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Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski et Tom Tykwer

Par Geouf
Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski et Tom TykwerRésumé : Au travers des siècles, de la Polynésie de 1849 au Néo Séoul de 2144 en passant par le San Francisco de 1973, six histoires différentes mais cependant connectées suivant les destins séparés mais parallèles de nombreux personnages.

Quatre ans après le mésestimé Speed Racer, Andy et Lana Wachowski livrent enfin leur nouveau film, adaptation du roman La Cartographie des Nuages de David Mitchell. Une œuvre ambitieuse, difficilement adaptable, car écrite sous formes de nouvelles s'étalant sur plusieurs siècles, suivant plusieurs personnages, dans des univers totalement différents, et surtout avec un ton et une narration différents. Un défi de taille pour une adaptation cinématographique, le mélange des genres étant souvent indigeste, mais relevé avec brio par le duo, ici rejoints par le réalisateur Tom Tikwer ( Cours, Lola, cours).

Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski et Tom Tykwer

Cloud Atlas raconte donc les destins de six personnages différents à six époques : le long voyage de retour par bateau d'un jeune homme depuis la Polynésie en 1849, la rencontre entre un jeune compositeur et un maestro dans l'Angleterre de 1936, l'enquête d'une journaliste sur les agissements troubles des propriétaires d'une centrale nucléaire en 1973, les mésaventures d'un éditeur britannique en 2012, la quête de vérité d'une clone dans le Néo Séoul de 2144, et les aventures du membre d'une tribu sauvage dans un lointain futur post-apocalyptique. Le premier tour de force de Cloud Atlas est d'avoir réussi à donner une égale importance (et un égal intérêt) à toutes ces histoires, sans céder à la facilité de réaliser un " simple " film à sketchs abordant chaque histoire du roman les unes à la suite des autres. Au contraire, les réalisateurs ont éclaté la narration des différents segments, passant de l'un à l'autre avec maestria, pour pouvoir souligner les parallèles entre eux. Construit tout entier comme une symphonie (et porté par la magnifique bande originale co-composée par Tom Tykwer), avec des mouvements lents, de soudaines accélérations, des crescendos lyriques et moments plus calmes, Cloud Atlas est un modèle d'écriture et de montage.

Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski et Tom Tykwer

Un défi d'autant plus grand que chaque segment aborde un genre différent, et que le tout aurait pu très vite s'avérer totalement indigeste. Difficile en effet de proposer un tout harmonieux en passant du film post apocalyptique à la comédie british légère, le thriller politique des années 70 ou la science-fiction matrixienne. Et pourtant, les différents segments sont parfaitement intégrés les uns aux autres, sans que le spectateur ait jamais l'impression qu'ils se télescopent ou que l'un n'ait pas sa place dans l'ensemble. On passe du rire aux larmes en l'espace de quelques minutes, de la comédie débridée à la science-fiction glaçante. Thématiquement, Cloud Atlas est aussi d'une densité peu commune. Au travers des histoires de ces différents personnages, Tykwer et les Wachowski s'interrogent sur la destinée, les cycles éternels que l'Humanité semble s'imposer, le besoin d'engagement pour des causes a priori désespérées, les événements qui créent les révolutions... Beaucoup de concepts philosophiques déjà abordés dans la trilogie Matrix, mais ici beaucoup mieux intégrés. Car contrairement à la trilogie culte, Cloud Atlas ne sacrifie jamais l'émotion ni les personnages sur l'autel de longs dialogues alambiqués ou de scènes d'action sans réel enjeu. Le film est certes spectaculaire, mais cette fois ce sont les personnages et leurs choix qui font avancer l'histoire, et l'attachement à ceux-ci est bien réel. On rit avec eux, on pleure avec eux, et le destin d'aucun d'entre eux ne nous laisse indifférent. Le choix audacieux de faire jouer plusieurs personnages aux mêmes acteurs, s'il s'avère parfois un peu étrange visuellement (les maquillages des acteurs occidentaux en asiatiques ne sont pas des plus heureux), renforce pleinement la thématique du film, tout en lui donnant un aspect ludique bienvenu. Visiblement ravis de se voir offrir une telle opportunité, les acteurs du film s'en donnent à cœur joie, que ce soit un Tom Hanks habité par ses différents rôles, une Halle Berry qui renaît enfin de ses cendres, un hilarant Jim Broadbent, le toujours glaçant Hugo Weaving qui incarne ici une tripotée de salopards de la pire espèce, ou les plus discrets mais néanmoins excellents Jim Sturgess, Ben Whishaw et James d'Arcy. Celle qui remporte le morceau reste cependant Doona Bae, très juste en leader malgré elle d'une révolution. On ne peut s'empêcher occasionnellement de se demander si le film n'aurait pas valu le coup d'être tourné en performance capture, mais on se dit en même temps qu'il aurait été dommage de se priver des magnifiques décors et costumes proposés par ce voyage au fil des siècles.

Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski et Tom Tykwer

Car plus que jamais, les Wachowski et Tykwer se posent en maîtres de l'image en proposant un cinéma total et absolu. En plus d'offrir au spectateur des scènes d'action spectaculaires (la poursuite dans le néo Séoul, l'attaque des cannibales) et des images puissantes qui resteront sans aucun doute dans les mémoires (la cauchemardesque vision de l'usine de " retraitement " des clones, les magnifiques vues du vaisseau ramenant Jim Sturgess au pays), les cinéastes utilisent pleinement les images pour faire passer les émotions ou les idées véhiculées par le film. Que ce soit par le montage, la musique, les effets de caméras, les correspondances dans les costumes, accessoires et décors, les nombreuses références cinématographiques et littéraires ( Blade Runner, Soleil Vert, Farenheit 451), Cloud Atlas fourmille de mille et uns détails enrichissant l'expérience.

Tour de force narratif et impressionnant spectacle visuel, Cloud Atlas est le genre d'expérience cinématographique dont rêvent tous les cinéphiles : un film intelligent, dense, magnifique. Au sortir de la salle, on n'a envie que d'une chose : retourner immédiatement revoir ce nouveau chef d'œuvre.

Note : 9.5/10

USA, Allemagne, 2013
Réalisation : Tom Tykwer, Andy et Lana Wachowski
Scénario : Tom Tykwer, Andy et Lana Wachowski
Avec: Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Jim Sturgess, Hugo Weaving, Doona Bae, Ben Whishaw, Keith David, James d'Arcy, Hugh Grant, Susan Sarandon


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