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Pourquoi pas un petit dépistage pour bien commencer ta journée ?

Par Jeuneanecdotique
27 février 2013

Pourquoi pas un petit dépistage pour bien commencer ta journée ?

J'ai testé pour vous : le dépistage du sida.

Sortant d'une relation particulièrement longue, j'ai décidé, il y a quelques temps, qu'il valait mieux prévenir que guérir : j'ai pris rendez-vous pour un test de dépistage du VIH, Hépatite et toutes les saletés du genre. Mon ex n'avait pas le sida, MAIS : imaginons qu'il m'ait trompé, imaginons qu'il m'ait montré de faux résultats, imaginons qu'entre temps il se soit fait perfusé et contaminé sans le savoir... Qui l'aurait choppé, ensuite ? BIBITE ! (Pour cette blague de merde : Pardon, mais c'est trop bon).

Voilà, donc, comment j'ai pris la décision d'aller dans le couloir de la mort. Parce que c'est un peu ça, en fait. Le Sida, c'est tellement flippant comme concept, que j'ai eu l'impression d'y aller pour me faire confirmer que je l'avais, et non pas que ça allait très bien. Je suis une endive complètement chochotte qui se dit qu'entre deux possibilités, elle tombera toujours sur la pire, car elle n'a pas de chance. Alors, je ne sais pas comment je l'aurais attrapé, et comment cela se ferait-il : mais une fois à l'intérieur de ce lugubre dispensaire, j'étais convaincue d'être malade. C'est débile, et à la limite de l'hypocondrie sans doute, mais je suis très sensible aux maladies, à tout ce qui me fait risquer ma vie. J'ai déjà conscience du risque que je prends en traversant la route, alors imaginez en revoyant, après coup, mes trois années de vie sexuelle régulière avec un homme de 31 ans ayant eu vingt-sept copines dans sa vie et donc vingt-sept risques. Putain, ça y'est, je suis malade. Je vais mourir. J'ai peur.

J'ai pris rendez-vous le matin. Tôt. Je ne me souvenais même plus à quoi ressemble le monde avant onze heures du matin. Je redécouvre la vie, la lumière du jour complètement différente de celle de l'après-midi, tous les petits vieux avec la baguette sous le bras et les enfants qui se promènent en rang avec le centre de loisirs. Et aussi, je me paume, mais c'était presque prévisible. Je me trompe de cabinet médical, je fais le tour du quartier en priant mes doigts et mes pieds de survivre au froid glacial encore quelques minutes, et quand enfin je pénètre dans le bon bâtiment : je n'arrive plus à respirer. J'ai peur. J'ai le sida, putain, c'est obligé.

Je m'assois face à la secrétaire. L'imprimante tombe en panne. Ca râle à tout va, paraît que c'est la première fois que ça arrive. Je ne peux m'empêcher de voir ça comme un signe, le signe que je porte malheur et que ma venue en cette antre ne me présage qu'un avenir sombre et incertain. Je tente de me coller un sourire crispé sur le visage (le genre de sourire qui dit : "Je n'ai pas du tout envie de sourire, sale bourrique"), pendant que la dame me sort le couplet habituel de la modernité, des machines même pas foutues de fonctionner et du Conseil Régional qui préfère se tripoter que venir les réparer. J'arrête de sourire. C'est fatiguant de sourire.

Elle me mène jusqu'à une autre dame, dans un autre bureau. Cele-ci commence à m'interviewer assez intimement sur ma vie sexuelle. Finalement, je préférais la dame qui gueulait sur son imprimante.

Elle me demande pourquoi je veux faire le test. Je me retiens de dire que, si je ne m'abuse, tout le monde vient pour un peu la même chose : ai-je ce putain de sida, oui ou merde ? Je dis que je sors d'une longue relation, et qu'on ne sait jamais. Elle me demande si j'ai eu des rapports non-protégés. Je dis que oui, en trois ans, j'en ai eu quelques-uns, quand même. Elle me demande l'âge de mon ex... 31 ans. Son nombre de partenaires.... 27. Elle fait la moue. Ma terreur se réveille de sa sieste. Putain, j'ai le sida.

