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Radoter le réel

Publié le 22 février 2013 par Perce-Neige
Radoter le réel Personne ne peut contester que la structure même du réel que nous avons peut-être connu, est, aujourd’hui, en passe de disparaître complètement au profit de ce monde, virtuel, qui s’étend à mesure que nous en parlons. Ainsi en sommes-nous réduits, définitivement, à radoter constamment  notre rapport aux autres qui se construit plus vite que nous ne sommes en mesure d’en convenir... Parmi tout ce qui se dit et s’écrit à ce propos, les réflexions de Michel Maffesoli, dans « Imaginaire et postmodernité » (éditions Manucius) me paraissent particulièrement pertinentes : 
Il n'est pas inutile de regarder loin en arrière pour savoir apprécier ce qui est en train d'advenir. Pour ma part, j'ai souvent dit que la postmodernité naissante pouvait se comparer à cet autre moment fondateur qu'était la fin de l'empire romain, les IIIe et IVe siècles de notre ère. Les institutions officielles sont là, apparaissent solides, et déjà vermoulues de l'intérieur. Les idéologies établies sont les seuls discours autorisés, mais personne n'y prête attention. Tout a le goût insipide du déjà-vu et déjà entendu. Et c'est ailleurs que les esprits exigeants cherchent à faire leur miel. Très précisément, au sein de ces cultes à mystères, pullulant à cette époque dans l'empire romain finissant. Orphée, Mythra, Christianisme naissant. Voilà entre autres, les communautés où l'on ne se contente pas des incantations éculées et quelque peu mortifères, Voilà les « sites » où se vit la vraie religion. Celle s'occupant des autres, des vieux, des malades, des jeunes. Celle qui est en phase avec la vie de tous les jours. En bref, celle où l'on rentre en reliance avec l'altérité. C'est-à-dire avec l'autre de la proximité (le social) et avec l'Autre du lointain (la déité). Le « mystère » est ce qui unit des initiés entre eux, ceux partageant les mêmes mythes. Mais qu'est-ce qui a fait que dans la floraison de ces cultes, et alors qu'ils avaient des spécificités assez proches, seul le christianisme ait survécu ? Certes les raisons doivent en être multiples. Puis-je en privilégier une ? Comme un corps sécrétant ce qui permet sa survie, les petites sectes chrétiennes vont sécréter le dogme de la communion des saints. Unissant les morts aux vivants et ceux-ci entre eux. Ainsi la communauté de Rome est-elle unie, en esprit, à celle de Lyon, de Narbonne, de Milan. Ainsi se crée, en pointillé, une union qui va donner naissance à une Église d'importance et à une culture dont toute l'Europe est issue. Grâce à cette « communion », un commerce va s'établir entre les diverses églises locales. Échanges et partages constituant un corpus mysticum tirant toutes les conséquences doctrinales et organisationnelles de la reliance dont il a été question. Revenons à ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Même processus initiatique, mêmes échanges et partages de tous ordres. Le Peer to peer est à l'ordre du jour en de nombreux domaines. De même c'est par contamination électronique que se développent les phénomènes altermondialistes, la diffusion des informations, les rassemblements frivoles ou sérieux. Un terme traduit bien tout cela: floshmob, la mobilisation instantanée. Même dans l'ordre de la connaissance, avec les grossières erreurs et méfaits que l'on sait, Wikipedia tient le haut du pavé, symbole, s'il en est, que le savoir ne vient plus du haut, qu'il n'émane plus d'un pouvoir vertical, mais se répand à l'image de la puissance de base, d'une manière horizontale. Ce ne sont là que quelques indices de la cyberculture naissante. Le développement technologique qui avait participé de la « démagification » du monde et contribué à l'isolement des individus, à ce que l'on peut appeler la grégaire solitude, s'inverse en son contraire, et contribue à une nouvelle reliance: être, toujours, en contact, en union, en communion, être branché. Oui, c'est bien une nouvelle culture qui s'élabore avec Internet. Le «cyberspace» est un lien, aux contours indéfinis, infinis, où d'une manière matricielle, s'élabore la rencontre avec l'autre, où se conforte le corps social. Ne peut-on pas dire, de ce fait, qu'il constitue la communion des saints postmoderne.

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