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La France a entrepris une guerre au Mali (la suite: on ne négocie pas avec ces gens…)

Publié le 21 mars 2013 par Donquichotte

Le 15 janvier dernier j'écrivais déjà sur cette guerre... qui ne se termine pas. Les effets (les corollaires, les "inattendus", les dommages collatéraux...) se multiplient...

Dans le Mondedu 27 février 2013, la guerre a d'autres visages; peut-on parler d'effets collatéraux? Un extrait...

** La famille française enlevée au Cameroun apparaît sur une vidéo postée sur Internet

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 25.02.2013 à 17h59 • Mis à jour le 26.02.2013 à 08h26

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Le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian, a affirmé mardi 26 février que la France "ne négocie pas" avec des groupes comme celui qui a enlevé les sept otages français au Cameroun.

"On ne négocie pas sur ces bases-là, avec ces groupes-là", a déclaré le ministre sur RTL à propos de la revendication sur une vidéo diffusée la veille par le groupe Boko Haram, qui exige la libération de djihadistes détenus au Nigeria et au Cameroun contre celle des otages.

La famille de sept Français enlevée le 19 février au Cameroun apparaît pour la première fois dans une vidéo postée sur Internet, aux côtés de ravisseurs disant appartenir au groupe islamiste nigérian Boko Haram. 

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a dénoncé des "images terriblement choquantes", qui "démontrent une cruauté sans limites".

Ils (le gouvernement) ne négocient pas... oui, mais que feront-ils? Comme si cette chasse à l'homme entreprise il y a quelques jours (avec les Nigérians et les Camérounais) pouvait donner autre chose que la mort des otages. C'est surréaliste, presque "sublime", non pas au sens où cette "chasse à l'homme" mériterait une admiration totalement enthousiaste, mais au sens où une telle déclaration, "on ne négocie pas avec ces gens là", qui se veut grande et d'un haut niveau moral, cherchant presque à être sublime, n'atteint, c'est mon sentiment, qu'une grandeur sordide et inconsciente que Montherlant verrait bien ainsi: "Alors, si on continuait ça finirait sûrement très mal, car, quand on fait joujou à être sublime..." (dans le Grand Robert).

Dans le Dictionnaire culturel en langue française, on rappelle que "vers 1870, un emploi très particulier de sublime et un dérivé, sublimisme, ont été lancés pour discréditer les théories socialistes"; ainsi Poulot (dans Question sociale, Le Sublime) définissait "sublimisme" comme une "lèpre capitale qui ronge la classe laborieuse". Je vois bien cette définition convenir à la déclaration péremptoire, et sans discernement, du gouvernement français "on ne négocie pas avec ces gens-là". Elle a un relent de lèpre qui ronge, d'un mal qui s'étend, j'entends que cette déclaration (les AUTORITÉS américaines, anglaises, algériennes, et bien d'autres, disent de même),  c'est la "lèpre de l'attitude politique aveugle et incapable de prévenir et d'anticiper", c'est une lèpre moderne, une "lèpre capitale qui ronge la classe politique", celle de nos sociétés bien incapables de voir "ante et au-delà" des mouvements sociaux et politiques extrêmes, comme le djihadisme, bref une lèpre qui entretient un climat de peur constante et qui justifie toutes les actions de représailles, de non-négociation, de torture (on obtient ainsi des renseignements), de GUERRE, finalement.

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Dernière heure, dans Le Monde, 18 mars 2013...

** Otages : la France ne veut plus payer

LE MONDE | 18.03.2013 à 13h48Jacques Follorou

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 "L'exception française en matière de gestion de prise d'otages à l'étranger a vécu. Le chef de l'Etat, François Hollande, a fait savoir, directement et indirectement, depuis la mi-janvier, à l'ensemble des familles de citoyens français actuellement détenus dans le monde que la doctrine avait changé. La France ne paiera plus.

Depuis vingt-cinq ans, soit depuis les enlèvements au Liban, la politique française consistait à refuser officiellement toute négociation avec les ravisseurs. Dans les faits, des rançons ont été régulièrement versées.

Désormais, non seulement l'Etat refusera toute transaction financière, mais il s'opposera "à toute forme de versement", selon les termes d'un conseiller ministériel, ce qui vise également les sommes que les familles, les entreprises ou les compagnies d'assurance pourraient être conduites à remettre par leurs propres moyens aux preneurs d'otages".

La France ne va plus payer pour délivrer des otages français, pris par des rebelles-terroristes-dhihadistes-révolutionnaires-de-tout-acabit.

