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Staline, le tyran rouge

Publié le 11 mars 2013 par Oz

(Publié dans Le Monde du 12 mars 2007, pour la première diffusion du documentaire, sur M6)

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Quand bien même l’on serait érudit sur le sujet, il n’est pas certain que l’on ait déjà vu une photo de lui sous ce jour-là. Une pâle lueur éclairant son profil, un bref mouvement du menton, les ombres qui jouent avec les rugosités du visage : Joseph Vissarionovitch Djougachvili, alias Joseph Staline, gardait la peau grêlée d’une variole contractée dans sa tendre enfance au séminaire.

L’image est fugace, elle ne dure que quelques fractions de seconde. Mais elle pourrait à elle seule suffire à résumer ce documentaire de Serge de Sampigny et Mathieu Schwartz, qui s’inscrit dans le droit-fil de Hitler, la folie d’un homme, et de Quand l’Algérie était française, déjà diffusés par M6. Comme pour les deux volets précédents, il ne s’agit là encore que de documents d’époque, de films en noir et blanc colorisés.

Sauf que la tâche des réalisateurs a été plus ardue. « Notre principale ennemie fut la propagande », témoigne ainsi Mathieu Schwartz. Le maître du Kremlin a tellement poussé loin cet art qu’il n’existe en effet quasiment plus de films ni de photos qui ne soient passés sous les ciseaux ou la retouche de la censure. Pis encore. Au Kremlin sous le joug du « tyran rouge », pas de documents personnels, pas de télévisions étrangères. Que des sources officielles dûment corrigées. Si bien qu’il ne reste quasiment qu’une image de Staline : celle, très officielle, d’un « Petit Père des peuples » héros de la guerre et chéri de son peuple. De l’autre côté du miroir, M6 nous montre ici un petit homme d’1,60 m au visage grêlé, agoraphobique, qui ne sortait quasiment jamais du Kremlin et qui peu à peu s’est éloigné de tous.

« Comment cet homme qui disait vouloir faire le bonheur de son peuple s’est-il transformé en l’un des plus sanguinaires tyrans de son époque ? », s’interrogent les réalisateurs. Et pour mieux comprendre le barbare cheminement du maître du Kremlin, il leur a donc fallu se glisser dans les rares interstices de lumière qui sont parvenus à percer, malgré tout, l’opaque rideau de la censure. Un instant d’inattention, un rush oublié, un effacement négligé… Ici, le film d’une touriste à qui on ne demande pas d’ouvrir ses bagages : lady Mountbatten immortalise une longue fille d’attente devant un magasin, alors qu’en trente ans de règne de Staline, il n’en existe par ailleurs aucune image. Là, un coup de gomme bâclé, qui efface le visage de Trotski mais laisse un bras s’agiter dans la foule. Ici encore, un coup de ciseau raté, qui laisse entrevoir le vilain héritage de la variole.

Décryptées, les images de la propagande, elles aussi, peuvent d’ailleurs alimenter cette autre vision des trente ans de règne. Les images de la jonction de l’Armée rouge autour de Stalingrad en février 1943 ne sont ainsi qu’une reconstitution qui exacerbe plus encore la fierté russe.

Peu à peu, ainsi, à travers la grande histoire de la guerre et du siècle dernier, se dessine aussi le portrait inattendu d’un homme et d’un pays. Une autre histoire, en somme, « sûrement pas racontée comme Staline l’aurait voulu », conclu Mathieu Schwartz.

Olivier ZILBERTIN


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