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Une bibliothèque détroussée par son propre directeur

Par Manouane @manouane

Une bibliothèque détroussée par son propre directeur

Voilà une histoire digne d’un roman de Umberto Eco.

Naples, 15 mai 2012. Onze mois après avoir été nommé directeur de la bibliothèque des Girolamini, Marino Massimo De Caro est arrêté pour le vol et le recel de livres rares et anciens provenant de l’institution même qu’il dirigeait. La bibliothèque des Girolamini est la plus ancienne bibliothèque d’Italie. Elle compte plus de 160 000 ouvrages, dont certains ont une valeur inestimable, telle que l’édition originale enluminée de La divine comédie de Dante – qui figure parmi les œuvres dérobées et encore non retrouvées.

C’est le professeur d’histoire de l’art de l’Université de Naples Tomaso Montanari qui aurait remarqué que quelque chose ne tournait pas rond dans cette magnifique institution. Durant ses visites, il s’est rendu compte que non seulement des livres traînaient négligemment sur le plancher au milieu de détritus, mais qu’en plus certaines étagères semblaient se vider mystérieusement. Il a alors publié un article et lancé une pétition afin de demander la destitution du directeur. Pendant ce temps, des employés de la bibliothèque, suspicieux des activités de De Caro, l’ont filmé à son insu en train de sortir des livres de l’institution.

Alertés, les autorités ont rapidement effectué certaines vérifications. C’est ainsi que de nombreux ouvrages furent trouvés empilés dans de simples boîtes en carton dans le garage du directeur. Lorsqu’interrogé par les enquêteurs, il a avoué avoir soustrait quelques ouvrages pour les revendre, mais seulement dans le but de payer la restauration d’autres livres de la bibliothèque, qui souffre d’un sous-financement chronique.

L’enquête a mené à l’arrestation de quatre suspects qui œuvraient de pair avec le directeur afin d’écouler le fruit des larcins sur le marché. De fil en aiguille, les autorités ont réussi à retrouver des centaines de livres. Certains étaient inscrits dans des catalogues afin d’être proposés lors d’encans.

Les recherches sont ardues pour deux raisons. La première est que la bibliothèque n’a jamais élaboré un système de classification des ouvrages qui s’y retrouvaient, par manque de fonds. La seconde est que son ancien directeur a intentionnellement détruit certains index afin de rendre impossible l’identification des livres dérobés.

Au mois d’août 2012, Giovanni Melillo, l’inspecteur en charge du dossier, avançait à un journaliste du New York Times que plus de 3 000 livres avaient été retracés et que les recherches se poursuivaient. Ce qui permet de conclure que le directeur et ses complices étaient très actifs puisqu’en 11 mois, ils ont réussi à dérober en moyenne 70 livres par semaines de la bibliothèque. Il est toutefois plus difficile de chiffrer les montants gagnés grâce à ces vols. Chose certaines, il s’agit de plusieurs millions d’euros.

Le 29 janvier 2012, un relieur et un coursier ont également été interpellés, et des mandats d’arrêt ont été lancés contre quatre autres individus, dont Macello Dell’Utri, un politicien proche de Sylvio Berlusconi qui a connu sa part de démêlés avec la justice.

Alors que toute l’Italie suit l’évolution de l’enquête, deux questions restent sans réponse. La première est à savoir comment Marino Massimo De Caro a réussi à être nommé directeur de cette noble et vénérable institution, surtout que des journalistes ont démontré que la feuille de route du personnage était entachée de controverses.

La seconde question est à savoir si d’autres individus ne profiteraient pas de leur position d’autorité, à l’instar de Marino Massimo De Caro, afin de dilapider en douce des trésors culturels de l’Italie pour leur propre profit.


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