Oui, mais est-ce la bonne idée? Et où cela va-t-il nous mener?

J'entends, il faut lire le dernier article, "L'histoire secrète des otages",  sur ces questions dans le Nouvel Observateur du 14-20 mars 2013, pour comprendre que la libération des otages est un vaste jeu cruel où l'aventurier-ancien-légionnaire-soldat-colonel (ils peuvent être plusieurs, et peuvent même être des concurrents, les coups bas sont possibles; le bel exemple est ce duel entre le Colonel Jean-Marc Gadoullet et le Consultant Guy Delbrel qui a fait avorter une des opérations de libération) a plus de chances de faire aboutir l'opération libération que le mieux intentionné des ministres des affaires étrangères, ou les mieux armés et les mieux aguerris des soldats sur le terrain. Quand j'ai lu cet article de Jean-Paul Mari, - je voyais des images de films américains-hollywoudiens d'aujourd'hui - j'ai compris que la réalité est fiction, ou, est-ce l'inverse? J'ai aussi compris que des manifestations comme celles d'aujourd'hui de citoyens français qui réclament la libération des otages ont peu de poids, sinon auprès des décideurs politiques, qui en retour, dans ce jeu cruel, ne décident rien... si on ne pait pas de rançons... Ainsi, on (le gouvernement français? Sogea-Satom? Areva? Familles?) aurait payé 17 millions d'euros pour la seule libération du Togolais Alex, du Malgache Jean-Claude et de Mme Françoise Larribe. On apprend dans cet article que le chef islamiste Abu Zeid, récemment tué par les soldats français au Mali, demandait pour la seule libération de Daniel Larribe (30 millions de $), de Thierry Dole et Pierre Legrand (40 millions de $), de Marc Ferret (6 millions de $). Bref, assure le colonel négociateur-aventurier-libérateur-d'otages, il aurait pu négocier-régler-final cette demande pour 30 millions de $. Tout cela a l'air si inventé, si digne d'un film de guerre américain, si peu plausible, si absurde (on joue avec des vies) que la lecture de cet article me laisse pantois, déconcerté. Pourtant je ne suis pas si naïf, et je sais bien que les choses se passent comme cela, tout ça est connu du public, et surtout des autorités.

Ainsi, on sait depuis longtemps que les prises d'otages, au Mexique et en Colombie, (des milliers d'enlèvements chaque année) ont entraîné la création d'entreprises de négociations très spécialisées - elles sont surtout britanniques et américaines; on peut les consulter sur le Net - pour s'occuper, en affairistes-professionnels, (elles sont formées, pour la majorité, d'anciens GIs américains, ou légionnaires de toutes sortes) de tous les cas d'enlèvement qui surviennent dans ces pays. On sait tout cela, ça existe ces échanges d'otages contre des dollars, c'est un marché très lucratif, et pour les révolutionnaires, et pour les experts échangeurs.

Alors quand je lis que le Président Hollande - on dit qu'il a écarquillé les yeux quand il a vu les sommes colossales en jeu - est choqué que l'on paie toujours autant d'argent pour des libérations et que cela l'amène à changer la politique de la France en ce qui regarde ces dossiers d'enlèvement, je me dis que le naïf, c'est lui. Son "on ne négocie pas avec des terroristes" mène à quatre stratégies possibles: 1- la première: on cesse de payer (ni le gouvernement, ni les familles, ni les entreprises employeurs des otages: pas facile de s'assurer du concours de ces deux derniers), et cela à terme, disons après plusieurs années, et après plusieurs otages exécutés, peut décourager les preneurs d'otages français - il n'y aurait plus d'argent à faire; 2- la seconde: on négocie (quand même), sans parler d'argent, avec les preneurs d'otages, sur des bases différentes, comme par exemple les exigences des preneurs d'otages: fin de la guerre au Mali, retrait  des troupes, fin de l'intervention française en Afghanistan, possibilités d'échanges d'otages (les prisons françaises et maghrébines en sont pleines)... Bref, des négociations qui ont peu de chance d'aboutir; 3- la troisième: on tente une opération armée pour leur libération (on sait comme cela s'est passé pour les sept otages français actuels au Nigeria - tout a foiré, jusqu'à maintenant -; on sait aussi que ces opérations sont risquées, ainsi cette attaque manquée contre Mokhtar Belmokhtar, dit "le Borgne", qui a coûté la vie à deux otages français récemment); 4- enfin, une quatrième, et celle-là est plus globale, je l'appelle la stratégie de l'anticipation. Pourquoi attendre que des enlèvements surviennent? Comment pourrions-nous anticiper qu'ils ne surviennent pas, autrement dit, comment s'assurer, à long terme, qu'il n'y ait plus d'enlèvements? Je sais, ça paraît idiot de le dire ainsi, et ça l'est, dans le contexte actuel. Les compagnies françaises qui exploitent des ressources gazières (en Algérie et ailleurs) et autres (uranium au Niger), ne vont pas se replier; leurs travailleurs qui prennent ces emplois à haut risque sont bien payés, ils ont des primes, et ils ne vont pas abandonner leurs postes; les preneurs d'otages, les terroristes convaincus de combattre les mécréants pour la bonne cause, ou pour de l'argent, vont continuer de prendre des otages; les pouvoirs trop souvent corrompus des pays qui cèdent des droits si facilement aux entreprises françaises, et qui peinent à contrôler leurs populations révoltées (j'aurais dû écrire "satisfaire les besoins essentiels de base de leurs populations"; c'est là que commence pourtant "l'anticipation"), vont continuer de se vendre aux plus offrants... ETC...

