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Mon bon vouloir

Par Notes-Sur-Tel-Aviv @MyriamKalfon

« Fait selon notre bon vouloir », disait Louis XIV…

Je souris devant ma page Wikipédia. Ma grande passion pour le Roi-Soleil ! Il y a des tas de choses fascinantes dans cette phrase. Le désir d’un individu élevé au rang de droit divin. Bien avant que la démocratie et la République n’atteignent la France, il y a avait une personne, probablement la seule dans tout le royaume, qui pouvait se targuer d’agir uniquement selon « son bon vouloir »…

Aujourd’hui, moi, j’ai envie de me marier selon mon bon vouloir. A ma façon. Ça te tiens sacrément à cœur, me dis-je, sur le chemin du retour du supermarché. Je le sais parce que je n’arrête pas de ruminer le discours que je servirais bien à future belle-maman, tant ma fureur est grande qu’elle est un avis sur la question et surtout, que cet avis soit en contradiction du mien.

Mais c’est étrange, que cela m’agace autant car il ne s’agit pas de ces familles où nous nous ferons dicter nos conduites. Nous sommes moralement et financièrement indépendants. Cela n’empêche pas, bien sûr, mes futurs beaux-parents d’avoir un avis,  mais, dans le fond: et alors ? Qu’est-ce que se joue-là qui m’occupe autant l’esprit ? L’amoureux, qui lit un livre sur l’organisation personnelle, me cite fièrement que « there is no reason to have the same thought twice unless you like having that thought ».

step mother

D’accord, cette pensée me plaît sans doute. Lui, il pense globalement que je passe trop de temps à réfléchir « aux relations » , comme il dit, et ça me fait sourire. J »aime bien qu’il voit ça comme ça, « les relations », ça porte un nom et une étiquette. C’est intéressant parce que, avant cette observation, je pensais naturellement que je ne parlais pas « des relations », mais de la vie, de moi, de nous, de l’amour… Demandez  donc à un groupe de filles si elles savent parler d’autre chose que « des relations ». Ah bon, parce qu’il y a autre chose d’intéressant, s’écriront-elles probablement,  plus ou moins de bonne foi.

En dehors de ma passion pour « les relations », il y a aussi que , chez moi, la colère ne connaît qu’une seule voie d’issue : l’extérieur. Il me paraît très difficile de garder pour soi, « laisser passer », « mettre de côté » , « prendre sur soi » et autres formules inventées visiblement par des gens qui n’avaient pas le caractère latin. Fâchée je suis, fâchée le monde doit savoir que je suis. Bon. Mais avec future belle-maman, les règles du jeu ne sont pas évidemment pas les mêmes. Exit les coups de sang, place à la stratégie, si tant est que ce soit vraiment possible, au nom de ce vertueux principe qui s’appelle « commencer du bon pied ».

Dire, dire, dire

J’ai tout un tas de justifications, aussi. Voilà bien longtemps qu’ils emmerdent mon amoureux; y payent pas, y z’ont rien à dire; ça les concerne pas, on est majeurs et vaccinés et, de toute façon, ils ont qu’à dire merci qu’on se marie, on pourrait tout autant rester en union libre….. Tout cela est partiellement vrai, mais cela n’explique pas que je répète les mêmes phrases en boucle depuis 15 jours.

Alors, quoi ?

Qu’est-ce qui se joue soudain dans cette relation avec ma belle-mère qu’au demeurant j’aime bien, qui m’apprécie beaucoup, ne cesse de répéter que je suis fantastique et qui ne tient pas une place trop envahissante, à mes yeux, dans la vie et le cœur de son fils ?

En vérité, je ne sais pas. Je soupçonne seulement quelques pistes d’interprétation. La première est que j’ai l’impérieux besoin de marquer ce mariage de mon empreinte. Pour ne pas être comme tout le monde, sûrement. Pour me l’approprier, surtout.  Pour approcher cette cérémonie tant désirée, tant redoutée et tant commentée d’un peu plus près. Pour m’en faire une alliée, elle dont mes parents se sont passés, elle qui ne fait certainement pas l’unanimité « in my crowd », du côté où j’ai grandi. Donc je veux absolument que ça ait du sens. Que ce ne soit pas un spectacle, une convention, une pièce sociale que l’on se joue à soi et aux autres. Un moment spirituel, je martèle, tout en ayant conscience que ceux qui me rétorquent que je serais stressée et que ça passera à toute allure, ont probablement raison.

La seconde est le besoin encore plus puissant de m’exprimer et d’être entendue. Partout. Dans ce blog, dans mes articles, des mes opinions, sur Facebook, par ce que je porte, ce que je mange, ce que je crois. Dire. Montrer. Apporter quelque chose. Proposer une vision. Ce trait de caractère , qui m’occupe beaucoup et lorgne indubitablement vers les questions de vocations, ne me déplaît pas. Mais il m’interroge. Qu’a-t-il à voir avec l’approbation ? Dire pour être entendue, d’accord, mais dire pour être aimée? Respectée ? Vénérée ? De la fine différence entre le politicien « par ego », comme on dit de Ségolène et Sarkozy en se bouchant le nez, ou celui « par sentiment de devoir », »désir de servir » etc.

Dire, aussi, pour marquer mon indépendance envers l’autre. Je n’ai pas de problème avec l’autorité; au contraire, j’aime la hiérarchie, j’ai du respect pour ceux qui savent commander et apprécie tout autant délivrer les ordres moi-même. Mais qu’on essaye de me mettre des mots dans la bouche et je me braque. Je ne laisse pas les phrases se terminer, j’attaque, je claque les portes de la conversation. Qu’on me donne un avis que je ne sollicite pas sur mes choix et je me ferme. L’impertinence des gens ! je fulmine. Ces fameuses gens qui ont un avis sur tout… Tout comme moi. Pourquoi passons-nous nos vies à nous régenter les uns les autres ? Pourquoi prétendons-nous jauger, estimer, diagnostiquer, condamner en permanence ? Drôles d’animaux que nous sommes.

Je me marie. Je n’en ai pas fondamentalement besoin en 2013. Je me peux faire reconnaître mes droits, mon union et mes enfants autrement. Mais je réunis mes amis et parents pour « les prendre à témoin » de mon amour et de mon engagement envers cet homme-là. Je les sollicite pour valider, pour donner du poids. Pour me donner de la force et du courage, pour marquer le coup, pour fêter ça, pour invoquer la bénédiction divine.

step mom 2

J’ai donc besoin de mes proches pour bâtir mes choix d’individu. Je leur demande d’être là. Mais, apparemment, de ne pas avoir d’avis. Ou si, mais le même que le mien. Sur la robe, le traiteur, le lieu, la façon de s’unir. Ne seraient-ce alors que de simples miroirs que je convoque ?

Cette femme qui a donné naissance et élevé l’homme que j’aime a bien évidemment le droit d’avoir une opinion. De s’émouvoir et de s’intéresser à la façon dont son fils aîné va prendre femme. Reste à savoir à quel point je me sens menacée, moi, par ce point de vue. A quel point je m’accorde la légitimité de faire mes propres choix, qu’ils plaisent ou non. A quel point surtout je me sens, ou non, étouffée, lorsque je m’exprime calmement, sans hurler, sans mégaphone ni agitations inutiles.

Ce matin, nous avons élaboré une tactique de guerre. A savoir, « courage, fuyons », le laisser faire sur le front de la communication parentale. Quant à moi, rien. Laisser dire.

Un bon exercice, je crois.



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