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Paris sur les pas d’Eugène Atget & balade de Rambuteau au Panthéon

Par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

atget_Pantheon1924Cet été, j’ai découvert Atget et son Paris Ancien au musée Carnavalet, lors de l’exposition « Eugène Atget, Paris ». Prise par le temps, je n’ai pu en rendre compte par écrit.
Hier, il aurait fêté ses 156 ans. Je voulais ainsi l’accompagner un instant dans son « vieux Paris » pour arpenter en images des lieux disparus, oubliés, ou inscrits désormais dans notre quotidien.

Entreprise artistique documentaire et photographies topographiques, nous suivrons Eugène Atget dans le Paris qu’il immortalise avant que les choses ne disparaissent.  Puis nous partirons en balade à l’aide de ses photos de Rambuteau au Panthéon.

La démarche d’Eugène Atget

L’entreprise photographique d’Eugène Atget est systématique et son usage est documentaire. Il observe qu’il y a un véritable besoin d’images, de preuves, de détails, et de témoignages. Cela peut servir à corps de métiers dans l’architecture ou dans la peinture. Il décide alors de faire un catalogue de Paris, et s’appesantit sur les aspects désuets, typiques et pittoresques de la capitale.

marchande de lacets
Une de ses premières série de photos, saisit « les petits métiers de Paris » et les métiers qui tendaient déjà à disparaitre : marchand de parapluies, ramasseur de mégots, marchand d’abats-jour, ou chaisière (femme physionomiste qui permettait aux gens de s’asseoir sur une chaise dans les parcs parisiens en l’échange d’une modique somme). Il fait alors poser les petits marchands dans des mises en scène définies, comme l’afficheur derrière l’Eglise Saint-Germain-des-Prés ou le crieur de Paris.

Il procède par séries pour livrer un catalogue fidèle de la ville : « Paris pittoresque », « L’Art dans le vieux Paris », « Topographies du vieux Paris », ou « Paysages-documents », au fil de ses images, il dresse un témoignage topographique et historique de Paris sans l’épuiser complètement. 


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Il parcourt aussi bien Paris que sa périphérie, captant la vie qui en émane. Les nombreuses images des zoniers, ces habitants des bidonvilles qui étendent un peu plus la frontière de Paris. Pris entre la révolution industrielle et les grands travaux du Second Empire, ils tentent de se loger, repoussés dans les faubourgs par ceux qui viennent travailler à la ville. Ils vivent alors dans la « zone » souvent du métier de chiffonnier, qui consiste à revendre des déchets : que ce soit du papier, du métal ou du tissu. L’album qu’en dresse Eugène Atget circonscrit Paris, en passant notamment par la Poterne des Peupliers au sud ou la porte de Montreuil à l’est qui apparaissent comme des non lieux, des terrains vagues. Il révèle aussi des zones insalubres intra-muros, comme la Butte-aux-Cailles ou la Cité Valmy.

Le Paris disparu d’Eugène Atget

Il s’aperçoit en outre, que la modernité change la ville, comme elle fait évoluer l’époque et les mentalités. Il décide alors d’immortaliser des endroits qui s’apprêtent à disparaitre.
Il fixe ainsi les façades et les enseignes de la rue Saint-André des Arts, ses panneaux pour le traitement de maladies des oreilles, les chemins de fer de l’état ou son grand choix de pianos. Il s’attache aussi aux détails, comme aux ferronneries des grilles, aux escaliers et aux fontaines, au puits (comme celui du 4 rue de l’Essai dans le 6ème) et aux ouvrages médiévaux. Il consacre aussi toute une série aux cours pittoresques et disparues. Il nous livre alors des endroits aujourd’hui disparus : comme au 29 de la rue de Broca, ou au 7 rue de Valence qui date du 17ème siècle. Sur son cliché on y voit une voiture à cheval, dite hippomobile.

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28_rue_Broca_(Paris),_par_Atget_(vers_1919-1920)

La cour du Dragon avait abrité à la fin du 18ème siècle deux médecins dont l’un traitait les ulcères et maladies cancéreuses tandis que l’autre distribuait un remède contre le mal de tête. Puis durant les 30 glorieuses, en juillet 1830, elle devient un lieu où les émeutiers se fournissent en barres de fer. Les ferrailleurs y ont en effet quelques boutiques. Il ne reste aujourd’hui que l’ouvrage qui domine la porte du 50 rue de Rennes, qui ornait à la base un portail magnifique, qui avait été classé monument historique en 1920. En cette qualité, elle attirait les amoureux du Paris ancien, qui venaient voir cet endroit qui ne bougeait pas. Mais le temps passant sur la Cour comme sur les habitants, celle-ci commence à être désertée, et de plus en plus abandonnée. La végétation et les chats sauvages l’investissent. Sa démolition est prononcée en 1934, et on parvient à sauver le portail. Le dragon est emmené au Musée du Louvre.

Cour du Dragon
Cour du Dragon

En 1914, Eugène Atget fixe aussi le Parc Delessert, désormais disparu. Il s’agit d’un parc privé à Passy, appartenant à la famille aisée du même nom. Benjamin Delessert avait alors racheté l’ancien parc des eaux minérales de Passy et il en avait repris l’exploitation après la Révolution Française. Lorsqu’Eugène Atget le photographie, il en capte tout le côté naturel et sauvage, en soulignant ses contrastes : un chalet suisse côtoie un escalier en vieilles pierres… Dans ces images on sent le goût pour la Nature du photographe, qui parvient à rendre toute la poésie des lieux (c’est aussi le cas sur les images du Parc de Sceaux ou de Versailles).

