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Qu'est ce que le temps du Carême ?

Par Vindex @BloggActualite

Qu'est ce que le temps du Carême ?

Le Mercredi des Cendres marque pour les chrétiens le début du Carême.
Mais qu'est ce donc ? 


   
« Convertissez-vous et croyez à l’Evangile » « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » : ces deux formules liturgiques, tirées du missel romain, résument l’appel adressé à chaque chrétien à travers le rite austère de l’imposition des cendres et qui marque, chaque année, le commencement du carême. La première formule appelle le croyant à se convertir sans cesse et à renouveler sa foi en Dieu : implicitement, l’Eglise met ici à nu et dénonce la superficialité de nos modes de vie contemporains. Se convertir, c’est changer de direction sur le chemin de sa vie, non pas à travers un simple ajustement, mais à travers un véritable bouleversement. Par cette première formule, l’Eglise invite chacun de ses fidèles, au début du carême, à dire un « oui » total à l’Evangile, une « oui » libre et qui engage le croyant dans un chemin de vérité et de vie. Quant à la seconde formule liturgique, elle rappelle à l’homme son caractère fragile et sa finitude, en lien avec le mystère de la Résurrection que les chrétiens s’apprêtent à célébrer le jour de Pâques. 
Le carême chrétien est un temps énigmatique pour nombre de nos contemporains : il attire, il suscite le questionnement, il fascine. Dans une société de consommation de masse, nous aurions tout intérêt à redécourvir ensemble ce qui fait la richesse et la spécificité du carême, loin de nombreux stéréotypes…
Le Carême, c’est quoi au juste ?
Pour bien des gens aujourd’hui, le mot « carême » semble faire référence à une époque révolue, lointaine, poussiéreuse pourrait-on dire ! Certains pourraient y voir également une vague référence à la religion catholique et à ce qu’ils ont pu vivre dans leur enfance ou ce qu’on a pu le leur en dire… Et pourtant, le carême est bel et bien toujours d’actualité pour les chrétiens ! Du reste, il semblerait même que l’on assiste ces dernières années à une « redécouverte » (dans certains milieux) de ce que peut représenter le carême, redécouverte due notamment à la médiatisation de ce que peuvent vivre de façon assez semblable les musulmans, le ramadan. En effet, qui de nos jours n’a jamais entendu cette petite phrase diffusée abondement par les médias au début ou pendant le ramadan « les musulmans doivent s’abstenir de manger et de boire du lever au coucher du soleil » ? Cette référence au jeûne pratiqué dans l’Islam nous fait nous rappeler que nous-mêmes, en terre chrétienne, sommes invités à le pratiquer au moins une fois dans l’année liturgique, durant le carême.
Le nom « carême » provient de la contraction du mot latin quadragesima, qui signifie « quarantième », référence implicite au jour de Pâques où les chrétiens célèbrent la résurrection du Christ. Le carême est en fait un temps de l’année liturgique (ou année chrétienne), long de quarante jours et, qui a pour but de préparer les fidèles à célébrer cette fête de Pâques, sommet de l’année liturgique. Il s’agit bien évidemment d’une « préparation » avant tout spirituelle. Dans son Dictionnaire de la France médiévale, l’historien Jean Favier écrit « Temps liturgique préparatoire à Pâques. ». Le carême débute le Mercredi des Cendres qui a lieu le lendemain du Mardi gras. Jour de pénitence pour les chrétiens, le Mercredi des Cendres marque donc l’entrée en carême. Attention, il convient de préciser ce que l’on entend par le terme « pénitence » : il s’agit ici de résumer trois engagements proposés aux fidèles par l’Eglise durant le Carême, ces engagements étant la prière, le jeûne ainsi que l’aumône. Pas de grande différence me direz-vous avec ce que les musulmans peuvent vivre durant le ramadan… Le terme de « pénitence » peut ainsi s’appliquer à tout le temps du carême. A partir