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Joel Meyerowitz, la couleur et la rue

Par Pointofview @ptofvw

Aujourd’hui nous allons parler du photographe Joel Meyerowitz et de son travail sur la couleur. Une rétrospective lui est consacrée à la Maison Européenne de la Photographie jusqu’au 7 avril et en ce début printanier c’est une expo qu’il ne faut pas rater.

Meyerowitz est né en 1938 dans la Bronx. Il aurait pu faire partie de la Beat Generation s’il avait été écrivain. Explorateur post Seconde Guerre, il est un des pionniers de la photo couleur explorant d’abord les rues de New York dont il est originaire, Leica en poche puis arpentant l’Amérique d’est en ouest à la manière d’un Kerouac sur la route. Il part ensuite en Europe pour continuer son voyage. En 2001 il sera le seul photographe autorisé sur le site de Ground Zero, immortalisant une Amérique touchée en plein cœur et qui se reconstruit.

Son influence vient du photographe Robert Franck, qu’il rencontre en 1962 alors qu’il est directeur artistique en agence de publicité. Un après midi avec ce dernier bouleversera sa vie et l’incitera à devenir lui même photographe des rues.

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Joel Meyerowitz Maison européene de la photographie point of view 2
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Car c’est bien la rue qui attire d’instinct Meyerowitz. Il y fait des expériences, cherche l’insolite, cristallise une quotidienneté et souhaite capturer l’instant New Yorkais à travers des scènes de la vie courante. Si quelques unes de ses photos sont en noir et blanc,  la plupart sont en couleur, un véritable parti pris quand on sait qu’à l‘époque elle est jugée trop commerciale et décriée les hautes sphères de la photographie artistique. Qu’importe, Meyerowitz en fera son outil d’expression.

J’ai beaucoup aimé la vivacité et l’aspect contemporain des photos. La typographie, et les marques jouent un rôle essentiel tout au fil de son œuvre. De New York en Californie, puis l’Espagne en passant par Paris, presque tous les clichés de Meyerowitz sont siglés. La présence d’un texte ou d’un logo permettent au delà de l’aspect humain très prenant, de contextualiser des situations ou de révéler une atmosphère américaine souvent consumériste que l’artiste cherche clairement à dépeindre.

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Il n’y a par que très peu de nature mortes et elles sont orientées vers l’humain. Les maisons – construites par l’homme pour l’homme – et la série Elément, – le feu, flamme de cheminée,  la terre, un champ retourné, l’air et l’eau, fond de piscine bleutée et rayée- sont les seuls éléments sans présence humaine claire mais suggérée.

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A la manière d’un Paul Graham, ses modèles sont toujours des anonymes des rues. Meyerowitz se pose en témoin du quotidien, jouant avec les couleurs et les perspectives pour capturer l’instant magique que lui seul a perçu. C’est un vrai chasseur d’images. Il les préférera imposées à lui plutôt que construites par lui. Alors même que la construction physique par l’humain le passionne. On le voit dans son rapport à la ville. L’architecture, les routes, les maisons, les voitures qu’il photographie en intérieur et en extérieur. L’urbain est son terrain de jeu. Mais un urbain positif, coloré et vivant.

Tout comme l’est son rapport à la consommation : Les marques, la typographies que j’évoquais sont omniprésentes mais souvent au second plan ou en deuxième lecture, placés dans le décor de manière sage, en outil de la compréhension, et peut être en clin d’œil à une vie antérieure de publicitaire ? Ce rapport pose un cadre de modernité délibérément contemporain.  Très différent d’un travail de Doisneau quand on peut imaginer une certaine similitude dans les clichés de Meyerowitz à Palm Springs ou Los Angeles. Il déclenche par la couleur et par cette présence du texte une proximité avec les modèles, qui achètent, vont au cinéma et boivent comme nous. Les marques sont alors des jalons du quotidien ou de l’insolite, elles permettent de renforcer un message : la vision d’une Amérique puissante, insouciante en multicolore.

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Une Amérique qu’il immortalisera également détruite et en reconstruction, puisque Joel Meyerowitz sera le seul photographe autorisé sur le site de Ground Zero en 2001 après les attentats du World Trade Center.

Le contraste avec les situations quotidiennes des années 60 70 est alors frappant. Les couleurs renforcent ici l’aspect de profondeur et de vérité d’une Amérique meurtrie. Le gris de la poussière, les débris de verre qui scintille, mais aussi le rouge vif des grues et de ces hommes, les pompiers de New York que Meyerowitz a voulu immortaliser « car on doit se souvenir, il nous faut des images » précise t il. C’est alors un devoir de mémoire.

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Cette série est très intense et fait l’effet d’un pavé dans la marre colorée. Elle arrive en fin d’exposition alors qu’on avait habitué notre œil à une quotidienneté insouciante et douce, à des portraits colorés. On nous replonge d’un coup dans une réalité et un photo-journalisme vérité. Comme si l’Amérique c’était réveillé en sursaut et nous avec.

Une rétrospective passionnante, retraçant le travail magistral d’un des grand maitres de la couleur et de la photographie. A ne pas manquer.

A noter qu’une rencontre / signature est organisée à la MEP ce mercredi 27 mars 2013 avec Joel Meyerowitz. (plus d’infos: http://tinyurl.com/cfax2vh )

Raphael Mayol

PS : 2 petites astuces complémentaires pour les puristes :

1/ Ne PAS s’arrêter à la librairie de la MEP, la dame n’est (vraiment) pas sympa et ils n’ont de toute façon pas édité de catalogue. Pour trouvez des ouvrages sur l’artiste,  rendez-vous dans la librairie spécialisée de votre choix.  Pour les Parisiens, je conseille la librairie du Bal, petite mais très pointue.

2/ Pour profiter pleinement de l’immersion de l’exposition, il faut du calme et de l’espace pour observer chaque cliché à votre guise. Ils sont tous pleins de détails fascinants, tant dans la forme que dans le jeu des perspectives. Vous voulez donc être seul et prendre le temps – et par dessus le marché vous voulez du silence. Evitez donc par dessus tout les week-ends, où vous attendrez 1H facile pour rentrer dans le musée et où vous ne pourrez pas bien vous déplacer.  Comme je suis rigolo je vous conseille de vous y rendre en semaine, vers 14h… Comment ça vous travaillez la semaine ?

Plus d’informations: Maison Européenne de la Photographie 


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