Bref ce contexte est économique, et il est mondialisé. Il dicte ses conditions et ne connaît pas de frontières. Aucun pays n'y échappe. Mais quel est le problème avec cette mondialisation économique? Y a-t-il seulement un problème?

Moi, je vois des "phénomènes", des choses concrètes (des chômeurs, de la précarité, de la grande pauvreté, des gens riches, oui, mais surtout de très pauvres, des gens malades qui n'ont pas accès à un minimum de soins, de l'analphabétisme...), certes je vois beaucoup de choses qui "font problème" à mes yeux. C'est subjectif ? Non, cela est très objectif: des médecins le constatent, des assistants sociaux le constatent, des éducateurs le constatent, bref, c'est montrable, c'est touchable, c'est sans doute "vrai". Alors où est le problème? Le "conditionnement économique" de nos sociétés est partie au problème... il est peut-être même le problème, il conditionne le politique, le social, le culturel; et il ne peut être régulé, contrôlé, formaté autrement... si facilement. Les États font leur travail... quand ils le peuvent, ou le veulent: ils ont des politiques budgétaires, fiscales, monétaires... (en santé, en éducation, en finance, en affaires internationales...) mais on dirait bien que cela ne suffit pas. Et peu d'états se sont mis ensemble (sauf l'Europe) pour essayer d'aller au-delà de politiques nationales pour tenter de juguler globalement les bêtises de notre monde. Peut-on faire autrement? Avec quel moyens? Je ne sais pas. Mais je sais une chose: si nous ne nous attachons pas à comprendre d'où proviennent (qui et quoi engendre cela?) ces phénomènes que j'observe, je peux  m'alarmer autant que je le peux, je "gesticule" en vain, je crie dans le désert... et personne ne me voit, ni ne m'entend. Ces phénomènes apparaissent comme les symptômes d'une maladie grave (laquelle?) et, si on ne s'intéresse pas à "la maladie qui les fait naître", c'est peine perdue.

"La maladie qui les fait naître?"

Je crois avoir trouvé une addendum, disons plutôt un support, à ma réflexion là-dessus dans un tout petit article, de Jean-Claude Guillebaud, dans le Nouvel Obs du 14 mars 2013, et qui traite du livre "Le théorème du lampadaire", de Jean-Paul Fitoussi. Parlant de notre monde "peu hospitalier", parlant de "ces temps déraisonnables où la plus grande misère côtoie la plus grande richesse", et où prévaut "l'apogée de la déraison", il (Fitoussi, cité par Guillebaud) assure que "la déraison et l'aveuglement ont progressivement construit le monde peu hospitalier dans lequel nous vivons aujourd'hui", et que, en conséquence, nous nous devons de nous intéresser plus intelligemment à la "maladie grave" qui a enfanté ce monde, notre monde. Guillebaud présente deux éléments du diagnostic de Fitoussi: 1/ L'un concerne la bêtise, "elle seule explique que tant de décideurs aient pu collectivement adhérer à cette fameuse théorie de l'efficience des marchés, émise dans les années 70 par Eugène Fama (Adam Smith l'avait dit bien avant lui), économiste de l'école de Chicago", bref de l'irrationalité à l'état pur, de la bêtise. 2/ L'autre élément concerne la cupidité des opérateurs financiers. C'est connu, le système économique veut que les opérateurs financiers, et aussi économiques, fassent de l'argent, des profits: cela profite à quelques-uns, certes, mais cela nuit à la vaste majorité des gens. Les désavantages, les pertes, sont ainsi socialisés. Oui, le refrain est connu; et il est prouvé. Mais tout cela ne nous renseigne pas beaucoup sur cette "maladie grave qui a enfanté ce système" où la bêtise et la cupidité sont reines. Alors où est-elle?

