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Le Chevalier de Saint-Georges ! Lettre à un ami !

Publié le 06 avril 2013 par Halleyjc

En farfouillant dans mes archives pour je ne sais plus quelle raison, j'ai retrouvé cette lettre que j'avais adressée à un ami qui me faisait quelques reproches. Cela se passait en 2010 au moment ou quelques courageux tentaient d'organiser un Symposium sur Joseph Bologne le Chevalier de Saint-Georges. 

Cher ami,

Je suis sollicité pour utiliser à l'endroit de Saint-Georges de l'une ou de l'autre de ces deux expressions Mozart-Noir et Nègre des Lumières, et j'exprime ici très simplement ma réticence.

Mes arguments sont très simplement :

  • Ces deux expressions sont inutilement racoleuses et le personnage de Saint-Georges mérite d'autres arguments pour exposer ses vraies qualités.
  • Ces deux termes sont des inventions du 20ème siècle et n'ont aucun fondement historique.
  • Saint-Georges est un musicien et Mozart est un autre musicien. Leur rapprochement dans une telle association de mots est dangereuse et une fois de plus sans utilité.
  • Le Chevalier de Saint-Georges n'est pas un nègre, mais objectivement un mulâtre.

Je ne m'oppose pas à leur utilisation par d'autres et je leur laisse la paternité de ces expressions qui ne me conviennent pas. L'argumentaire développé autour de Joseph Bologne doit être sans concession vis à vis de la vérité historique et d'une utilisation hautement humaniste. Nous devrions, en Guadeloupe, ressentir avec fierté la chance et la responsabilité que nous avons de vivre au sein d'un monde créole qui trouve en lui-même ses valeurs et ne peut souffrir de se laisser enfermer dans des clichés.

Je suis aussi sollicité pour écrire Saint-Georges sans le "s". Les recherches menées à ce jour démontrent que l'on peut écrire ce nom avec ou sans "s". Je comprends les arguments de Monsieur Claude RIBBE et Pierre BARDIN qui ont choisi d'écrire sans le "s". Qu’ils acceptent ici non pas le moindre reproche, mais au contraire des compliments chaleureux pour le beau travail accompli. Nous n’oublions pas les 50 000 spectateurs de Versailles que nous devons à Claude RIBBE. Nous savons l’acharnement qu’il a fallu à Pierre BARDIN pour arriver à ses très récentes trouvailles sur le Chevalier. Je leur oppose simplement les travaux du regretté Emile SMIDAK de la Fondation AVENIRA qui fit tant pour la musique du Chevalier et qui adopta lui aussi l'usage du "S". J'accepte bien entendu la décision de Madame Michelle GARNIER-PANAFIEU de ne pas utiliser le "s", mais je défends en même temps les habitudes de la Guadeloupe, comme par exemple cette manière toute créole d'éluder le "de" disant plus facilement comme le chantait le regretté Gérard LAVINY "Chevalier Saint-Georges" et non pas "Chevalier de Saint-Georges". Quelques autres musiciens comme la grande violoniste Rachelle BARTON sous les conseilles éclairés de Dominique de Lerma gardent le "s" que l'on retrouve aussi dans la brillante discographie de ARION avec le merveilleux Jean-Jacques KANTOROW.

En relisant toute la littérature antillaise du 20ème siècle consacrée au Chevalier force est de constater que nos anciens avaient opté pour le "S". C'est un hommage très humble et très fervent que je propose de leur rendre en conservant leur manière d'écrire Saint-Georges. Ils ne sont plus là pour s'en défendre, raison de plus pour accepter cela.

Je suis sollicité pour dire que Nanon, le maman de Joseph, serait originaire du Sénégal. Ce n'est pas la vérité historique. Nanon est bien née en Guadeloupe, au Grand Cul de sac Marin de la Guadeloupe, comme elle le déclare elle même à la "Table de Marbre".