Date du dernier rapport ? A ce moment-là, je me dis qu'elle est bien chanceuse que ma dépression post-rupture soit de l'histoire bien ancienne, sinon, parler de mes rapports sexuels avec mon ex aurait pu me rendre très casse-couilles, genre "Vous parlez, pour ce qu'il me faisait au lit, peut-on bien parler d'un rapport sexuel ? Vous savez à quand remontait la dernière fois qu'il m'avait touchée les seins ? Et puis, le meilleur, c'est qu'il m'a larguée par texto. Et je suis sûre qu'il m'a trompée, cet imbécile. Et vous savez qu'il ne me faisait jamais de cunni ? Alors que..." "DATE du dernier rapport, s'il vous plait". 3 janvier. Très bien, c'est parfait.

Elle me demande si j'ai quelqu'un d'autre. Je me prends pour Britney Spears, avec toutes ces questions. Ma vie sexuelle est-elle si intéressante que ça ? Que j'aie quelqu'un ou non, le résultat du test sera le même... Oui, j'ai quelqu'un d'autre. Elle veut savoir si j'ai déjà eu des rapports avec mon nouveau partenaire. Fichtre diable ! Bien sûr que non ! Mais c'est bien parce qu'il est loin, parce que sinon, je peux vous dire que j'aurais arrêté de me frotter aux portes depuis longtemps pour lui faire sa fête, à mon petit chéri ! Ah, comment ça, elle s'en fiche ? Elle demande, aussi...

Après les questions élémentaires sur les tatouges, percings, hospitalisations, vaccins... Elle me remercie de mes réponses et m'emmène dans un autre bureau. Encore un ? Peut-on enfin me pomper mon sang et me laisser retourner me coucher, zut ? J'ai l'impression de passer un casting.

Dans le dernier bureau, je suis accueillie par deux gentilles dames qui me scrutent avec un sourire benêt sur le visage. Ok, donc on m'a mentie, c'est bel et bien un casting !

Je ne sais pas comment, mais j'en viens à me faire engueuler de ne pas avoir déjeûné (ok, un coup de double-décimètres sur le bout des doigts suffira), et à me sentir forcée de rajouter une couche de justification à chaque mot que je prononce.


"Ah mais moi je fais la guerre aux gens qui ne mangent pas le matin !"

"J'ai changé de rythme depuis peu, j'ai du mal à manger le matin, j'ai perdu l'habitude".

"Pourquoi ?"

"Parce que j'avais des cours et des stages et que c'est en pause pour le moment."

"Pourquoi ?"

"Parce que ce sont des cours à domicile..."

"Pourquoi ?"

"Parce que."

Voilà, tu me connais par coeur, t'es contente ?

Et enfin, the show must go on. On me fait la prise de sang. Elle s'est faite désirer, la coquine. Bizarrement, les prises de sang ne me font ni mal ni tomber dans les pommes. Au contraire, ça me fait rire. Je rigole comme une grosse baleine dès que j'ai une aiguille dans le bras, ne me demandez pas pourquoi, les méandres de mon inconscient sont bien trop tumultueux pour être analysés. Mais là, je ne rigole pas. Les yeux dans le vide, j'essaie d'auto-sécher par la seule force de mon esprit les sueurs froides qui me dégoulinent dans le dos. Je vois les tubes se remplir de mon sang, et je ne peux m'empêcher de me dire : "Et si j'étais malade ?"

La dadame laisse son étudiante infirmière me faire la piqure et papote tranquillement avec moi. Elle est très gentille, j'aimerais bien prendre un thé avec elle, mais ses remarques sur mon mode de vie me tapent sur les nerfs. Elle me demande si j'utilise un contraceptif. Oui mais non pas trop en fait. J'en utilisais un, mais j'ai arrêté, et là, je vais recommencer. Pourquoi vous avez arrêté ? A cause d'une rupture. Depuis combien de temps ? Un mois et demi. Et vous allez la reprendre ? Oui. Pourquoi ? Parce qu'il y a quelqu'un d'autre, maintenant. Ah... Vous n'auriez pas trouvé ça plus intelligent de continuer votre pilule même en étant célibataire, du coup ?

