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Royal Affair (En Kongelig Affære - Nikolaj Arcel, 2012)

Par Doorama
Royal Affair (En Kongelig Affære - Nikolaj Arcel, 2012) Au Danemark, le roi s'adjoint les services d'un médecin personnel : Johann Friedrich Struensee. Ce dernier, adepte des Lumières, jouit d'une grande influence sur ce roi que ses conseillers considèrent comme à demi fou. Ses idées révolutionnaires ne laisseront pas insensible la reine Caroline, et une liaison va naître entre la reine et le médecin du roi. Mais l'influence de Stuensee sur Christian et les nouvelles lois appliquées au royaume danois sont loin d'être du goût de tous, et son aventure avec la reine risque bien de servir ses opposants.
Il est donc possible de mélanger passion amoureuse et révolution politique dans un film en costume sans tomber dans les clichés et les codes usés. Nous avons entendu un critique dire qu'il fallait "remonter à Barry Lyndon pour retrouver un film en costume avec une telle envergure", on applaudit des deux mains à la rédaction, tout en évoquant aussi Les Duellistes... Royal Affair à fait mouche à la rédaction, autant pour sa forme, sobre et travaillée, que pour ses acteurs (le décidément énorme Mads Mikkelsen en tête) que pour son équilibre entre romance et politique... Royal Affair n'en met pas plein la vue, c'est la tête qu'il vise...
Alors que nombres de films en costume se concentrent souvent sur l'opulence des décors, la finesse de leur reconstitution et le faste des costumes, Royal Affair offre une vision très sobre de la cour danoise, aussi réussie que discrète, et préfère ajuster le tir sur la triangulation le roi / la reine / le docteur et les remous qu'il émettent autour d'eux. Pas de faire-valoir dans Royal Affair, chacun de ses personnages principaux est finement construit, et même ce roi, mi-fou, mi-immature, qui sert de tremplin à la construction de Struensee est traité avec les égards dus à sa condition ! Les Lumières s'invitent à la cour du Danemark sous la forme d'un médecin allemand... La reine anglaise sera séduite par les idées de révolution de Struensee, le roi par sa "simple" compagnie, et c'est par le bas que le Danemark dessinera les premières esquisses d'un Nouveau Monde, d'une société plus juste : le spectateur ne sait plus trop s'il est convié à une simple romance en costume ou bien à la lecture détaillée, et passionnante, d'une page politique de l'histoire... Royal Affair trouve rapidement un équilibre entre petite et grande Histoire, entre l'intime d'une histoire d'amour et l'esquisse d'un monde qui s'apprête à changer de direction... Nous sommes en 1770...
Là où un Lincoln nous assommait avec une vision historique figée et convenue, presque auto-suffisante, Royal Affair procède par le charme et la finesse plutôt que par la démonstration et, oserions-nous, par un réalisme plausible. La cour s'y ferait presque modeste, les problématiques qui s'y déroulent demeurent à échelle humaine : le pouvoir politique est mû par l'individu, au nom de causes ou d'intérêt de la classe à laquelle on appartient, le couple insatisfait (car la reine Caroline est avant tout une femme condamnée à un mari qu'elle n'aime pas, qui ne l'aime pas...) est traité sans violons ni effets : juste un homme et une femme unis au noms d'alliances qui les dépasse tous deux, et l'ombre de la tentation qui pointe... Royal Affair évite avec bonheur de jouer la carte du faste et du spectacle, il se concentre sur ses personnages et les idées qu'ils défendent sans artifices inutiles : l'essentiel ! On saurait même y retrouver cette concentration sur le fond, plus que sur la forme, du cinéma "dogme" d'un certain Lars Von Trier, mais sans ses travers... Ah tiens ? Royal Affair est issu de sa compagnie de production !?
Amour, Gloire et Beauté ? Ces affres idéologiques sont bannies de Royal Affair ! Si amour il y a, il ne sera ni serein ni récompensé de bonheur à la fin... La gloire ? Personne ne court après dans Royal Affair, le pouvoir et la politique sont des plats qui se construisent loin des regards... Quant à la beauté, elle est circonscrite à deux parcelles pour évoluer : les idées des Lumières et l'amour interdit que la reine et Struensee entament... De là à soutenir que la beauté est intimement liée à la Liberté (grand L !), il n'y a qu'un pas... Au Danemark, vers 1770, un médecin de campagne aux origines modestes est parvenu à mettre en oeuvre une répétition générale de ce qui allait être l'un des moteurs de la Révolution française ! Comme l'Histoire n'aime pas les surprises, Struensee paiera cher cette audace... Le modèle humaniste de Struensee sera broyé par une "simple", mais scandaleuse, histoire d'amour... Royal Affair, à mieux y regarder n'est pas une belle histoire pleine de promesses et d'espoirs récompensés. Malgré la belle lumière qui illumine une très belle mise en image, Royal Affair est un drame pessimiste et sombre ! Une savoureuse analyse de la capacité d'un système à se maintenir en place... Comme Royal Affair s'avère beau, fin et passionnant ! S'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, sachez que ce n'est certainement pas ce petit diamant, ciselé de main de maître ! La rédaction est conquise.
Royal Affair (En Kongelig Affære - Nikolaj Arcel, 2012)

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