du Mercredi des Cendres s’ouvre une période de quarante jours qui mène les croyants jusqu’à la Semaine Sainte. Pourquoi quarante jours ? Cette durée fait référence à plusieurs épisodes bibliques : les quarante jours de jeûne du Christ au désert avant le début de sa vie publique durant lesquels Il est tenté par Satan ; les quarante années passées par le peuple hébreu au désert à la suite de sa fuite d’Egypte ; les quarante jours et quarante nuits de jeûne effectués par Moïse avant la remise des Tables de la Loi. Dans la Bible, le nombre quarante est significatif. Concernant la période du carême, il faut préciser qu’il ne s’agit pas de quarante jours consécutifs, mais de quarante jours ouvrables puisque le dimanche, les chrétiens célèbrent avant tout la Résurrection : la joie l’emporte donc sur la pénitence. Pour les chrétiens, le carême est une occasion concrète de se rapprocher de Dieu et de se détacher de tout ce qui en éloigne, c’est pourquoi le jeûne ne prend pas toujours la forme d’une privation de nourriture ou de boisson, mais peut être plus large (c’est là la grande différence avec le ramadan). Cependant, le Mercredi des Cendres ainsi que les vendredis de Carême et surtout, le vendredi Saint, les fidèles catholiques sont tenus à l’abstinence et au jeûne, sauf cas particuliers (jeunes enfants, personnes malades ou âgées, personnes ayant un métier physiquement difficile…). « Chaque année, le carême offre vraiment aux croyants une occasion providentielle pour approfondir le sens et la valeur de l’identité chrétienne et, il invite à redécouvrir la miséricorde de Dieu pour devenir toujours plus miséricordieux envers ses frères humains. Pendant le temps du carême, l’Eglise propose différents engagements spécifiques pour accompagner concrètement les fidèles dans ce processus de renouvellement intérieur, engagements que nous avons évoqué ci-avant : la prière, le jeûne et l’aumône. »[1]. 
Quelles sont les origines du carême ?
La pratique du carême a été instituée au IVème siècle : il semblerait que ce soit au concile de Laodicée (dont les historiens ignorent la date précise), un des premiers conciles de l’Eglise, que la pratique de la xérophagie fut prescrite, c’est-à-dire l’usage exclusif du pain et des fruits secs durant le temps qui correspondrait au carême. Très vite, le carême se généralise comme temps de pénitence. Il faut attendre le VIIème siècle pour que le carême soit établi dans son calendrier actuel. Pour la plupart des fidèles, il est avant tout caractérisé par le jeûne avec un unique repas et, par l’abstinence (interdiction de la viande et des graisses animales, le beurre étant parfois toléré) étendue même aux dimanches. Les vendredi et samedi Saints, les fidèles devaient s’abstenir de toute nourriture, le jeûne était total. Dans le rite latin, les trois dimanches précédant le carême (la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime) étaient eux-mêmes inclus dans la préparation de Pâques. Cependant, les prescriptions de jeûne se relâchent peu à peu au fil des siècles et, dès le XIIIèmle siècle, on note que le repas de midi est autorisé et complété d’une légère collation le soir. 
Concernant le jeûne et l’interdiction de manger de la viande, il convient de faire quelques remarques. Comme de nombreuses règles religieuses, une justification « matérielle » ou purement « pratique » est souvent à l’origine d’une justification spirituelle plus tardive… Pour le carême, il permettait aux populations d’endurer les derniers mois de l’hiver, où les réserves en nourriture étaient au plus bas. Ainsi, la privation collective permettait d’atteindre le printemps sans passer par des phases de famine. De même, l’interdiction de manger de la viande explique l’importance des approvisionnements en poissons pendant le carême. 
La pénitence s’exprimait aussi par l’interruption des fêtes, des jeux, des mariages au sein d’une société largement christianisée. 
