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Une justice véritable, est une justice toujours moins aveugle.

Publié le 12 janvier 2013 par Corinne Dangas

Notre civilisation moderne, plus éduquée, plus scientifique, pratique toujours l’exorcisme contre le mal et la violence, comme ont pu le faire des civilisations réputées plus primitives. Elle se protège par la rationalisation.

1) Elle organise inconsciemment un déni en laissant la parole des victimes enfermée, décrédibilisée par la honte et le défaut d’assistance et de soins.
(Demande-t-on à un accidenté polytraumatisé d’être vaillant-debout pour prouver ses blessures ? Pourtant, c’est très exactement ce que l’on fait pour les victimes psychiquement atteintes, notamment celles de viol et violences, dont la désorganisation est utilisée à charge.)

2) Elle méconnaît les causalités complexes : elle les déplace, transforme les énoncés (énonciations), les réduisant en morale à deux sous.
Le raisonnement « exorciseur » sous-jacent : « Si c’est la victime qui a provoqué son sort, parce qu’elle est comme-ci ou comme ça (= « pécheresse »), moi qui ne le suis pas, ça ne peut pas m’arriver. »

Violée à plusieurs reprises, agressée sexuellement avec une barre de fer, jetée hors du bus, et décédée de ses blessures, la jeune femme indienne qui a fait la une des médias du monde entier, a été présentée dans Bloomberg par l’avocat des accusés (qui auraient eux-mêmes été torturés par la police… comme si la violence pouvait racheter la violence) comme « pleinement responsable ».
Elle  n’aurait pas dû se trouver dehors la nuit, il n’a « jamais vu un seul exemple de viol d’une femme respectée », aucun pays ne « respecte une prostituée », etc.
Interrogé pour savoir s’il la considérait comme une prostituée (ce qui évidemment ne légitimerait en aucune façon une quelconque agression), il a répondu: « Non, pas du tout mais je dois protéger mes clients et prouver qu’ils n’ont pas commis ce crime abominable ». (source Le Monde.fr)

3) Quand le déni devient intenable, la conscience sociale se retourne, et pratique le lynchage. Comme aux bons vieux temps.

Aucune justice ne peut se concevoir sans défense des accusés.

Si monstrueux puissent-ils paraître. Expliquer – démonter les mécanismes du point de vue de l’accusé -, n’est ni excuser, ni permettre. En revanche, c’est bien souvent comprendre pour progresser. Et je suis toujours choquée du refus d’avocats d’assurer cette (leur) mission, ne serait-ce qu’en ce qu’elle a de collectivement utile.

Mais aucun état ne doit s’aveugler sur la perfectibilité de ses institutions.

Le juge ne fait que dire le droit, il établit rarement la justice. En Inde, comme partout ailleurs, aucune volonté sérieuse de protéger la société dans son ensemble, ne peut donc s’affranchir de comprendre – et d’agir sur – ces mécanismes sociétaux :

  1. Ceux de la violence : sa construction, sa pérennisation (y compris lorsque celle-ci repose sur la participation – passive ou active – de victimes parfois culturellement, socialement ou institutionnellement privées d’autre choix) ;
  2. Et ceux de la rationalisation a posteriori : lesquels tendent *précisément toujours* à utiliser au service du plus fort ou du vainqueur (comme probant d’une sorte de « naturalité ») le fait-même que le plus faible ait été détruit.

La justice est la sanction des injustices établies. (Anatole France)

Balance de JusticeCroix (2) de Outlandos [ym], sur Flickr

Tags: énoncé, énonciation, institutions, justice, perversion, psychologie sociale, victimisation, viol, violence

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