrase

12% sont capables de tirer quelques informations d'un document.

Seul 80 % sont capables de lire un texte de façon approfondie

L’illettrisme européen se situe au environ de 10 %. Aux U.S.A. d’après des études 90 millions d'américains éprouvent des difficultés à utiliser leurs connaissances en lecture et écriture dans des activités de vie courante.

Désalphabétisation :

C’est la situation d’une personne oubliant progressivement les bases de la lecture et de l'écriture qui mènent à l'illettrisme.

Derniers chiffres et cela sera terminé ! :

90 % des enfants en échec scolaire ont fait un mauvais CP

Il y aurait plus de 8 % de dyslexiques dans la population scolaire;

35 % des RMISTES sont démunis devant la lecture.

Dyslexie :

C’est un dysfonctionnement cérébral ou psychique ayant des répercussions sur l'écriture et l'emploi du langage, notamment chez les enfants, et conduisant à une inversion des données.

La dyslexie est un handicap sérieux pour l'apprentissage de la lecture, le dyslexique ne parvient pas à segmenter correctement le langage.

Il est corrigé autant que faire se peut par la rééducation dirigée par un orthophoniste, avec l'aide d'un psychothérapeute.

Une origine discutée :

Ces difficultés restent globalement inexpliquées. Deux séries d'hypothèses sont en présence : hypothèses psychologiques et neurophysiologiques.

Situation de la lecture en France :

 Les Français sont plus nombreux à lire mais lisent moins. On est passé de 10% à 17% de fréquentation en bibliothèque en moins de 10 ans. Ne nous réjouissons pas trop vite! Les nouveaux jeunes retraités y sont peut-être pour quelque chose !

On constate une augmentation des faibles lecteurs et des forts lecteurs . Mais une stagnation des lecteurs moyens . Là réside peut-être le danger pour l'avenir .

Place et histoire de l'écrit :

Savoir lire ce n'est pas seulement connaître les lettres et faire sonner les assemblages de lettres . C'est aller vite, c'est explorer d'un coup d' œil la phrase , reconnaître les mots à leur gréement comme un matelot reconnaît les navires.

L'écrit qui est l'art de représenter la parole ou la pensée par des signes convenus est devenue dans nos civilisations le support essentielle de la pensée de l'homme.

L'écrit a plus de 8000 ans . Le comportement vis à vis de la lecture fut largement conditionnée surtout en occident par des attitudes religieuses ou sociales.

Religions du livre par excellence, admettant la libre interprétation, les religions réformées favorisèrent l'alphabétisation de leurs fidèles tandis que la religion catholique qui utilisait une langue de culture commune à toutes les nations : le latin considérait le prêtre comme l'interprète privilégié de la parole divine et ne s'efforça d'instruire les fidèles que pour lutter contre les risques de déviation.

Ce livre fut ainsi le privilège d'une élite sociale ou religieuse , ce n'est plus le cas aujourd'hui.

C'est par l'écrit que les encyclopédistes ont fait progresser la liberté de conscience, l'esprit de critique , l'esprit de tolérance.

C'est par le livre que les autodidactes , les penseurs ont pu accéder aux connaissances.

Sans écrit, la conceptualisation est impossible. L'écrit a donc une place privilégiée dans l'élaboration de la pensée raisonnante, dans la formulation du jugement. Le raisonnement est toujours soutenu par l'écrit : sauvegarde de la personnalité.

Lecture : identité et liberté:

L'écrit fixe l'identité nationale comme individuelle. Elle reste la sauvegarde majeure de la culture d'une société pluraliste.

Le pouvoir suggestif de l'écrit reste inséparable de la vie personnelle et du comportement social de l’individu. En parlant on use sa pensée, en écrivant on la renouvelle;

L'écrit par toutes ses fonctions élargit l'exercice de liberté du lecteur et contribue à la dignité démocratique. Comment peut-on prétendre à cette dignité démuni de cet atout ? Celui qui sait lire pourra s'instruire et prendre plaisir.

Pratique de lecture et illetrisme :

Il est communément admis sans études véritablement précises que l'alphabétisation de la France et sans doute celle de l' Occident fut à peu près achevée à la dernière guerre: l'ensemble de la population était sauf rares exceptions, capable de lire, de comprendre et aussi d'écrire au moins des textes simples et une bonne partie de celle-ci pratiquait une orthographe relativement convenable.

Le livre ne prenait en bien des milieux qu'un seul aspect, celui du livre de classe soigneusement conservé.

Un bémol : Comme le disait un ancien Président de la 3ème République :

<< Doit-on considérer comme des lettrés des jeunes gens sachant épeler péniblement un texte ou ceux qui parviennent d'une main malhabile à tracer les lettres de leur nom ? >>

Combien était- il ? On ne le sait.

Ce bémol pour relativiser une représentation tenace, teintée de nostalgie mais quelque peu erronée, à savoir que l'apprentissage de la lecture était magistralement assuré par la troisième République. Alors que la Cinquième aurait failli à ses devoirs !!! Gardons nous de tout simplisme.