Simple: elle est dans les "règles intrinsèques" de ce MARCHÉ MONDIAL, dans la recherche de l'efficience à tout prix des marchés qui crée la bêtise et la cupidité des décideurs et des opérateurs, tous les acteurs du MARCHÉ MONDIAL. Comment expliquer ces phénomènes (ces symptômes observés) de la façon la plus complète possible, de la façon la plus universelle possible (puisque c'est de l'univers connu dont il s'agit)? Quelle science (économique?) peut expliquer cela? Les phénomènes observés, catalogués comme tels (vrais et réels, mis en mots) ont été analysés et théorisés. Le matérialisme historique de Marx est toujours pour moi la référence essentielle.

Je vois bien que je m'apprête à faire un mauvais topo marxiste. Mais je trouve essentiel de rappeler que notre système économique mondial connaît des contradictions effarantes (riches/pauvres; privatisation des profits/socialisation des pertes), des faiblesses inhérentes (liées aux hommes si "faibles" et si "déraisonnables" qui décident), des règles de base trop larges, trop floues, trop faciles à outrepasser (fiscalités défaillantes, paradis fiscaux...), des développements sauvages (Russie, Chine...)... et une culture de la bêtise et de la cupidité inhérentes à la mise en place de tous ces phénomènes excessifs. Mais alors? Oui, mais alors? Que faire, que croire, que penser... si l'on veut changer quelque chose à cela?

Mon pessimisme est réaliste, il reflète le monde connu; comme l'est mon optimisme en l'homme, lui aussi réaliste, qui a des sursauts d'intelligence et de foi dans ses actions, et qui peut changer quelque chose parce qu'il peut "anticiper" ce qu'il faut faire pour que cela advienne. Plus haut j'écrivais que l'état - dans ce cas précis du Mali - devrait tendre à "satisfaire les besoins essentiels de base de sa population" et que c'était là que commençait "l'anticipation". Anticiper dans ce cas voudrait dire tendre à empêcher que des populations qui souffrent ne se révoltent, et que des esprits étroits du Djihad islamiste orientent leurs actions vers des guerres et des révoltes violentes.

Mais "anticiper" voudrait dire quoi d'autre ? Une seule chose: agir pour reconstruire notre monde sur des bases plus équitables. Je sais, cela nous emmène à cet sempiternelle question: "réformer ou révolutionner"?  Ou à quelque chose d'autre?

Je rêve, pour sûr. Mais je le dis quand même: reconstruire est toujours possible. Je repense souvent à ce que disait Picasso à propos de l'oeuvre à construire. C'est de la destruction permanente, et de la reconstruction (quelque chose d'approchant). Notre oeuvre, c'est notre monde. Il ne suffit pas de s'indigner (évidemment il est important de prendre conscience de tout cela, c'est un préalable), il faut reconstruire notre monde, notre oeuvre.

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Le ton monte chez les djihadistes qui ont enlevé les 7 Français...

** Otages : mise en garde de Boko Haram contre un recours à la force

Le Monde.fr avec Reuters | 21.03.2013 à 08h48 • Mis à jour le 21.03.2013 à 08h51

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Abubakar Shekau, au centre, présenté comme le chef de la secte Boko Haram.

"La force ne servira pas" à libérer la famille française prise en otage le 19 février dans le nord du Cameroun, déclare un homme présenté comme le chef du groupe islamiste nigérian Boko Haram dans une vidéo diffusée jeudi 21 mars sur i-Télé.

"Nous sommes fiers d'affirmer que nous retenons les sept otages français", déclare sur i-Télé Abubakar Shekau, qui dirigerait le groupe depuis 2009. "Nous les retenons parce que les autorités nigérianes et camerounaises ont arrêté des membres de nos familles, qu'ils les brutalisent et que nous ne savons rien de leurs conditions d'emprisonnement", explique-t-il. "Nous affirmons au monde que nous ne libérerons pas les otages français tant que nos familles sont emprisonnées. La force ne servira pas à les libérer, nous sommes prêts à nous défendre avec force", prévient-il."

Faut-il ajouter quelque chose? C'est curieux, les djihadistes parlent de leur famille, et non plus de leur guerre, la DJIHAD...

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