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Conte érotique. le soulier de verre

Publié le 04 février 2013 par Jlaberge

CONTE ÉROTIQUE. LE SOULIER DE VERRECela se passait sous le règne du Roi-Soleil. Dans la cour d’un château, se trouvait un jardin. Une dame de la cour s’y promenait un matin avec sa suivante. Le soleil brillait, le vent doux et frais caressait son visage rose. Pour les besoins de la cause, la noble dame aura pour nom, La Belle. Car la dame était fort jolie, quoiqu’on la jugeait un peu sotte. Elle n’était toutefois que naïve. Il était facile de lui faire croire les histoires les plus rocambolesques qui soient. Elle était aussi bien dévote. La Belle taquinait les Muses, car elle jouait à merveille de la viole de gambe. Son père, qui fut musicien de la cour, lui ayant appris depuis son tout jeune âge l’art d’évoquer les Muses et de les attirer sur terre afin d’en faire bénéficier aux hommes.
Ce matin-là, La Belle déambulait dans le jardin, sans toutefois y être. Sa pensée la ramenait constamment à la nuit inhabituelle dont elle venait de sortir. Son cœur battait la chamade. Elle avait joué toute la nuit pour un prince qui la fréquentait depuis peu. Il ne lui rendait visite que la nuit seulement, sans jamais, du moins dans les premiers temps, lui faire connaître sa présence. Appelons ce prince, La Bête, car il était fort vilain d’apparence, claudiquant suite à blessures reçues lors de ses campagnes militaires. C’était un soldat, rompu au rouage de la guerre, au service de son Roi.
Le prince faisait souvent de longues randonnées et, un jour, il s’adonna à passer tout près du château de la princesse. C’est là qu’il entendit les plaintes de la viole qui émanaient du jeu de La Belle. Il en fut fort ému. Il se dit que ses harmonies célestes ne pouvaient provenir que d’une belle âme. D’une personne, en somme, qui devait être assurément d’une grande beauté. Puisqu’il était laid et même bossu, il n’osait s’annoncer auprès de la princesse qui vivait seule dans le château que feu son père lui légua en héritage après sa mort. De son côté, La Belle avait cessé de fréquenter la cour suite à une longue conservation avec Madame de Maintenon qui l’avait persuadée de quitter la cour, le Roi se montrant fort intéressé par les atouts naturels de La Belle.
La Bête se pointa donc pendant des semaines, voire des mois, sous la fenêtre de La Belle afin d’y entendre ses concerts nocturnes. Car La Belle n’aimait jouer qu’à la nuit tombée après Complies. C’est là que les effluves musicaux parvenaient aux oreilles des Muses qui accouraient l’entendre.
Un soir, alors qu’il faisait tempête, le prince poussa l’audace jusqu’à monter au balcon qui donnait sur la chambre de La Belle. Il l’aperçut dans un déshabillé sublime laissant entrevoir ses charmes qu’un feu de foyer donnait parfaitement à voir. En fait, il ne la vit pas directement, mais l’aperçu dans le long miroir rectangulaire laissant apercevoir Vénus, aurait-on cru. Il contempla le bout de ses seins qui, tels des clous, pointaient le léger voile que portait La Belle. Tel l’acier qui frappe l’acier, La Bête reçu un coup si vif coup qu’il vacilla et, en tombant, fracassa la porte vitrée donnant sur la chambre. Étonnamment, La Belle ne réagit pas. Elle regarda l’intrus, sans dire mot. La Bête se releva, se cacha le visage et se jeta en bas du balcon où l’attendait son cheval, Prestement.
Il revint le lendemain soir. Il monta au balcon, et La Belle l’invita le plus gentiment du monde à s’asseoir et à écouter son concert. Il s’assit donc, mais dans le coin le plus obscur de la pièce, La Belle ne pouvant pas apercevoir sa laideur. Il ne put toutefois la contempler directement tant ses charmes l’accablaient. Il ne la regarda que dans le miroir où ses yeux, blessés par tant de beauté, aperçurent ses rondeurs. Le fameux miroir avait le pouvoir de l’exposer sous toutes ses coutures. Le miroir laisse voir la nudité des personnes qui s’y mirent. Quoi qu’il en soit, le reflet miroité de La Belle, faillit faire s’évanouir La Bête. La Belle, enjouée, lui joua ses plus beaux airs. Après qu’elle eut fini, La Bête, bouleversé, les boyaux tordus, le sexe dur, maîtrisa ses esprits et lui tint ce discours.