A cela, deux réponses possibles :

La réponse "J'ai pas de couilles" : Si, peut-être, enfin, je sais pas. Je pensais pas me remettre en couple avant longtemps. (traduction : je m'imaginais déjà croupir dans un couvent jusqu'à ma mort avec des toiles d'araignée à l'entrecuisse).

La réponse "J'ai des couilles et tu m'emmerdes" : Non, je ne vois pas pourquoi je continuerai à faire subir cette dose d'hormones trafiquées à mon pauvre corps tant que ça n'est pas nécessaire, j'ai pas que ça à foutre et d'abord si j'ai envie d'être conne et d'arrêter ma pilule quand je suis célibataire, je le fais, nananère.

J'offre un bonbon à ceux qui devinent si, oui ou non, j'ai eu des couilles. C'est épineux, comme choix, quand même.

On passe ensuite à la partie la plus glamour de ma matinée : l'auto-prélèvement vaginal. Un petit cheval trotte à toute allure dans ma tête pour tenter de trouver le plus rapidement possible la meilleure manière de dire : "Heu mais en fait je préférerais aller me faire faire un frottis par un professionnel que de m'enfoncer toute seule ce coton-tige dans le vagin, parce que c'est à dire que j'ai trois mains gauches et que je n'ai pas envie de me blesser". J'ai été lâche, comme d'habitude. Sous l'oeil un poil insistant d'un homme assis dans la salle d'attente, mon coton-tige dans une main et ma honte dans l'autre, j'ai été aux toilettes accomplir ma pénitence. Et bien sûr, je me suis faite mal. Pendant quelques secondes, je me suis dit que je devais vraiment être empotée pour me faire mal avec un coton-tige alors qu'un membre intime masculin ne me pose aucun foutu problème.

Je reviens et demande si, par hasard, il est normal d'avoir pleuré ma maman durant le prélévement. L'infirmière me répond que non, l'air de dire que j'ai dû touiller là-dedans comme une grosse malade et que ce n'est pas la faute à leur pauvre petit coton-tige. Enfin, BREF.

On me dit que je peux passer chercher mes résultats dans une semaine. Je me retiens de dire "Et sinon, dans une heure, c'est possible ? C'est pas que je flippe, mais voilà, un peu quand même". Au lieu de ça, je dis merci. Au revoir.

Je rentre chez moi, trouvant déjà le temps très long d'ici mercredi prochain. Je regarde la date. Merde, on est même pas encore jeudi ? Mais qui a arrêté le temps ?

J'ai peur. J'en parle à la personne la plus habilitée à me répondre "PFFF, mais que t'es gourde ma pauvre Ellie !" : ma grand-mère. Elle aimait bien Benoît, elle me dit que ce n'est pas le genre à m'avoir refilé de la merde. Je souris hypocritement. La seule chose qui pourra me rassurer, finalement, c'est d'avoir les résultats. Négatifs. Parce qu'il n'y a aucune purée de raison que cela soit positif. Aucune, hein ?

Pour me détendre, je vais aux toilettes. J'aime bien aller aux toilettes. Je sursaute. Hé mais c'est que ça douille, punaise. J'ai maaal. Je râle. Je pleurniche dans les bras de ma maman.

Moralité :

Le dépistage du sida, ça pue un peu de la bouche, mais d'un côté, c'est nécessaire. Alors, quand j'irai récupérer mes résultats et que je saurai que je ne suis pas malade, je leur sourirai. Sincèrement. Mais en attendant, je retourne écouter les Jonas Brothers pour entamer une régression d'âge mental qui permettra, avec un peu de chance, de renvoyer ma terreur faire sa sieste d'ici mercredi prochain.

Pourquoi pas un petit dépistage pour bien commencer ta journée ?
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