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Iron Squid II

Par Repostit @S2PMag

Il se déroulait le 26 janvier un événement particulier au Palais des Congrès à Paris. Un événement qu’on aurait pensé impossible il y a quelques années. Un événement destiné à une population couramment appelée “geek”, “nerds” et autre dénomination commune. Sauf que cette fois, ces personnes n’ont plus à se morfondre dans un interminable argumentaire soutenant un loisir dépeint par d’autre comme “destructeur de pensée”, fondamentalement violent et ne menant à aucune carrière. Ils n’ont plus besoin parce qu’ils étaient environ 4000 à soutenir quatre Coréens, superstar dans leur pays, simple touriste par chez nous. Acclamés par une foule en délire, ces joueurs de Starcraft II ont découvert un public survolté, déchaîné, passionné. Et ces dénominations sont primordiales pour que le spectacle soit au rendez-vous.

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Imaginez ainsi que votre nom soit scandé par des inconnus alors que vous venez de remonter une pente jugée impossible face à un des meilleurs joueurs du monde? Imaginez que, malgré la défaite, vous restiez le choix du coeur, que le public vous garde une place au chaud? Imaginez, à 30 ans, revenir au sommet et être encensé comme le joueur le plus charismatique? Imaginez que vous êtes plutôt timide et concentré, d’une précision chirurgicale dans vos mouvements mais que cette fois-ci vous allez craquer et sourire à ce public qui en voulait encore plus? Vous n’êtes pas Djokovic, Nadal, Federer ou Murray. Vous êtes Life, MarineKing, Nestea et DongRaegu. Vous êtes dans les meilleurs joueurs du monde et rien ne vous fait peur.

A 16 ans, le jeune prodige Startale Life, qui a déjà tout gagné, s’est imposé lors d’une finale totalement folle face à DongRaegu, un joueur plus expérimenté et appelé couramment “Le Chirurgien”. Mené 3-0 et à une partie de la défaite, Life s’est ressaisi au bon moment pour venir coiffer le titre d’Ironsquid en gagnant 3-4 et confirmer qu’il est bel et bien le meilleur joueur du monde à l’heure actuelle. Quant à son adversaire du jour, il était étonnant de le voir pour la première fois s’effondrer au terme de la dernière partie signant sa défaite. S’effondrer, ne plus relever la tête pour regarder ce public qui aura beau applaudir de toutes ses forces pour encourager ce champion dans l’adversité. Parce que oui, mesdames, messieurs, ces joueurs sont des champions, des athlètes d’exception qui réalisent avec un clavier et une souris ce qu’aucun d’entre nous ne peut imaginer. Ils sont entraînés, passionnés, prêts à se sacrifier pour gagner. Ils sont des compétiteurs hors pair. Ainsi, perdre un match et un tournoi laisse des traces amères, malgré une réputation de robot. DongRaegu se cache, il reste dans son coin, la tête entre les mains et l’on peut admirer toute l’humanité de ces joueurs Coréens qui n’expriment que rarement une émotion. DongRaegu, le maudit, lui qui, à 21 ans, n’est pas un showman et qui entend “DRG” chanté par 4000 fans en délire. Il finit par venir sur scène, s’essuyant les yeux d’un revers de manche. Il salue son jeune adversaire mais sa larme écoulée renferme toute l’agressivité de cette machine à gagner. Il se reprend et sourit au public qui l’acclame. DRG a perdu, mais il a gagné le coeur du public.

Startale Life, le nouvel Ironsquid, succède à MMA

Startale Life, le nouvel Ironsquid, succède à MMA

Quant à Life, c’est le regard un peu hautain qu’il admire la foule levée. Il vient de réaliser l’impossible mais son visage ne trahit pas cet exploit. Aucun sourire, aucun bras levé, aucune exclamation de joie. C’est le travail accompli, et bien accompli qu’il reçoit son trophée, un peu comme si la situation était normale ayant déjà réussi par trois fois à gagner en inversant la tendance. Mais Life a rencontré quelques difficultés, en témoigne les deux sorties précipitées vers les coulisses pour discuter avec son manager. Un immense champion peut parfois être en proie au doute. Sur les conseils avisés de son entraîneur et un grand mental qui fait de lui le maître absolu de cette discipline qu’est Starcraft II, Life se reprend et gagne, simplement. Une gestion parfaite de ses unités, un contre magistral et le voilà champion.

DRG et Life sont rejoints par les deux perdants de cette journée, MarineKing, le chouchou du public et le Créateur de l’Univers, l’immense Nestea, un des joueurs les plus impressionnants de Starcraft, dont on disait qu’il était fini en raison de son âge avancé (30 ans). MarineKing, défait 3-1 par Life et Nestea, revenu des enfers pour ce tournoi dont il rêvait de gagner, éliminé sur le fil par DRG dans une partie de plus de 40 minutes, se sont affrontés en petite finale. Le résultat est sans appel: Nestea est bien trop fort et écrase MarineKing 3-0 pour s’adjuger à nouveau cette troisième place après celle de 2012. Une maîtrise impressionnante, une gestion hors du commun de la bataille psychologique font de Nestea un joueur très intelligent. Adulé par la foule, il se laisse aller et sourit malgré la déception de ne pas avoir atteint la finale. Nestea n’a plus rien à prouver, il a tout gagné et il détient encore de nombreux records. Il semble encadrer ses trois compères du haut de sa grande taille et s’affirme en protecteur mais n’hésite pas à rappeler qui est le patron. MarineKing, lui, est déçu mais n’en revient pas de l’accueil reçu de la part du public. Il reste cependant un peu en retrait, ce n’est pas encore son tournoi mais nul doute qu’il reviendra encore plus fort.

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Ils sont donc là, ces quatre Coréens, quatre champions. Ils se nourrissent de ces applaudissements, de ces cris, de cette passion déchaînée. Certes, ils ont joué à un jeu vidéo, mais après cette journée, il ne viendrait à personne de critiquer cette activité tant le spectacle offert dans cette discipline est digne des plus beaux matchs de football. Et ces personnes sur scène qui ont bataillé presque trois mois pour en arriver là sont de réels champions. Ils se lèvent le matin pour s’entraîner, mangent ensemble et vivent de cette activité. Ils ne gagnent pas encore des millions, ils ne tapent pas dans un ballon mais ils ont au moins cette force qui anime tous les compétiteurs. Et n’en déplaise à certain, regarder du Starcraft II est autant amusant et passionnant que n’importe quel sport classique. L’amalgame ne doit donc pas être fait, respectons les codes. Starcraft II n’est pas un sport, c’est un sport électronique. 

 

   Jorris Sermet


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