Enfin, très vite, le carême est devenu le temps par excellence des prédications. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le terme de Grand Carême désigne dans l’Eglise les sermons extraordinaires du dimanche et des jours de la semaine, tandis que celui de Petit Carême ne comprend que les instructions du dimanche. Au cours de la première moitié du XXème siècle et encore après, se tiennent à Notre-Dame de Paris les grandes prédications de carême. Aujourd’hui encore, cette tradition perdure sous la forme des conférences de carême et, pas seulement à Notre-Dame.
N’oublions pas que dès les premiers siècles de l’Eglise et, encore aujourd’hui, le carême est le temps privilégié pour la préparation au baptême, à la communion et à la confirmation des adultes (les catéchumènes) qui recevront les sacrements de l’Eglise au cours de la nuit pascale.
Quelle signification pour le carême dans notre société actuelle ?
Le carême aujourd’hui a la même signification que celle qu’il avait au VIIème siècle lorsqu’il a été officiellement établi dans le calendrier liturgique de l’Eglise catholique romaine. Il est « le temps privilégié du pèlerinage intérieur vers Celui (Jésus-Christ) qui est la source de la miséricorde. C’est un pèlerinage au cours duquel Lui-même nous accompagne à travers le désert de notre pauvreté, nous soutenant sur le chemin vers la joie profonde de Pâques. »[2]. Cependant, la mise en œuvre du Carême est aujourd’hui bien différente de ce qui a pu être vécu par les chrétiens dans le passé. En 1949, l’Eglise ne prescrit plus le jeûne et l’abstinence que le Mercredi des Cendres et le vendredi Saint. Cette prescription est toujours d’actualité. Durant tout le reste du carême, la pénitence, marquée essentiellement par le jeûne et l’abstinence, a pris chez les chrétiens pratiquants une nouvelle forme, sans doute plus « vraie » que celle pratiquée durant des siècles. Alors que les rites du carême tendent à tomber en désuétude, au même titre que bien des évènements religieux en raison de la sécularisation de la société, la pratique du carême est aujourd’hui plus personnelle. L’accent est surtout mis sur son caractère spirituel et, le jeûne est davantage perçu sous son aspect spirituel. Chacun décide de la façon dont il va cheminer vers Pâques, se privant de quelque chose qui dans sa vie tient de la place, voire parfois trop de place… Certains peuvent décider de se priver de nourriture, d’autres vont préférer se priver de sucreries, d’autres encore vont faire table rase pendant quarante jours de certaines addictions… Parfois, un bon cheminement spirituel peut se résumer à aller trouver une personne dont on apprécie que très modérément la compagnie, ou bien se réconcilier avec quelqu’un. Voilà aujourd’hui la véritable mise en pratique du carême chrétien. 
Revenons à présent sur la question du jeûne. Dans son ouvrage intitulé Petit vocabulaire de Dieu, le père Guy Lescanne, actuellement curé de la cathédrale de Nancy écrit « Rien que ce petit mot (le « jeûne ») peut à lui tout seul provoquer quelques « grises mines » ou quelques sourires entendus. Pas facile d’évoquer en ce début de vingt-et-unième siècle, au moins dans des pays d’opulence comme le nôtre, cette pratique ascétique, largement encouragée par toutes les grandes religions, qui consiste à se priver de toute nourriture, et même éventuellement de toutes relations sexuelles, pendant un ou plusieurs jours, ou encore, du lever au coucher du soleil. ». Il explique ensuite l’attitude assez réservée des chrétiens occidentaux à l’heure actuelle pour ce genre de pratique. Pourtant, affirme-t-il, la Bible « plaide pour » le jeûne. Le père Lescanne cite notamment le jeûne de Jésus au désert avant le début de sa vie publique (Mt 4,1-2). Le jeûne est un exercice spirituel qui doit avoir des conséquences sur tout notre être : il doit permettre l’élévation de l’âme vers Dieu et, en conséquence, nous permettre d’être bien dans notre corps et dans les relations que nous entretenons avec nos proches, nos amis, voire même nos ennemis ! Pas besoin du jeûne pour cela me direz-vous ! Certes, mais le jeûne a cette particularité supplémentaire d’élever la part de spiritualité qui existe en nous vers ce qui dépasse l’homme ! Jeûner, c’est se présenter face à Dieu dans une attitude d’humilité, c’est apprendre à se présenter face à Lui « les mains vides » (comme dirait sainte Thérèse de Lisieux) alors que notre société nous invite constamment à les avoir pleines, mais pleines de futilités ! Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament affirme le père Lescanne, le jeûne est « la manifestation d’une soif de profonde disponibilité, la manifestation du désir de cette ouverture radicale à Dieu duquel on attend tout. ». Et il poursuit « Si nous avons tant de mal aujourd’hui avec le jeûne (…), n’est-ce pas tout simplement parce que nous serions trop souvent sans vraie attente au cœur, sans désir suffisant de conversion, de « retournement vers Dieu »… comme si nous craignions de nous en remettre à Lui, de tout attendre de Lui. ».