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Enfin la maison de Mimi Pinson, héroïne de Musset et devenue une légende du quartier de Montmartre, que nombreux artistes ont immortalisée.

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Mimi Pinson est une jeune fille pauvre qui devient rapidement le symbole de l’insouciance, de la joie de vivre malgré sa condition, de la grisette généreuse. Elle tombera amoureuse d’un jeune bohémien dans l’écrit de Musset. Le personnage est repris dans les opérettes, des chansons et la maison est attribuée plus tard comme lui ayant appartenu. Quand l’immeuble qui remplace sa maison est construit il affiche des moulures rappelant sa maison, et le château d’eau de Montmartre s’érige désormais dans ce qui était le jardin de Mimi Pinson.

Une balade dans le Paris d’Eugène Atget

A présent si nous devions nous promener dans la capitale, avec en tête les images d’Eugène Atget, nous pourrions suivre un itinéraire comme celui-ci :


Agrandir le plan

Rue Brisemiche
Au départ de la station de métro Rambuteau, nous prenons la direction du Centre Georges Pompidou, par la sortie de la Rue du Grenier Saint Lazare. A gauche, nous nous engageons dans la rue Saint Martin, que nous descendons, jusqu’au croisement de la rue de Venise. Ici se trouve la Fontaine Maubuée, une des plus anciennes fontaines parisiennes, elle date de 1733, et elle n’est plus alimentée aujourd’hui. Elle se trouvait initialement à l’endroit du Centre Pompidou, mais elle a été remontée en ce lieu. La fontaine actuelle est ancienne mais elle en a remplacée une plus ancienne, pour preuve elle est citée dans le Testament de François Villon, « A Maubué sa gorge arrouse » (Qu’il arrose sa gorge à la fontaine Maubué) en 1461. C’est l’occasion de jeter un regard dans la rue de Venise, qui ressemblait à l’image que nous livre Eugène Atget ci-contre.

28 rue mazarine Atget
En descendant ensuite la rue Saint-Martin, croisant la rue de Rivoli, la rue Victoria et les quais, il faudra traverser la Seine, en longeant le quai de l’Horloge, et passer sur le Pont Neuf.

En longeant le quai de Conti, vers le Pont des Arts, il faudra prendre à gauche dans la rue Guénégaud. Une fois la rue descendue, vous parviendrez à la rue Mazarine que vous continuerez jusqu’au 28. Derrière la petite porte arrondie, se trouvait la petite cour qu’Eugène Atget saisit ici.

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Revenez sur vos pas et tournez à droite, vous remontez alors la rue de Seine, pour vous engagez à gauche dans la rue Visconti. Dans cette petite rue étroite, les maisons du 14 et du 16 étaient dans un état d’insalubrité évidente. Atget photographie la petite cour sur laquelle donnaient les écuries, et la cuisine. Les escaliers conduisent aux étages et aux caves. Elle accueillait aussi une pierre à laver et un puits.

Davantage d’informations ici

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A nouveau revenez sur vos pas, pour descendre la rue de Seine. A partir du 38, vous aurez le point de vue connu de l’angle de la rue de Seine et de la rue de l’Echaudé, qui a été pris à plusieurs reprises par Eugène Atget. Le mince immeuble et ces représentations de rue désertes fascinent aussi plus tard Walter Benjamin, qui dira de ces rues et ces photos qu’elles ont presque une valeur de pièce à conviction.

Cour de Rohan
Continuez la rue de Seine et prenez à gauche dans la rue de Buci, puis prolongez dans la rue Saint André des Arts, jusqu’à arriver à un portail sur votre droite, au numéro 61. Engagez vous dans la Cour du Commerce Saint-André, puis prenez à gauche dans la Cour de Rohan. Cette voie semi-publique date du 16ème siècle, et Henri II y fit construire plusieurs bâtiments pour sa maîtresse Diane de Poitiers. Son nom est dérivé de l’hôtel de l’Archevêque de Rouen voisin.

Vous pourrez poursuivre dans la rue du Jardinet. Puis à Odéon, prenez la rue Danton pour redescendre vers la Seine, puis sur votre droite la rue Séverin, en croisant le boulevard Saint-Michel, la rue de Harpe et le boulevard Saint-Jacques. Faites le tour par l’impasse Salembrière, la rue de la Bucherie (où on déchargeait les bûches au Moyen-Age), passez devant la jolie Librairie Shakespeare and Company au 37,  pour revenir sur la rue Saint-Julien le Pauvre. Cette très ancienne voie a pris le nom de l’Eglise Saint-Julien le Pauvre à laquelle elle conduisait. A l’angle de la rue Galande, vous pourrez voir les quelques maisons à pans de bois et des vestiges de la chapelle Saint Blaise qui était le siège de la confrérie des maçons charpentiers. Ici on reconnait assez bien les lieux d’après la photo d’Eugène Atget.

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Rue-Galande_Atget

Vous remonterez ensuite vers la rue de la Montagne Sainte-Geneviève, en prolongeant la rue Galande, puis la rue Lagrande, pour passer sur la place Maubert, et remonter vers le Panthéon.

atget_pantheon
Vous le verrez avec un peu de chance sous les rayons de soleil ou émerger comme ici de la brume…

Vous n’êtes alors pas loin des stations de métro : Cardinal-Lemoine ou Maubert Mutualité sur la ligne 10 en redescendant derrière vous, ou de la station de RER B Luxembourg si vous poursuivez et que vous descendez la rue Soufflot.


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