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Sugar Man

Par Tedsifflera3fois

Prix du Public et Prix Spécial du Jury au Festival de Sundance 2012, en lice pour l’oscar du meilleur documentaire, Sugar Man fait parler de lui. Et en effet, peu de films documentaires portent une histoire aussi romanesque. Mi-thriller, mi-feel good movie, Sugar Man est d’abord un hommage convenu mais plaisant à la musique (presque oubliée) de Sixto Rodriguez.

Synopsis : Au début des années 70, Rodriguez enregistre 2 albums sur un label de Motown. C’est un échec et l’artiste disparaît, sans savoir que sa musique va être adulée en Afrique du Sud…

Sugar Man - critique
Sugar Man est un documentaire-conte de fée, et en cela il fait un peu penser à Benda Bilili!. Mais alors que le film de Renaud Barret et Florent de La Tullaye était une sorte de gigantesque making of, accompagnant le groupe de musique africain depuis ses débuts jusqu’à son explosion, Sugar Man serait plutôt à ranger du côté du cinéma d’investigation.

Sixto Rodriguez a existé, enregistré deux albums, puis il a disparu. Il s’agit pour Malik Bendjelloul de filmer des fans qui vont tout faire pour retrouver sa trace, se lançant dans une quête complexe et hasardeuse. Le film distille un suspense savamment dosé, il fait monter l’attente pour que les apparitions de Rodriguez (tout comme ses chansons, utilisées dans la bande originale) soient pour les spectateurs des moments de grande satisfaction.

Un conte de fée donc, une drôle d’histoire, le genre de récit qu’on raconte le dimanche soir au coin du feu : « vous connaissez l’histoire de ce chanteur qui… ». C’est réjouissant mais pas non plus inoubliable : finalement le film dit peu et montre peu, limité par un matériel en quantité insuffisante pour tenir tout un long métrage. Malik Bendjelloul comble alors les vides par des procédés divers, dessins, vidéos floues, interviews qui se répètent les uns les autres. On comprend un peu trop où le cinéaste veut nous emmener, le but de chaque témoignage, pour adhérer complètement.

Reste que le film peut mettre à son compte deux belles réussites. La première est de rendre un bel hommage à l’artiste et à son répertoire, lui offrant la chance d’une seconde vie, au moins en Europe et aux USA. La seconde est d’évoquer en creux une question sans doute plus universelle et essentielle que le simple destin de Sixto Rodriguez. A quoi tient le succès d’un artiste? Quels événements, quelles qualités, quels hasards, quelles concordances permettent à un auteur de rencontrer son public? L’histoire est écrite pour ceux qui ont perduré. Combien de génies ont péri dans l’oubli, simplement parce qu’ils n’avaient pas eu les bons éléments aux bons moments pour s’exprimer à leur hauteur, pour que leur talent soit reconnu? Combien d’oeuvres ont disparu (ou n’ont tout simplement pas pu exister) parce que les circonstances n’ont pas été favorables?

Sixto Rodriguez a pu enfin trouver la reconnaissance quand il ne l’attendait plus. Dans Le Sommeil d’or, de manière similaire, Davy Chou rend justice à l’inventivité d’artistes cambodgiens qui ont été obligés de tout arrêter à cause des khmères rouges. Il redonne leur dignité à des artistes brisés.

Sugar Man n’évoque pas seulement ce juste retour de gloire. Il s’agit aussi d’une ode à tout ce pan de l’art qui n’est pas resté, à toute cette partie de l’histoire qui demeure quelque part entre le passé et l’oubli, faisant forcément de nous des orphelins de tout ce qui ne nous est pas parvenu et qui aurait mérité la postérité.

Note : 6/10

Sugar Man (titre original : Searching for Sugar Man)
Un film de Malik Bendjelloul avec Sixto Díaz Rodríguez, Stephen Segerman, Dennis Coffey
Documentaire – Royaume-Uni, Suède – 1h25 – Sorti le 26 décembre 2012
Prix du Public International et Prix Spécial du Jury International (catégorie documentaire) au Festival de Sundance 2012


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