Je suis sollicité pour ne pas donner à Joseph Bologne son vrai père et sommé de le traiter d’alcoolique et d’assassin. Non le père de Joseph Bologne est bien Georges de Bologne de Saint-Georges, un homme respectable et plein de sollicitude et d'amour à l’endroit de Nanon et de Joseph avec lesquels il forme un trio magique.

Je suis sollicité pour faire naître Joseph en 1939 ! Son année de naissance est incontestablement 1745 et son prénom Joseph incite à penser qu’il soit venu au monde le 25 décembre de cette même année.

Je suis sollicité pour faire la paix avec un certain journaliste qui fait par ailleurs de belles choses sur Saint-Georges. Je ne suis en guerre avec personne et surtout pas avec ceux qui s’intéressent à Saint-Georges. Certains peuvent revendiquer d'être les découvreurs de Saint-Georges, et affirmer que les Guadeloupéens l’auraient abandonné ; je leur oppose la rue Chevalier de Saint-Georges de Basse-Terre baptisée en 1912, le brillant essai de Monsieur Gaston Bourgeois jamais publié mais datant de 1939, les notes manuscrites de Vauchelet (début du siècle dernier) qui ont permis à Monsieur Lionel de La Laurencie de trouver le prénom de Joseph, Maître Denis ODET le découvreur du vrai du père du Chevalier de Saint-Georges, et le travail de notre ami Jean-Paul Hervieux aux Archives Départementales de la Guadeloupe qui orienta les recherches de Monsieur Gabriel BANAT vers les trouvailles que sont les déclarations de Nanon et Monsieur de Laboéssière à la Table de Marbre ; sans compter les écrits de Henri BANGOU, Oruno LARA, Alain BUFFON, Gino GRECO.... A aucun moment la Guadeloupe n’aura abandonné Saint-Georges. Bien au contraire depuis plus de 30 ans, elle s'offre le luxe et le plaisir renouvelé d'un Ensemble Instrumental qui porte le nom prestigieux du Chevalier de Saint-Georges et que préside Madame Ghislaine MIOLARD.

Je suis sollicité pour faire précéder les œuvres de Saint-Georges de la lettre "G". Je n'aurais jamais osé une telle insulte au Chevalier de Saint-Georges et à sa musique si je n'avais aucune compétence pour étudier ses partitions. Et c'est Monsieur Gabriel BANAT qui, devant notre silence coupable d'avoir permis cet acte illégitime, pris la plume pour fustiger cette ignominie.

Je suis sollicité pour rendre allégeance aux Parisiens en charge de notre Saint-Georges. Ils ont les moyens de leur stratégie et je les remercie de m'avoir écarté systématiquement de leurs actions.

Après ces petites mises au point, je veux ici remercier quelques amis sincères qui acceptent au moins d'écouter ces modestes arguments et d'en discuter avec moi. A toi Daniel MARCIANO, toutes mes amicales pensées pour ton engagement fervent au coté du Chevalier le Dieu des Armes si bien servi dans tes écrits ; à toi Bill ZICK infatigable chercheur sur les Musiciens Noirs.

Si la Guadeloupe réussit ce Symposium Saint-Georges annoncé pour avril 2010, peut être que Monsieur le Maire de Paris entendra raison pour rectifier la date de naissance de la rue du Chevalier de Saint-Georges ; et si, cerise sur le gâteau, il ajoutait un « s » à Georges ! j'en serais doublement ravi.

Cher ami, désolé d'avoir été aussi long. A toi de choisir Saint-Georges avec ou sans le "s". Sois certain que je ne t'en voudrais jamais si ton choix divergeait du mien. Alors à ton tour accepte que le modeste admirateur de Saint-Georges écrive son nom avec "s" et lui rende hommage le plus souvent possible en écoutant la musique qu'il nous a laissée.

Jean-Claude HALLEY

Nota Bene : Le Symposium dont le parle dans cette lettre ne s'est pas tenu. Mais il n'est pas impossible qu'un jour quelque jeune fou amoureux de Saint-Georges ne reprenne le flambeau !


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