Madame, vous vivez dans la ruine et le silence. On vous envie cette sauvagerie. On vous envie votre beauté ainsi que vos charmes envoûtants. J’en ai, madame, le bas-ventre chaud. Le jeu de votre viole ressuscite à la vie les morts. Je vois aussi, madame, que vous ne portez point de chaussure. Si vous le permettez, amie des Muses, je reviendrai demain pour vous remettre une paire de soulier digne des dames de la cour.
La Belle acquiesça béatement. La Bête la quitta en exécutant les gestes de salutations d’usage.
Comme convenu, le lendemain, La Bête revint et entra dans la chambre de La Belle qui avait commencé son concert. Elle sortait du bain, telle Vénus. Elle était nue. Une chevelure abondante, rousse, comme le bon vin de Bourgogne, contrastait admirablement avec le corps qui était d’un blanc d’albâtre. Ô splendeur! Outre, elle arborait un collier à perles blanches, avec au centre une croix montrant Notre Seigneur. Aussi, un immense désir empoigna La Bête. Mais il réussit à ne pas se précipiter sur sa proie. Sans mot dire, il tendit à La Belle la paire de soulier qu’il lui avait promis la veille. Ils étaient faits d’un verre transparent avec des talons hauts. La Belle les enfila et se tint debout, sa viole entre les deux jambes. Puis, elle joua un air à Éros. La Bête resta sidéré devant tant de charmes et de beautés. Il se demanda s’il allait voler en éclats.
À un moment, son sexe fut si dur qu’il en hurla de douleur. C’est alors que La Belle s’approcha de lui et le vit tel qu’il était, c’est-à-dire beau à ravir! Elle prit le membre viril dans sa main, le caressa, et La Bête se calma. De son autre main, elle joua des accords sur sa viole, jusqu’à ce que la semence du prince gicla à torrent. Du liquide séminal tomba sur les souliers de verre de la princesse. Aussitôt, elle comprit qu’elle ne pourrait plus se défaire de ses souliers, sinon le prince en mourrait assurément.
Le prince s’assoupit. En revenant à lui, il découvrit qu’il était beau, et que sa laideur ne fut qu’une funeste illusion. Ceux et celles en effet qui ont peur du sexe sont comme Adam et Ève à la sortie du Jardin d’Éden : ils tiennent en horreur leur propre corps. L’innocence et la pureté de La Belle lui ouvrit le temple sacré de l’union mâle et femelle, car c’est ainsi qu’Il les créa : mâle et femelle.
Ce sont ces pensées qui s’agitaient dans l’âme de La Belle en ce matin-là, tout en espérant que son prince vienne la visiter cette fois-ci en plein jour. La princesse portait admirablement ses nouveaux souliers de verre. De mauvaises langues disent que ces souliers sont pures fantaisies, car elles se casseraient sûrement en marchant. Or, sachez lecteurs et lectrices incrédules, que les souliers de verre de La Belle furent composés du même verre que celui du miroir se trouvant dans la chambre de La Belle. De sorte que, La Belle, portant ses chaussures apparaissait toujours nue. Sa suivante, qui l’accompagnait ce matin-là, en fut fort intriguée : elle avait beau couvrir la princesse, elle demeurait nue! Quelle diablerie!, s’écria-t-elle. Mais la princesse lui rétorqua :
Il faut plutôt y reconnaître, mon amie, un présent de la déesse de la beauté, Vénus. Elle veut nous faire comprendre que la Beauté n’est pas qu’une simple lubie des hommes, qu’elle n’aurait d’existence que dans le regard de celui qui la contemple. Faute! Bien avant que je sois, Elle fut. Sa majesté Aphrodite a marqué le désir, en me revêtant de ses habits, de montrer aux hommes qu’Elle est.
C’est pourquoi celui qui sait la reconnaître, de laideron hideux, se transforme en beau prince.
La dame de compagnie dit alors: «Que madame me pardonne, mais je ne crois pas un mot de ces balivernes.» Aussitôt, elle fut changée en crapaud.
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