Au pays de Tahar BEN JELLOUN

Tahar BEN JELLOUN, poète et écrivain marocain, dédie ce roman aux hommes immigrés de son pays, arrivés en France dans les années 1970 au moment des Trente Glorieuses et qui abordent aujourd’hui l’âge de la retraite.

Mohamed, le personnage principal de ce roman, porte un regard sur la société française.

Il nous relate les conditions de sa migration, son arrivée en France, le recours aux prostituées avant la mise en œuvre du regroupement familial, le refus de la nationalité française, le profil bas de toute une génération, les problèmes liées à l’absence de maîtrise de la langue française, les paperasses, la place des actualités du pays d’origine, les relations hommes/femmes…

Il évoque le sujet des enfants, leur double culture, leur rapport au bled, à la langue d’origine de leurs parents, l’absence de communication avec leur père…

Et puis avec l’âge, c’est la retraite qui est abordée : « La retraite ! Non, pas pour lui et surtout pas maintenant ! C’était quoi cette histoire ? Qui l’avait inventée ? C’était comme si on lui signifiait qu’il était malade et qu’il ne pouvait plus être rentable pour la société. Une maladie incurable, une disponibilité pour un immense ennui. C’était cela, une malédiction, même s’il savait que d’autres ouvriers l’attendaient avec impatience. Lui, il ne l’avait jamais attendue et encore moins espérée. Il n’y pensait pas. Il voyait ses copains s’en aller et il apprenait ensuite que la mort les avait emportés. »

Avec elle, ce sont également les problèmes de santé (la prostate, le diabète), la place de la religion, le rôle des enfants, les funérailles et, bien sûr, le retour au pays. Et là, à l’image de la dimension mythique que revêt ce retour au pays, Tahar BEN JELLOUN décide de nous plonger dans un monde onirique, un exercice de style subtil et talentueux !

Si vous avez envie d’aborder les spécificités de cette génération ayant connu cette migration particulière, sans avoir à lire des récits documentaires et autres sources universitaires, je ne peux que vous conseiller ce  roman, juste et authentique, en phase avec les réalités quotidiennes de ces hommes et femmes où aucun détail n’est laissé au hasard.

C’est un roman qui concourt à la construction de notre mémoire collective d’une page de notre histoire contemporaine.

Annie