Si le jeûne est une composante indéniable du carême, il convient de ne pas omettre les deux autres, tout aussi importantes : la prière et l’aumône. Jeûne, prière et aumône sont en réalité inséparables ! En effet, l’aumône invite le jeûne à être moins recherché comme une pratique vertueuse que comme une manière de se tourner vers les autres et vers Dieu. De même, la prière doit faire que le jeûne ne soit pas pratiqué en considérant d’éventuelles « performances » (sinon, on aurait rien compris…), mais elle l’appelle à être comme une attitude amoureuse de veille, attente de celui qui aspire à être comblé par une autre parole, une autre vie que la sienne. Le jeûne doit nous permettre de toujours plus aimer Dieu et nos frères ! Il doit également permettre aux croyants de devenir des gens « disponibles » habités par une vraie joie. C’est ce que dit Jésus dans l’Evangile « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre comme font les hypocrites. Ils prennent une mine défaite (…). Pour toi quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage. » (Mt 6, 16-17). Et cette joie, il faut la partager, c’est là le sens du message que les chrétiens veulent transmettre ! Rappelons que le jeûne doit se faire dans le secret « Ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes mais seulement à ton Père qui est là dans le secret. » (Mt 6,18).
Le carême est donc un temps liturgique long de quarante jours et, qui doit permettre aux chrétiens de se préparer spirituellement à célébrer dans la joie la résurrection du Christ. Institué dans les premiers siècles du Christianisme et déployé avant tout sous la forme d’un temps de pénitence durant lequel les croyants devaient être assidus à la prière, au jeûne et à l’aumône, il est devenu aujourd’hui une occasion plus personnelle de rencontre avec Dieu. Tout comme le ramadan, la pratique du carême offre une fois dans l’année la possibilité aux chrétiens de consacrer plus de temps à Dieu et à leur prochain. Un temps ascétique au sein d’une société de consommation et de plaisirs à outrance, voilà ce qui peut choquer certains ! Comment des gens peuvent-ils volontairement se priver, alors qu’au contraire, tout ce qui entoure l’homme moderne l’invite à posséder ? Mais de la privation ou de l’extrême possession, laquelle des deux pratiques est la plus humaine ?
Sources : 
Dictionnaire de la France médiévale, Jean Favier, Fayard, 1993.
Dictionnaire thématique Histoire-Géographie, Denis Brand et Maurice Durousset, Sirey, 2007.
Petit vocabulaire de Dieu, Guy Lescanne, Salvator, 2010.
Jésus-Christ expliqué par le Pape, Benoît XVI, Parole et Silence, 2011.
Recueil de messages du Pape Benoît XVI pour le carême
[1] Message de Sa Sainteté Benoît XVI pour le carême 2008
[2] Message de Sa Sainteté Benoît XVI à l’occasion du Carême 2006
Emmanuel ECKER.

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