L’analphabétisme a reculé magistralement au cours de ce siècle, c’est indéniable mais je rappellerai cependant, que ceux qui autrefois ânonnaient ou maîtrisaient mal la lecture représentait une masse laborieuse pour l’agriculture et l’industrie lourde.

Leur situation précaire leur conférait tout de même une reconnaissance sociale certes humble mais non marginale. L’ouvrier agricole, l’ouvrier de l’industrie avait sa place dans la société du siècle.

Aujourd'hui l’illettré ne passe plus inaperçu par sa situation de dépendance sociale, culturelle et son absence de reconnaissance.

Comment en est-on arrivé à cette situation où trop d'enfants terminent le cycle de leurs études primaires sans être capables de lire couramment et la plupart d'entre eux ne possèdent qu'un vocabulaire réduit. Nous constatons, études et faits à l’appui que les résultats ne sont pas à la hauteur de l’investissement financier, éducatif, humain, politique

Une frange toujours trop importante de nos concitoyens est infirme de cet acte qui nous paraît si simple : lire ou écrire .

Mais que fait l’école !!!. serions nous tentés de dire .

Il semble que le développement des nouveaux moyens de communication audiovisuels ait imposé une sorte de primauté de l'image et du son à laquelle correspond une forme de désacralisation de l'écrit. Et pourtant les textes écrits n'ont jamais autant proliféré, le nombre des livres publiés chaque année ne cesse de croître et les bibliothèques publiques sont prises d'assaut.

Tous les enseignants responsables savent que la quasi totalité des enfants maîtrisent à peu près le décodage - qu’en tout cas ils ont compris comment ça fonctionne, même s’ils restent lents pour autant à s’adonner à la lecture.

Mais le comportement de lecteur ne peut s’instaurer que si la lecture fait partie du système de valeurs du groupe familial ou du groupe de référence auquel on souhaite s’identifier.

Comme le souligne Daniel Pennac : le verbe lire ne supporte pas l’impératif . Aversion qu’il partage avec quelques autres comme “aimer” ou “ rêver” .

On ne force pas une curiosité, on l’éveille.

Contrairement et cela est humainement rassurant tout ne se joue pas avant cinq ans comme on pensait il y a une vingtaine d’années. Quelque soit l’âge des personnes qui n’aiment pas lire , il y a toujours quelque chose pour qu’elles découvrent ce plaisir.

Or savoir lire ne suffit plus pour avoir le plaisir de lire et donc d’entretenir cet acte.

Lire est un acte individuel qui échappe à toute généralisation. On a supposé longtemps qu’il suffisait de savoir lire pour aimer lire. Ce plaisir de lire fortifiant l’apprentissage. Autrefois lire, ouvrait vers la littérature, la fiction, le documentaire, l'information, l'essai, l’humour, l’amour .

Aujourd'hui , il ne reste que la littérature, inégalitaire en soi, car vivier du bon lecteur . L’adulte, l’enfant mauvais lecteur , donc enclin à démissionner devant l’acte lexical trouvera ces différents pans de l'imaginaire uniquement dans le visuel ou l'auditif : premiers pas vers l’illettrisme.

Cet état de fait conforte le mauvais lecteur dans une paresse intellectuelle, lexicale et renvoi l’enseignant, l’école à une modeste position

Son environnement proche ne prend plus la relève de la communauté éducative au sens large.

Le son et l'image se reçoivent, se perçoivent ; l'écrit se visite, se décrypte.

L'illettrisme est donc une conjonction de divers facteurs : Précarité sociale, faible niveau culturel familial, Culture d'école +/- inexistante, fragilité psychologique, violente latente ou réelle.

Facteurs contre lesquels l’enseignant ne peut souvent pas grand chose. Le hussard de la 3ème avait aussi moultes raisons pour parfois se décourager. Mais le siècle le portait, l’idéologie éducative dominante le confortait chaque jour. Sa place était centrale dans l’éducation, l’instruction de l’enfant.

L’école, aujourd’hui est un prestataire de service parmi d’autres. L’influence éducative de l’enseignant est diluée dans l’environnement de l’enfant.

L’ambition de l’école ne serait-elle pas démesurée face aux nouveaux handicaps ?

On est en droit de se demander si le livre, l'écrit comme les civilisations ne sont pas mortels.

Cependant face aux médias qui agissent sur la sensibilité et transmettent des images, des sons fugitifs; la lecture peut à l’aube du 3ème millénaire, réapparaître comme une force de régulation.

En effet elle présente de façon stable des connaissances structurées. La lecture permet ainsi de développer l'esprit de réflexion qualité indispensable à celui qui aspire à la dignité.

 Ce texte fut écrit, il y a quelques années....Aujourd’hui, décembre 2012, une information émanant de l'INSEE  annonce près de 7% d'illettrisme en France soit près de 2,5 millions de  Français .Les chiffres ne bougent guère !

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Voici  2 articles du Journal Le Monde de décembre 2012 très pertinents et qui complètent mon texte sur l'illettrisme  datant de quelques années.

LA LECTURE DES ÉLÈVES en 2012
  

Patrick Sartini

ILLETTRISME : je ne sais ni lire, ni écrire…

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